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Le cœur, un compagnon à chérir

Maryam Szkudlarek

Lors de ma première visite à al-Madina, après avoir énormément voyagé à travers le monde, je me souviens m’être dit que cela n’était plus la peine d’aller ailleurs, dorénavant je ne me rendrai qu’à al-Madina, il n’y avait pas meilleur endroit. J’y ai ressenti une paix et y étais enveloppée d’une lumière comme jamais auparavant dans ma vie. J’ai senti la présence du Prophète , cette paix, cette douceur provenait de lui, de sa présence. C’était comme retourner chez soi après des années d’absence, retourner chez ceux qui nous aiment et que nous aimons. Il me serrait dans ses bras et me consolait. Tout est doux autour du haram an-Nabawi, les fidèles passent, prient, rient, pleurent, aident, donnent. Nous sommes tous retournés chez nous. Comme dans chaque famille, il y a des frictions. Parfois le regard se pose sur des gens différents, que les yeux et l’ego trouvent étranges, peut-être pas très raffinés. Ces gens, en général, quand on y regarde de plus près, ne sont jamais seuls, toujours en famille, avec les membres les plus âgés et les plus jeunes, ils partagent tout et appellent leur famille loin pour partager avec eux cette connexion à Rasoulloulah . Ils n’ont certainement aucune idée du fléau de la solitude occidentale et du fait de ne pas avoir de famille avec qui partager tout ça. Ils ont le trésor de la famille quelle que soit la façon dont l’œil et l’ego les perçoivent et cela, aucun degré de raffinement ne pourra l’acheter. C’est ce qu’Allah a préservé pour eux et ce qu’Il nous a fait perdre dans la culture sophistiquée de l’Occident. L’islam nous a lié, nous n’avons peut-être rien en commun à part l’islam, mais grâce à l’islam, nos cœurs se sont ouverts pour ces personnes, elles ont notre attention, notre aide si elles le désirent, nos prières et notre intérêt. L’islam pèse tellement lourd dans la balance que nous sommes devenus frères et sœurs en Islam. L’islam est un miracle si on y pense…
 
 
Être dans le haram an-Nabawi, c’est comme être dans une bulle de protection, une ampoule de douceur et de lumière. Il n’y a que la mosquée qui compte et ce qu’on peut y faire dedans : prier, lire le Qour’an, faire des dou’a, boire de l’eau zamzam, prier salatoul-djanaza, aider, donner etc. Presque tout s’arrête pour laisser place aux salawate, au dhikr, à la réflexion, pour remplir le cœur de bonheur et sa balance de hasanate. J’envie les volontaires pour leur dévouement et cet énorme cadeau qui leur a été octroyé. Les étoiles du firmament… quelle récompense à la clé… Nour ‘ala Nour. Il serait beau de compter plus d’Occidentaux parmi les volontaires, afin qu’ils ramènent les barakate et la lumière dans leurs pays respectifs. Il n’est pas surprenant que l’Indonésie soit un pays si exceptionnel avec le cœur et le zèle incroyables que possèdent ses enfants pour l’islam. Je connais une famille soudanaise qui vit à al-Madina depuis des décennies. Le père et la mère ne l’ont quittée que trois ou quatre fois en l’espace de plus de quarante ans. Leurs cœurs y sont tellement attachés qu’ils ne peuvent pas partir longtemps et lorsqu’ils doivent partir, le shaykh repousse son départ. Il n’est pas prêt. Il a encore des choses à faire. Son cœur a besoin de temps, il ne peut s’y résigner.

 

 
Al-Madina, c’est un voyage dans le temps. Les quartiers des Banou Qoureyzha, de Khaybar et la palmeraie des Banou Sa’ada sont toujours là. Oui, toujours là, même après 1444 ans… Soubhanalla ! Masjid al-Ghamama, la mosquée des nuages, est toujours là aussi, le Prophète y avait prié salatoul-istisqa ainsi que la prière du dernier ‘id. Sayidouna ‘Umar ibn ‘Abdil ‘Aziz, رحمه الله, déclara qu’il fallait préserver l’endroit et construisît la mosquée qui fut rénovée plusieurs fois au cours de son histoire. Prier salatoud-doha là-bas est une magnifique expérience. Le chemin qui mène à masjid Qouba commence à partir de masjid al-Ghamama. En face de la mosquée Qouba, il y a toujours le puits « ethiq » où le Prophète s’est arrêté avec Abou Bakr as-Siddique رضي الله عنه et où ils ont été accueillis par les Ansars. L’âme des Ansars est restée à al-Madina et les gens sont spéciaux. Sur le mont Ouhoud, un groupe soudanais récite des anachid d’amour sur le Prophète . Non, tout n’a pas disparu. En fait beaucoup de choses sont restées à al-Madina.
 
Le tawaf, c’est un peu un film de la vie en vitesse accélérée. Les gens sont ceux que l’on rencontre tout au long de notre vie. Certains sont très agréables, d’autres nous bousculent un peu, sont agressifs et certains nous rappellent Allah et le dhikr à dire. Il y a des enfants dans les bras de leurs parents ou sur leurs dos ou épaules. Ils nous rappellent notre rôle, la continuité de l’islam et la présence des anges. Lors du tawaf, il y a des vagues, ce n’est jamais tranquille ; les choses ne restent jamais pareilles, comme dans la vie. Certains tours se font très rapidement et d’autres très lentement, certains sont faciles, d’autres difficiles. Parfois on a des ouvertures pour toucher la Ka’ba, parfois pas. Parfois on est présent, parfois on est loin, perdu dans ses pensées. C’est en fait la description rapide de notre vie sur terre : maintenir sa foi et préserver son islam jusqu’au rappel, quelles que soient les circonstances.

 

 
Le Prophète nous a tant donné et il continue de nous donner. À al-Madina, il nous enveloppe d’amour. Le cœur respire, il peut cicatriser, il peut guérir et espérer de nouveau. Il est toujours présent. Rabi’ou al-Awwal est un mois magnifique qui revivifie sa présence partout dans le monde, à travers les mawalid, les khoutab, les regroupements de la communauté, les actes de générosité et bien sûr les salawate. Mille cinq cents salawate à faire jusqu’à la fin du mois de Rabi’ al-awwal avec l’intention de tawfiq dans nos affaires personnelles et de tawfiq pour la oumma toute entière1. Qu’Allah nous octroie à tous la visite de Tayba. Rabi’ou al-Awwal moubarak à toutes et à tous !

 

يَا مُقَلِّبَ القُلُوبِ ثَبِّتْ قُلُوْبَنا عَلى دِيْنِكَ
آمين
 
Maryam Szkudlarek

 

1 Merci de préciser dans les commentaires qui participent ; on a besoin de s’encourager et de voir notre présence.

Qui suis-je ?

 

 

 

 

BismiLlâhi ar-Rahmani ar-Rahim,

 

QUI SUIS-JE ?

Nous évoluons actuellement sur cette terre sous la forme d’êtres humains, ceci pour être testés dans ce bas monde. En tant que tel, Allâh a ajouté à notre existence un certain nombre d’éléments nous permettant d’évoluer dans cette vie. Ces éléments sont ce qui compose l’être Humain. Cependant, tous les éléments qui nous composent ici-bas, ne sont pas « nous ». Ces éléments nous sont prêtés par Allâh, le temps du test, puis ils nous quitteront et certains témoigneront de ce que nous faisions et de la manière dont nous les utilisions. Lorsque le nom de ces éléments qui nous composent sont évoqués, il peut y a voir une confusion. D’une part, ces mots de sont pas toujours traduits en français de manière identique. D’autre part, ils sont utilisés de manière différente dans le Qour’an, parfois pour désigner une entité particulière et parfois pour désigner un ensemble. De plus, le sens précis de ces mots peut être difficile à cerner. Ce qu’il est donc important de comprendre, ce n’est donc pas le mot lui-même, mais plutôt le concept de ce qui est visé.

Nous essayerons inshaa’ Allâh dans cet article d’éclairer le lecteur sur la réalité de notre identité et sur la réalité des éléments qui le composent.

1/ L’ESPRIT (Ruh)

Au tout début, il y avait Allâh et rien d’autre, comme cela est rapporté dans le Hadith dans lequel le Prophète ﷺ a dit : « Allâh était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui …» [1]. Puis, Allâh nous a créés par Son ordre « KUN » (Sois) [2]. Notre état d’alors était « immatériel », puisque nous fûmes créés à partir de lumière. Cette lumière est une énergie, une puissance, tout comme qu’il y a une énergie dans la batterie d’un smartphone, sans laquelle il ne peut fonctionner. Cette énergie, cette charge, sans forme ni couleur, fut créée par Allâh. Elle vient de Lui, car Il est celui qui possède toute la Puissance (Al-Qoudrah) et peut donc ensuite en faire bénéficier Ses créatures. Allâh dit dans le Qour’an, parlant de saydinna Adam : « wa Nafakhtu Fihi Min Ruhi », ce qui signifie : « et (Je) lui aurai insufflé de Mon Esprit (ou : Mon souffle de Vie) ». [3] Aucune créature ne peut être en vie, sans avoir acquis cette vie quelque part. Seul Allâh, est al-Hayy, c’est-à-dire celui qui est vivant d’une vie qui n’appartient qu’à Lui-même, qu’Il n’a pas reçue d’un autre que Lui, qui est sans début, sans fin, qui ne meurt pas et ne s’anéantit pas.

Dans son commentaire du Sahih de Muslim, l’Imam an-Nawawi رحمه الله a dit : « L’esprit vital est une substance douce qui circule dans le corps humain et s’y mêle à l’image de l’eau dans une branche encore verte. » De son côté, l’Imam al-Ghazali, dans son livre Revivification des Sciences de la Religion, a défini l’esprit ainsi : « C’est une substance immatérielle qui gouverne le corps (ou dispose de lui). » 

Cette énergie, cette lumière est une entité, un être. On peut l’appeler la force de vie ou de l’énergie de vie ou l’énergie vitale. C’est comme lorsqu’on insère la batterie chargée dans le mobile, celui-ci commence à fonctionner. Voici notre origine, notre essence et lorsque nous disons « Je » ou « Moi », c’est à cela que ça se réfère. C’est que nous appelons généralement L’ESPRIT (ou vie ou en Arabe RUH).

A cet esprit, Allâh ajouta une autre chose que l’on nomme AMANAH. Allâh dit dans le Qour’an : « ‘Inna `Aradna Al-‘Amanata `Ala As-Samawati Wa Al-‘Ardi Wa Al-Jibali », ce qui signifie : « Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité. » [4] Saydinna Hassan al-Basri رحمه الله a dit que ce dépôt (Amanah), c’est le pouvoir de choisir entre le bien et le mal. C’est la liberté (de choix). Les Anges possèdent aussi la vie, mais ils n’ont pas cette partie-là, car ils n’ont pas souhaité l’avoir. Les animaux ont aussi un esprit, mais ils n’ont pas non plus al-Amanah.

Si on se coupe le doigt, c’est cette entité qui ressent la douleur. De la même manière, si je ressens du plaisir, c’est aussi cette partie qui ressent. Le signal va passer du corps à l’intellect (cerveau), puis l’esprit ressentira le plaisir ou la douleur.

Les parties qui sont ensuite ajoutées n’appartiennent pas à la personne, ce n’est pas « moi » et je ne peux donc pas dire « moi » en ce qui les concerne. Quand je dis « c’est mon corps », le « mon » qui déclare être le propriétaire est donc cette entité.

Ce Ruh, c’est la partie qui est responsable et qui sera punie ou récompensée dans l’au-delà, c’est lui qui ressent le plaisir ou la douleur.

Allâh a béni l’Esprit par 4 dépôts. Ces autres parties (ou dépôts), sont des outils qu’Allâh nous a confiés pour notre vie à l’étape terrestre. Ils sont :

2/ LE CORPS (Jism)

Celui-ci est composé de chair, d’os, de sang, d’organes : c’est notre structure physique. Celle-ci est palpable, nous pouvons la sentir et la toucher. Il s’agit d’une entité séparée et non d’une partie de l’Esprit (Ruh). C’est la raison pour laquelle au Jour de Jugement, nos mains parleront contre nous. Allâh dit dans le Qour’an : « Au jour où leur langue, leurs mains et leurs pieds témoigneront contre eux de ce qu’ils ont fait. » [5] Nos organes n’étant pas « nous », ils n’hésiteront pas à témoigner de la manière inappropriée dont on se servait d’eux. Ainsi, c’est de l’ignorance de dire « c’est mon estomac », « ce sont mes yeux », etc. Ce corps, nous devons en prendre soin, car d’une part c’est d’un dépôt d’Allâh et, car d’autre part, c’est le véhicule de notre esprit dans cette vie-bas. Qu’elle soit vivante ou morte, cette partie est ce qu’on nomme « le corps ». C’est aussi par lui que nous accomplissons des bonnes actions, comme aider son prochain, donner l’aumône, etc. ou que nous faisons des mauvaises actions, comme regarder l’illicite (yeux), médire (langue), voler (main), faire zina (parties intimes), etc.

3/ L’INTELLECT (‘Aql)

Allâh a aussi créé al-‘Aql, qui est l’outil qui nous permet de penser, de spéculer, d’analyser, etc. C’est notre partie cérébrale, notre prédisposition mentale, notre personnalité mentale. L’énergie permettant de penser vient de l’esprit (Ruh). Une grande partie de cet intellect n’est pas sous notre contrôle, mais sous le contrôle d’Allâh. Par exemple, la partie cérébrale qui contrôle le battement de notre cœur n’est pas sous notre contrôle. De la même manière, nous n’avons  pas de contrôle sur la partie qui gère notre température corporelle, notre digestion, la fabrication complexe de nos cellules ou la gestion de nos défenses immunitaires. Pour illustrer cela de manière simple, nous pouvons constater que lorsque nous dormons, tout cela continu à fonctionner sans que nous n’ayons le moindre contrôle dessus. Comment pourrions-nous contrôler nos organes alors que sommes à peine conscients de leur existence et ignorants de leur mode précis et complet de fonctionnement ? C’est Allâh qui contrôle, ordonne et gère cela. La partie que nous contrôlons est celle qui analyse et permet de prendre des décisions, de faire des choix.

Certains appellent cette partie le subconscient, ou « soi-mental ».

4/ LE CŒUR (Qalb)

Lorsqu’on dit d’un personne qu’elle est une personne compatissante, courageuse,  généreuse, colérique ou douce, c’est de la nature de son cœur dont on parle. Il s’agit des attributs profonds encrés dans une personne. Changer ces attributs demande beaucoup d’efforts (notre caractère, notre tempérament).

5/ L’ÂME (Nafs)

C’est le siège des émotions et des désirs.

Le mot « émotion », vient du mot « motion », de la racine latine « emovere » qui signifie : « mettre en mouvement ». Il s’agit des émotions, sentiments et désirs qui vont et qui viennent et qui ne sont donc pas permanents. Le nafs est puissant et il peut avoir une grande influence sur nous.

Si une personne écoute un chant sur le Prophète Muhammad ﷺ et qu’une émotion se met à grandir en elle, cela peut la faire pleurer.  Elle pense alors qu’elle aime le Prophète ﷺ, alors que dans son cœur cet amour n’est pas forcément présent. Cela peut être dû à un état temporaire, un « hoquet émotionnel ». De même, si on voit une personne démunie dans la rue, sans vêtements décents ni nourriture et que cela nous émeut, cela ne fait pas de nous une personne généreuse. Il ne s’agit là que d’une réaction du nafs à une situation donnée. Une personne généreuse, garde son état de générosité, peu importe qu’elle soit dans son lit, à la maison, dans la rue. Ce n’est pas le fait de voir quelque chose qui l’affecte qui la rend généreuse, cette qualité de générosité est présente dans le cœur quoi qu’il arrive.

Une personne émotionnellement intelligente ne laissera pas ses émotions être nuisibles. Si la colère vient, elle la dominera et ne laissera pas s’exprimer de manière à ce qu’elle puisse causer du tort à elle-même ou à autrui (crier, tenir des propos blessants, casser, taper…). De même, une personne émotionnellement intelligente sera en mesure de contrôler la colère et les émotions des autres personnes avec qui elle interagit.

Lorsqu’on voit une belle voiture ou une femme et que nous sommes attirés, il s’agit d’une réaction émotionnelle. Les scientifiques disent que cet « amour » a une durée de vie de trois jours. C’est un amour éphémère. Si on fait en sorte de ne plus penser ou interagir avec l’objet de notre désir, cela disparaîtra rapidement. Pourquoi ne faut-il plus y penser ou interagir avec ? Tout simplement parce le fait de continuer à y pense ou à interagir avec a pour conséquence la descente de ce désir vers le cœur. Lorsque cela se produit, la durée de cet « amour » peut devenir plus longue avant de s’estomper.  Les scientifiques estiment cette période d’ « idylle » à environ 8 mois. C’est la raison pour laquelle les mariages basés uniquement sur ce type d’ « amour » ou d’attirance ne tiennent pas une fois la période de passion terminée. Soit ces personnes se séparent, soit le mariage prend une tournure classique.

Autre exemple, vous êtes devant la TV ou sur Internet, une publicité apparaît et de suite vous avez envie d’acheter le produit présenté. Vous remplissez votre panier. C’est émotionnel, c’est l’attraction du nafs. Si vous fermez votre smartphone ou votre TV et que vous dites : « Je commanderai demain », alors il y a 50% de chance pour que vous changiez d’avis. Pourquoi ? Parce que l’émotion va s’estomper et vous allez commencer à évaluer la chose avec votre intellect. La sera décision prise sera donc plus raisonnable. C’est la raison pour laquelle le Prophète Muhammad ﷺ a dit : « La précipitation vient de Shaytan » [6]. De la même manière, on peut dire aussi qu’elle vient du nafs. D’ailleurs, Iblis et le nafs sont deux amis très proches. D’ailleurs, lorsqu’Iblis refusa de se prosterner devant Saydinna Adam عليه السلام comme le lui demandait son Créateur, il n’y avait pas un autre Shaytan pour égarer Iblis. Il eut une réaction émotionnelle spontanée sans prendre le temps de la réflexion : « Il se révolta contre le commandement de son Seigneur » [7] ; et chacun sait où cela l’a mené.

Il n’est donc pas recommandé d’agir immédiatement, dans la précipitation, car dans la plupart des cas le résultat sera dommageable. La précipitation cause beaucoup de dégâts : par exemple la femme dit quelque chose à son mari, celui-ci réagit immédiatement et c’est la catastrophe. Beaucoup de problèmes viennent de là, qu’il s’agisse du travail, du foyer… et le résultat c’est la séparation, les bagarres, les insultes, etc.

A contrario, au début de ce même Hadith, nous apprenons que le fait de ne pas se précipiter et de prendre le temps de la réflexion  vient d’Allâh et que c’est donc bénéfique pour l’Homme « La réflexion avant d’agir vient d’Allah tandis que… ».

Pour en revenir au nafs, il faut comprendre que lorsque nous faisons continuellement une action, alors celle-ci peut au fil du temps affecter notre intellect et notre cœur et c’est ainsi que notre esprit peut devenir « shaytanique ». Pour faire simple : le nafs désire une chose (illicite ou nuisible) et si on n’est pas vigilant, elle atteint le cœur (on se met à aimer cette chose ou cet acte illicite), puis le cœur va ensuite utiliser l’intellect pour arriver à ses fins (comment vais-je me retrouver seul avec cette fille ; comment vais-je pouvoir me procurer cet alcool, etc.). C’est la raison pour laquelle la purification (Tazkiyyat ul-Nafs) débute par cette étape (purification du nafs) pour stopper les péchés et éviter la contagion vers l’esprit et le cœur.

 

MES INTERACTIONS

À travers ces quatre dépôts qu’Allâh nous a confiés (le corps, l’intellect, le cœur et l’âme), nous interagissons avec quatre autres entités :

1/ ALLÂH
2/ LE PROPHÈTE MUHAMMAD
3/ LES ÊTRES HUMAINS
4/ LE RESTE DE LA CRÉATION

Ces interactions peuvent être :

– Positives ou Négatives
– Bonnes ou Mauvaises
– Vertueuses ou Immorales (péchés)

Exemples d’interactions avec Allâh :

– Le corps via ses organes peut accomplir les bonnes actions qui plaisent à Allâh (obéissance, adorations, travailler licitement, aider, sourire…) ou celles qui déplaisent à Allâh (ne pas prier, mentir, voler, violence, regarder l’illicite, etc.)
– L’intellect peut être dans le souvenir d’Allâh et avoir une bonne relation avec Lui ou au contraire être dans l’insouciance ou dans la planification pour commettre tel ou tel péché.
– Le cœur peut avoir des attributs aimés par Allâh (générosité, compassion, patience…) ou au contraire ceux qu’Il désapprouve (colérique, jaloux, luxure …).
– Le nafs peut désirer ce qu’Allâh approuve (les choses licites) ou ce qu’Il désapprouve (l’illicite, musique, alcool, pornographie, la médisance…)

Le même type d’interaction s’applique entre nos entités et le Prophète ﷺ, les autres êtres humains ou le reste de la création (animaux, nature…).

Pourquoi le Prophète ﷺ a-t-il dit concernant le jeûne : « Celui qui n’abandonne pas le mensonge et les mauvaises actions, alors Allâh n’a pas besoin qu’il abandonne sa nourriture ni sa boisson. » ? [8] Tout simplement parce que le propos du jeûne est d’abandonner le mensonge et les mauvaises actions et non de se priver de nourriture qui n’est en réalité qu’un moyen de parvenir aux délaissements des péchés en maintenant l’esprit dans une vigilance mentale quasi permanente (je pense à ne pas manger, donc je pense en même temps à plaire à Allâh). Ce n’est pas plus compliqué que cela à comprendre et c’est la même chose pour la prière ou encore au pèlerinage. [9]

 

CONCLUSION :

Alors qui suis-je ? Une fois que nous savons que nous sommes composés d’un esprit, d’un corps, d’un intellect, d’un cœur et d’une âme, il devient plus facile de comprendre comment nous fonctionnons. l’Islam devient alors plus clair, limpide et simple à appliquer, quand bien même on n’aurait pas une grande connaissance de la religion ou qu’on ne connaîtrait pas beaucoup de Ahadith. Certains Sahaba n’ont rapporté qu’une poignée de Ahadith. Certains n’ont vu le Prophète ﷺ qu’une seule fois et pourtant ils ont atteint des niveaux de sainteté inégalables. L’Islam est simple : rendre heureux les gens, leur être bénéfique, préserver leur honneur, leurs biens, être honnête, ne pas nuire, respecter les règles établies par Allâh, ce sont là des choses qui constituent l’essence même de notre religion et qui sont accessibles à tous.

Ce que nous venons d’exposer dans le présent article par la grâce infinie d’Allâh, représente la réalité de l’être humain et de la religion et nous espérons que ce sera un éclaircissement pour ceux qui cherchent à se purifier et à comprendre les bases de la purification (Tazkiyya). C’est une science utile et précieuse pour quiconque cherche l’Agrément d’Allâh.

Qu’Allâh nous accorde le succès ici-bas et dans l’au-delà.

 

Notes :

Références : Mawlana Sheykh Ahmad Dabbagh, Sheykh Ibn ‘Arabî (Kitâb kash al-ma’nâ ‘an sirr asmâ’ Allâh al-husnâ), Sharh Sahih Muslim de l’Imam an-Nawawi et l’Ihyâ ‘ulum ud-Deen de l’Imam al-Ghazaliyy.

[1] Al-Bukhari, dans son Sahih, livre du début de la Création.

[2] En référence au verset 36, sourate 82 : « ‘Innamā ‘Amruhu ‘Idhā ‘Arāda Shay’āan ‘An Yaqūla Lahu Kun Fayakūnu », ce qui signifie : « Quand Il (Allâh) veut une chose, Son commandement consiste à dire : « Sois », et c’est. »

[3] Qour’an, s15/v29
[4] Qour’an, s33/v72
[5] Qour’an, s24/v24

[6] Sunan al-Tirmidhī n°2012, jugé hassan (bon) par l’imam As-Suyuti ; Sunan al-Kubrā n°18651, jugé sahih (authentique) par l’imam Al-Haytami.

[7] Qour’an, s18/v50
[8] Boukhari

[9] Bien entendu, l’aspect extérieur des adorations n’est nullement à négliger et le croyant est invité à les accomplir de manière rigoureuse et conformément à la Shari’ah afin que ces derniers soient agréés et pleinement bénéfiques.

Mon Cœur a-t-il besoin d’un Sheykh
pour être Guérit ?

 

Sheykh Abdul-Rahim Reasat

 

 

 

 

Question :

Assalamu alaykum

J’ai réalisé récemment que mon âme (nafs) me séduit généralement avec de mauvaises pensées (par l’arrogance, la fierté, en essayant de me mesurer à Allâh, me disant que je peux faire ce dont est capable Allâh). Cela a commencé par des murmures il y a 5 mois. Comment puis-je éduquer mon nafs dans ce cas ? Est-il nécessaire de cheminer sous la tutelle d’un Sheykh ou d’un Soufi ? Mon Cœur a-t-il besoin d’un Sheykh pour être Guérit ?

 

Réponse :

Wa ‘alaykum as-salam wa rahmatullah wa barakatuh

Merci pour votre question. Premièrement, cette prise de conscience que vous avez eue est une grande grâce de la part d’Allâh Lui-même. Un homme parmi les vertueux avait remarqué que « Lorsqu’Allâh veut du bien pour un de Ses serviteurs, Il le rend conscient de ses fautes pour que Son serviteur puisse se repentir de celles-ci ». Il vous incombe maintenant de remercier Allâh pour cela et de vous tourner vers Lui implorant Son aide afin de surmonter cet obstacle.

Il est préférable d’avoir recours à un maître en Spiritualité Islamique pour ce qui concerne la purification du cœur, car il est généralement quelqu’un qui a expérimenté et surmonté les épreuves que les gens rencontrent sur la voie qui mène à la Proximité d’Allâh, et celui qui observe de l’extérieur voit généralement des choses que vous-même ne voyez pas forcément. La première étape, toutefois, est de vous lier au savoir dont vous avez besoin pour pratiquer votre religion, et vous vous rendrez peut-être compte que beaucoup de vos problèmes disparaîtront grâce aux bénédictions que comporte le Savoir Sacré. Ensuite, si vous ressentez le besoin profond de trouver un enseignant de Tasawwuf vous pouvez demander à Allah par la Prière du Besoin (Salah al-Haja) et la Prière de Décision et Facilitation ou consultation (Salah al-Istikhara). Allâh, par Son immense générosité, vous mènera à celui qui vous sera profitable.

La première chose à faire face à une pensée non souhaitée et intrusive, c’est ne pas s’y identifier et de détester au plus profond de votre coeur le sentiment d’arrogance, de compétition avec Allâh, etc. Vous devez vous repentir sincèrement de cette pensée et l’ignorer si elle réapparaît. La meilleure solution est de les ignorer après cela et elles devraient s’en aller. Y porter de l’attention et s’inquiéter à ce propos est un moyen d’augmenter leur emprise.

Si elles persistent quand même, vous pourriez avoir une forme légère de trouble obsessionnel compulsif (T.O.C) lequel peut être guéri grâce à une thérapie de base. Il existe une thérapie efficace et simple nommée T.L.E (Technique de Libération Émotionnelle) : n’importe qui peut l’apprendre en quelques minutes et très souvent les problèmes disparaissent étonnamment vite. Si le problème est plus profond alors vous devriez contacter un praticien et travailler à ce sujet avec son aide.

Qu’Allâh facilite pour vous l’ensemble des moyens permettant d’atteindre Sa satisfaction.

Wassalam,

[Sheykh] Abdul-Rahim Reasat

Les 4 sortes de cœurs

 

D’après une sagesse de Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy [1]

 

 

4_COEURS

 

 

Le cœur est le centre de la personne, il en existe 4 sortes et tous font le Tawaf [2] autour de quelque chose. Ça peut être la paresse, l’argent, la possession de biens, la politique, les femmes, la notoriété… c’est-à-dire ce par quoi vos pensées sont occupées et qui devient le centre d’intérêt de vos vies.

Les 4 sortes de cœurs qui font le tawaf sont les suivants, prenez-en conscience et vous deviendrez le quatrième.

1/ La première sorte de cœur concerne des millions de personnes, c’est ceux dont le cœur fait le tawaf de la duniya (ce bas-monde, ses attraits, ces plaisirs…). Le centre d’intérêt de la personne c’est ce bas-monde, elle peut sacrifier sa prière, désobéir à Allâh, mais elle n’abandonnera pas ce qui l’intéresse de ce bas-monde car ses pensées, ses rêves, ses aspirations sont centrées autour de cela. Ne laissez pas votre cœur faire le tawaf autour de la duniya car cela vous détruira. Devenez plutôt la personne autour de qui la dunya fait le tawaf. [3]

2/ La seconde sorte de cœur concerne ceux dont les cœurs font le tawaf des récompenses et de l’au-delà (al-Akhira). C’est une bonne chose, mais l’au-delà, ce n’est pas Allâh. On peut atteindre des degrés plus élevés. La personne a quitté le tawaf des femmes de la duniya, mais maintenant son cœur fait le tawaf des houris et des palaces du Paradis (Jannah). C’est une bonne chose, cela relève de la piété, mais ce n’est pas pour cela qu’Allâh nous a créés. Allâh nous a créés pour Lui-même, pour qu’on L’adore de manière exclusive et non pour qu’on espère les houris ou autres chose du Paradis.

3/ La troisième sorte de cœur concerne ceux qui cherchent à atteindre des hautes degrés spirituels, qui veulent devenir des Wali (Saints), etc. de manière à devenir célèbres ou simplement d’atteindre des rangs élevés (tout comme Sheytan le souhaitait aussi). Ne laissez pas vos cœurs faire le tawaf de ses rangs élevés, car il ne s’agit que de degrés, de rangs et non de Allâh !

4/ La quatrième sorte de cœur, ce sont ceux qui font le tawaf d’Allâh subhana wa ta’ala : ils pensent à Allâh, ils vivent pour Allâh, ils meurent pour Allâh, ils sont éveillés pour Allâh… jour et nuit leur préoccupation est (la satisfaction d’Allâh). C’est ce cœur qu’il faut avoir et si vous échouez, relevez-vous et recommencez à nouveau.

Mawlana Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy رحمه الله a déclaré que tout au long de sa vie, il est resté très vigilant et constant sur cette quatrième sorte de cœur.

L’Imam Hassan al-Basri رحمه الله a déclaré : « Celui qui vit pour la Duniya (ce bas-monde), il perdra la Dunya, al-Akhira (l’au-delà) et Allâh. Celui qui vit en vue d’obtenir al-Akhira, il est possible qu’il perde Allâh, selon sa sincérité. Toutefois, celui qui vit pour Allâh, il obtiendra la Duniya, al-Akhira mais aussi la Satisfaction d’Allâh ». Le meilleur choix est sans aucun doute le troisième. Quand on parle d’acquérir la Duniya, on parle d’obtenir la paix intérieure, chose à laquelle tout être humain aspire, qu’il soit croyant ou non. Les Saints (Awliya Allâh) ne sont pas à la recherche de la paix intérieure, mais ils sont à la recherche du créateur de la paix intérieure. Ceux qui cherchent sincèrement Allâh, obtiendrons tout ce qu’un être humain peut espérer : la paix intérieure, l’au-delà et la satisfaction de leur Créateur.

Qu’Allâh nous accorde le succès.

 

Notes :

[1] Tiré d’une sagesse que Mawlana Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy a reçu de son Sheykh (qu’Allâh leur fasse miséricorde) et rapportée dans un cours par le Sheykh Ahmad Dabbagh (qu’Allâh le préserve).
[2] Tawaf signifie « tourner autour », on parle aussi de circumambulation et cela renvoie généralement pour les Musulmans au fait de tourner autour de la Ka’aba.
[3] La duniya sert alors la personne et non le contraire.

Comment retirer le couteau d’un cœur

 

Tazkiyyah an-Nafs

 

 

coeur blessé

 

 

Lorsqu’une personne nous a causé du tort, nous ne savons pas toujours comment nous devons réagir. Parfois on peut se sentir triste, blessé, souhaiter se venger ou faire payer d’une manière ou d’une autre la personne à l’origine de ce mal. Dans cet article, nous verrons quelques axes permettant à chacun de mieux comprendre comment l’Islam nous demande de réagir afin que le mal que nous avons subi (ou causé) ne se retourne pas contre nous au Jour du Jugement.

D’une manière générale, nous savons qu’Allâh nous enjoint à pardonner.

« Élancez-vous vers un pardon ineffable de votre Maître, hâtez-vous vers un Paradis immense, aménagé aux dimensions des cieux et de la terre, réservé à ceux qui craignent Allâh, à ceux qui dispensent leurs richesses en aumône, qu’ils soient dans la gène ou l’abondance, qui savent dominer leur colère et pardonner à leur prochain. Allâh aime les âmes généreuses ! » [Coran, 3.133]

« … ils oublieront et ils pardonnerons. N’aimez vous pas quand Allâh vous pardonne ? Allâh est Celui qui pardonne. Il est très miséricordieux » [Coran, 24.22]

« Pratique le pardon ; ordonne le bien ; écarte-toi des ignorants » [Coran, 7.199]

L’exemple Prophétique va également dans le même sens. Même lorsque le Prophète subit les pires injustices au point d’être rejeté, frappé, son invocation vers Allâh fut :

« Mon Dieu ! Pardonne à mon peuple car ils ne savent pas. » [Kitab ash-Shifa’ du Qadi ‘Iyyad]

Face à une injustice subie, il existe aussi bien entendu la réponse « légale », c’est-à-dire le recours à la justice, mais ce n’est pas sur ce point que nous nous attarderons dans cet article.

Si naturellement nous nous sentons mal à cause de ce mal dont nous avons été victimes, que nous avons des ressentiments négatifs, des envies de revanches, mais que nous ne les nourrissons pas, que ça vient sans que nous ne le souhaitions, que c’est donc inintentionnel, alors ça ne nous affectera négativement. D’un autre côté, lorsqu’une personne nous fait du tort, il arrive parfois que nous nourrissions cela par la médisance, la calomnie, le mensonge, en planifiant une revanche… et tout cela participe à entretenir ces mauvais sentiments à l’égard de la personne concernée. Celui qui n’entretient pas ces ressentiments ne sera pas affecté (dans sa progression spirituelle et sa relation avec Allâh), tandis que celui qui les entretient s’en trouvera affecté.

Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy (RA) a déclaré :

« Regardez au plus profond de votre cœur pourquoi vous ne progressez pas sur le Chemin vers Allâh ‘azawajal. »

Un jour, certains de ses élèves lui posèrent la question suivante : « Il y a une personne qui semble nous en vouloir mais on ne lui a rien fait du tout. Comment devons nous réagir par rapport à cette personne ? » C’est une situation que nous rencontrons nous aussi parfois. Peut-être avons-nous fait quelque chose sans nous en rendre compte, ou qui a pu être perçue autrement que ce que nous espérions ? Le grand Maître spirituel leur répondit : « Certains d’entre vous ont des secrets très sombres et profonds en eux, des choses obscures ». Il dit alors à ces murideens (disciples) : « J’ai regardé à l’intérieur de vos cœurs et il y a des blocages (obstructions) ». Nous connaissons ce type de situations physiquement lorsque nous avons par exemple du cholestérol et que notre cœur est obstrué. On ne s’en rend pas forcément compte car c’est caché, où alors parfois sur le tard lorsque nous avons des problèmes cardiaques, voire trop tard une fois morts.

S’en rendre compte avant et faire le nécessaire pour recouvrer la santé physique est alors indispensable et vital. Il en va de même pour le cœur (spirituel). Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy se rendit compte de cela chez ces disciples et il les informa qu’ils avaient en eux des blocages qui les empêchaient de se rapprocher davantage d’Allâh. Il leur dit que cela trouvait sa source il y a fort longtemps, peut-être lors de leur adolescence et qu’ils avaient alors du faire du mal à des gens. Ce type d’événements, nous les avons oubliés depuis longtemps, mais Allâh ne les a pas oublié, les anges non plus ne les ont pas oubliés, ils demeurent. C’est la raison pour laquelle une des conditions indispensable pour celui qui désire cheminer vers Allâh, c’est la Tawbah (le repentir) et cela implique de réparer les droits de ceux qui sont concernés (Allâh, le Prophète Muhammad, l’Islam, le Qour’an, les gens concernés…). Une personne peut porter la barbe, un voile, présenter tous les signes extérieurs de la piété mais garder en elle ces noirceurs. Extérieurement on voit un personne pieuse, mais en réalité elle est déconnectée d’Allâh ta’ala.

Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy continua en disant :

« Vous avez fait du mal à des gens, vous les avez poignardé (NDT : sens figuré) et vous avez laissé le couteau dans leur cœur. Allez donc les voir et rectifiez ce qui doit l’être et de cette manière,  vous trouverez ouvertes les portes de la proximité d’Allâh ».

Mais que faire si on ne trouve pas la personne à qui nous avons fait du tort ?  

Saydinna Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy a dit qu’on peut donner sadaka (aumône) en leur nom, qu’on peut prier pour eux (dou’as), faire des bonnes actions en leur nom (de manière à ce que les récompenses leur reviennent), répandre des bonnes nouvelles à propos de ces personnes (leurs qualités par ex.) de manière à ce que leur honorabilité augmente vis-à-vis des gens.

Mais que faire si nous n’avons rien fait à la personne qui a un ressentiment vis-à-vis de nous ?

Saydinna Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy a dit que si on craint vraiment Allâh et le Jour du Jugement et que nous ressentons qu’Allâh nous interrogera, alors on doit essayer de rectifier la relation que l’on a avec cette personne, lui donner quelque chose, faire quelque chose de bien pour elle, de manière à ce qu’elle n’ait pas matière à se plaindre de nous le Jour du Jugement. Si on ne se sent pas concerné par cela, alors c’est qu’on ne craint pas ce Jour terrible qui est censé nous effrayer à un tel point qu’on doit faire tout notre possible pour rectifier ce qui doit l’être.  Même si on n’a rien à se reprocher, on devrait craindre ce Jour à un tel point où on ne souhaite être questionné sur rien.

A titre d’exemple, le Jour du Jugement, les Chrétiens seront interrogés sur le fait qu’ils associaient ‘Issa (Jésus – ‘alayhi salaam) à Allâh et donc qu’ils l’adoraient en imaginant qu’il était le fils de Dieu. Ils diront pour se défendre que c’est Saydinna ‘Issa qui leur a enseigné cela. Alors, Allâh fera venir ‘Issa pour le questionner et afin qu’il démente devant eux ces fausses allégations. Bien entendu il réfutera cela. Malgré qu’Allâh le sache très bien qu’il n’a jamais prétendu être Dieu ou son fils, et malgré que ‘Issa sache qu’Allâh le sait, il est rapporté que Saydinna ‘Issa sera dans tel état de devoir répondre de cela devant Allâh que son sang sortira par les pores de sa peau. Si un Prophète d’Allâh peut se retrouver dans un état pareil pour devoir témoigner d’une chose dont il est innocent, alors imaginez donc dans quel état nous serons !

– Qu’Allâh nous pardonne et nous facilite ce Jour terrible –

Le précieux conseil de Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy est : Faites en sortes que personne n’ait quelque chose à vous reprocher et si c’est le cas, tentez de rectifier le tir.

Wa Allâhou a’alam.

Les Signes de l’Amour Véritable

 

Les Signes de l’Amour Véritable

 

 

BismiLlâhi ar-Rahmani ar-Rahim,

Quelles sont donc les signes de l’Amour véritable ?

Un de ces signes, c’est que dans cet amour, on désire avoir des partenaires, c’est-à-dire des gens avec qui partager cet amour. Tandis que dans l’amour qui est faux, on ne désire pas avoir de partenaires. Par exemple, si une personne affirme aimer Allâh Subḥānahu wa ta’āla, elle voudra aussi que les autres aiment Allâh. Elle ne dira pas « oh non, non, non je veux que personne d’autre aime Allâh ». Le véritable amour possède cette caractéristique qu’on désire que les autres en profitent et qu’on les encourage.

L’amour de Rassoul Allâh (salallâhou ‘alayhi wassalaam) est un exemple de cet amour véritable ; on désire que les gens partagent cet amour avec nous.

Mais quand il s’agit d’un amour qui est faux, on ne désire pas le partager. Si on nous donne de l’argent, disons… un million d’euros, allons-nous appeler les gens « allez, venez tous partager avec moi » ? Bien sur que non, car en vérité ce n’est pas un amour véritable, c’est un amour cupide. Si un homme célibataire trouve une femme magnifique, intelligente et pieuse en âge de se marier, va-t-il faire une annonce « qu’elle femme merveilleuse, qui veut se marier avec elle ? » Assurément, il essayera plutôt de rester discret et tentera avant tout de se marier avec elle.

On aime tous nos parents, et on désire que les autres les aiment et les respectent.  Il en va de même pour le Qour’an, pour les Awliyas, pour les Pieux, etc…

Le second signe qui caractérise le véritable amour, c’est que l’amoureux cherche à satisfaire qui il aime et non à se satisfaire lui-même. Dans l’amour qui est faux, on désire pour soi : « Que vas-tu m’apporter ? Beauté, temps, argent, image, notoriété… ? » Dans l’amour véritable, on ne cherche pas à recevoir mais à donner à celui ou à celle que l’on aime.

Saydinna Bilal ainsi que d’autres compagnons (qu’Allâh les agréés tous), avaient un amour véritable pour Rassoul Allâh (salallâhou ‘alayhi wassalaam). Ils l’aimaient et appréciaient plus que tout être en sa compagnie et tous voulaient  être enterrés à ses côtés à Médine. Mais ils savaient que le Prophète souhaitait que le Message de l’Islam se répande aux quatre coins du monde. C’est pourquoi vous trouvez des Compagnons enterrés en Syrie, en Turquie, en Chine ou ailleurs. La raison en est qu’ils avaient cet amour véritable et par conséquent, malgré leur immense souhait de rester aux côtés du Messager d’Allâh, ils sacrifiaient leur volonté afin de satisfaire celle du Messager d’Allâh (salallâhou ‘alayhi wassalaam).

Qu’Allâh nous accorde l’Amour Véritable.

Des œuvres du cœur lors de la lecture du Qour’an

Par Sheykh Khurram Murad [1]

 

coeur-coran

 

Laissez votre cœur devenir vivant et laissez le répondre à tout ce qui est dit dans le Qour’an.

Faîtes en sorte que tout ce que vous lisez dans le Qour’an engendre une réaction dans votre cœur, et qu’il insuffle une nouvelle vie en lui (dans le cœur). Faîtes en sorte que votre cœur passe par différentes étapes correspondantes, telles que l’adoration et la louange, la révérence et la gratitude, l’émerveillement et l’admiration, l’amour et l’aspiration, la confiance et la patience, l’espoir et la peur, la joie et le chagrin, la réflexion et le recueillement, la remise confiante en Allâh (at-Tawakkul) et l’obéissance. A moins que vous ne vouliez tirer de la lecture du Qur’an que le mouvement de vos lèvres.

Par exemple :

– Lorsque vous entendez le nom de Dieu et Ses attributs, votre cœur doit être rempli d’admiration, de gratitude, d’amour et d’autres sentiments de circonstance.

– Quand vous lisez l’histoire des messagers de Dieu (que la paix soient sur eux), votre cœur doit avoir envie de les suivre et doit avoir une aversion envers ceux qui s’opposaient à eux. -Quand vous lisez des passages concernant le Jour du Jugement, votre cœur devrait aspirer au Paradis et devrait trembler de crainte à la seule pensée d’être jeté dans le feu de l’enfer, ne serait-ce que pour un moment.

– Quand vous lisez l’histoire des personnes et des nations désobéissantes, qui se sont égarées et qui ont mérité en retour une punition de la part de Dieu; vous devriez détester profondément de devenir comme eux.

– Quand vous lisez des passages à propos des vertueux que Dieu aime et récompense, vous devriez avoir l’envie de leur ressembler.

– Quand vous lisez les promesses de pardon et de miséricorde, d’abondance et d’honneur en ce monde, de Sa Satisfaction et de proximité avec Lui (Allâh) dans l’au-delà, laissez votre cœur se remplir du désir d’œuvrer en vue de mériter cela.

– Quand vous lisez des passages qui parlent de ceux qui sont indifférents au Qour’an, qui s’en détournent, qui ne l’acceptent pas, qui ne vivent pas en fonction de lui, vous devrez craindre d’être l’un d’eux et vous devez être déterminé à ne pas en faire partie.

– Et quand vous entendez les passages qui vous ordonnent de vous acquitter de vos devoirs vis-à-vis de Lui et (qui vous ordonnent) de lutter dans Sa Voie, vous devriez renouveler votre détermination à exécuter cela et à Lui offrir tout que vous pouvez.

Parfois, ces états d’âme se développeront spontanément, quand un mot ou un verset particulier éveillera en vous une étincelle nouvelle. Parfois, vous devrez volontairement déployer des efforts et faire preuve de détermination pour les déclencher. Si vous ne trouvez pas spontanément une réponse appropriée, faîtes une pause et répétez ce que vous avez lu jusqu’à ce que vous les trouviez. Vous pouvez trouver un désir intérieur qui vous pousse à répéter un verset particulier de nombreuses fois parce-que votre cœur le réclame, mais si vous devez le répéter volontairement, faîtes une pause et réfléchissez, vous en trouverez ainsi votre cœur vivifié.

Ainsi, il est important d’atteindre cette qualité que le Prophète (salallahou ‘alayhi wassaalaam) énonça lorsqu’il dit : « Lisez le Qour’an tant que vos cœurs sont en harmonie avec lui; lorsque ce n’est plus le cas, levez-vous et cessez la lecture. » [2]

Notes :

[1] Traduit d’un passage du 3ème chapitre de l’ouvrage « Way to the Qour’an » de Sheykh Khurram Murad (Disponible sur Qibla.com, anciennement Sunnipath).

[2] Hadith rapporté par Al-Bukharî et Muslim

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.Les excès de nourriture, de sommeil ou de paroles endurcissent le cœur

 

Extrait de Sagesse Céleste
par le Sheikh
Ahmad Al-‘Alawî

 


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Tout acte qui conduit à la distraction est de même nature que celle-ci car les excès de nourriture, de sommeil ou de paroles font partie des  choses blâmables selon la Révélation, et particulièrement pour celui qui suit la voie spirituelle, dont les bases consistent justement à viser la modération en tout cela afin que l’intérieur s’illumine et s’orne des  connaissances divines. En effet, si les caprices intérieurs se succèdent en permanence dans le cœur ou plus généralement tout ce qui le trouble, il s’endurcira inévitablement.Les bénéfices du jeûne, du silence et de la veille sont des aspects bien connus de la voie spirituelle; bien des choses ont été écrites à ce sujet et bien des poèmes en ont fait l’éloge. On a notamment dit, pour blâmer la satiété, que Dieu ne regarde pas celui dont le ventre est rempli de nourriture. Le Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam) et ses compagnons ne mangeaient que par nécessité, conformément au hadith rapporté par Anas : « Fâtima apporta au Prophète un petit morceau de pain. Il lui demanda :


– Qu’as-tu là, Fâtima ?
– C’est une tranche de pain; je n’ai pu m’empêcher de te l’apporter.
– C’est la première chose que je mange depuis trois jours, confia le Prophète [1]. »


Considère le sens de cette noble tradition : si la satiété était en soi louable, le Prophète n’aurait pas trouvé dans l’abstinence un motif de fierté. On a dit en ce sens :

 

Un ventre affamé, un maigre ascète, doué d’une absolue confiance en Dieu,
Qui trouve dans sa faim une raison de remercier Dieu.


On a également dit :

 

Si ce bas-monde était de la vertu la récompense,
L’injuste ne saurait y trouver de quoi prospérer.
Les nobles prophètes ne feraient pas de la faim l’expérience,
Tandis que les animaux y mangent à satiété.

 

Le Prophète disait: « Ne tuez pas les cœurs par la nourriture et la boisson, car le cœur ressemble aux cultures, que l’excès d’eau tue [2]. »On raconte que l’imam Bukhârî finit par prendre l’habitude de ne manger que deux ou trois dattes par jour, car il avait honte devant Dieu de devoir se rendre fréquemment aux toilettes.
Voilà pourquoi leurs cœurs ont été illuminés et devinrent des sources de connaissances et de secrets; s’ils avaient agi autrement, ils n’auraient pu devenir des guides pour les autres. Le seraient-ils devenus s’ils avaient exagéré en matière de nourriture et de sommeil ?

 

Cela tue le cœur, l’excès de nourriture,
De même qu’un excès d’eau tue les cultures.
Un homme subtil risque d’y perdre son intelligence.
Quelques bouchées peuvent neutraliser ses efforts vers l’excellence.

 

Le Prophète a dit : « Satan circule dans le corps de l’homme à travers le sang; faites-lui obstacle grâce à la faim [3] ». On dit également que lorsque Dieu créa le monde, Il plaça la science et la sagesse dans la faim, la possession démoniaque et la transgression dans la satiété. Ibrâhîm al-Dasûqî disait : « L’aspirant sincère trouve sa force dans la faim et sa boisson dans les larmes [4]; c’est la condition des véridiques (siddîqûna). » Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî disait: « De nos jours, certains disciples mangent la quantité que peut porter un chameau, boivent l’équivalent d’une mare et disent par-dessus le marché:   » Il manque quelque chose à ce cheikh « , et que Dieu maudisse les menteurs! »Quant à l’excellence de la veille et au côté nuisible du sommeil, cela est nécessairement connu de tous; c’est encore plus clair dans la voie spirituelle, et la pure tradition l’affirme explicitement. Le

Prophète a notamment dit : « Gabriel est venu et m’a dit :
– Eh Muhammad, vis comme tu veux, tu mourras de toute façon; aime ce que tu veux, tu devras le laisser de toute façon; agis comme bon te semble, tu seras rétribué en conséquence; sache que le croyant acquière la noblesse par ses veilles et la force par son indépendance vis-à-vis des gens [5]

On rapporte également qu’il se levait au dernier tiers de la nuit et qu’il dit un jour :
« Souvenez-vous de Dieu! Souvenez-vous de Dieu! Il a retenti, le coup de trompette auquel un autre doit succéder (79, 7) ! La mort et  tout ce qui l’accompagne sont là! La mort et tout ce qui l’accompagne sont là [6]! »

Mais il suffit de rappeler qu’il restait debout en prière tellement longtemps la nuit que ses pieds en étaient tuméfiés [7].

On rapporte qu’Abû Yazîd al-Bistâmî, alors qu’il était encore enfant, apprenait le Coran à l’école. Arrivé à la sourate 73, « Celui qui s’est enveloppé », il demanda à son père:

« Qui est cette personne à qui Dieu a ordonné de se lever la nuit? »
– C’est notre prophète, Muhammad, répondit le père.
– Pourquoi donc ne fais-tu pas comme ton prophète? Questionna Abû Yazîd.
– Car c’est une dignité que Dieu lui a spécialement accordé, répondit le père.
Lorsque Abû Yazîd arriva à la partie suivante du verset : ainsi qu’une partie de ceux qui sont avec toi, il demanda de nouveau : «  De qui s’agit-il, mon père? »
– Des compagnons de Muhammad.
– Pourquoi donc n’agis-tu pas comme les compagnons de Muhammad?
– Car Dieu leur a spécialement donné la force de se lever la nuit.
– Mon père, il n’y a rien de bon chez quelqu’un qui ne prend pas modèle sur Muhammad et ses compagnons! conclut Abû Yazîd.
Le père se mit donc à prier la nuit. Abû Yazîd lui demanda:
Mon père, apprends-moi à prier la nuit!
– Tu es trop petit! refusa le père.
– Lorsque Dieu réunira toutes les créatures au jour de la résurrection, et qu’Il ordonnera aux gens destinés au paradis de s’y rendre, je dirais que j’ai voulu faire la prière la nuit et que mon père s’y est opposé! insista Abû Yazîd.
– Mon fils, lève-toi la nuit et prie, se résigna le père.

On raconte qu’après la mort de l’imam Junayd, l’un de ses compagnons le vit en rêve et lui demanda: « Qu’est-ce que ton Seigneur a fait de toi? » Il répondit: « Toutes ces allusions spirituelles se sont envolées; toutes ces expressions s’en sont allées; toutes ces sciences ont disparu, et toutes ces descriptions se sont effacées. Seules nous ont été utiles les quelques petites rak’as [8] que nous faisions avant l’aube. » Si donc même cet imam, avec toute la noblesse et la grandeur qui le caractérisaient, ne négligeait pas de se lever la nuit et affirmait même que seules quelques petites rak ‘as lui avaient été utiles, comment les autres pourraient-ils s’en passer? Ô mon Dieu, vivifie nos cœurs et accorde nous les mêmes grâces que celles qu’ont reçues nos nobles prédécesseurs!

Dhû l-Nûn al-Misrî racontait ceci :

« Je rencontrai sur l’une des côtes du Proche-Orient une femme à laquelle je demandai :
– D’où viens-tu ?
De chez des gens qui s’arrachent à leur couche (32, 16).
– Et où veux-tu aller, repris-je.
– Chez des hommes qu’aucun commerce ni aucune vente ne distraient du souvenir de Dieu (24, 37).
– Décris-les moi! insistai-je.
Elle déclama alors les vers suivants :

 

Des gens dont l’aspiration est fixée sur Dieu
Et qui n’aspirent à rien d’autre que Lui-même.
Ces gens ne recherchent que leur Seigneur et Maître, Dieu.
Quel excellent but que l’Unique, le Subsistant par Lui-même. »

 

Quant à éviter de trop parler, tout le monde connaît bien ce précepte. Il suffit de rappeler ici le dicton: « La parole est d’argent, mais le silence est d’or », ainsi que cette tradition du Prophète : « Que celui qui croit en Dieu et au jour dernier parle en bien ou se taise [9]. » Les hommes de Dieu – qu’Il leur accorde Son agrément et les fasse bénéficier de Sa pleine satisfaction – ne parlent que pour invoquer Dieu ou tenir des propos les rapprochant de Lui, de peur de friser l’inconvenance, car on dit que celui qui parle beaucoup pèche également beaucoup.L’un d’eux raconte :

« Nous étions un jour en voyage, parcourant le désert en souffrant de la soif, lorsque nous vîmes l’ermitage d’un moine. Nous nous dirigeâmes vers l’édifice et appelâmes :
– Eh, moine!
Mais ce dernier ne répondait pas. Après avoir insisté plusieurs fois, il sortit finalement et nous dit :
– Je ne suis pas un moine; je ne suis qu’une bête féroce! J’ai donc emprisonné mon âme dans cet ermitage afin de ne pas blesser les créatures de Dieu avec ma langue. »

Un autre affirmait avoir fait le vœu de n’utiliser sa langue que pour exprimer les Paroles révélées de Dieu, afin d’empêcher son âme de trop parler.

Dans les hagiographies des saints, on dit qu’Abdallâh Ibn al-Mubârak racontait l’histoire suivante:

« Je partis faire le pèlerinage à la Maison sacrée de Dieu et visiter la tombe de l’Élu, et alors que j’étais sur la route, je vis une silhouette noire qui s’avéra être une vieille femme revêtue d’un froc et d’une mantille, tous deux faits de laine. Je lui dis :

– Que la paix, la miséricorde de Dieu et Ses bénédictions soient sur toi !
Paix! Parole d’un Seigneur miséricordieux! (36, 58) répondit-elle.
– Que Dieu te fasse miséricorde. Que fais-tu en pareil endroit ? questionnai-je.
Nul ne peut guider celui que Dieu égare (7, 186), répondit-elle.
Je compris alors qu’elle s’était perdue, et lui demandai :
– Où vas-tu ?
– Gloire à Celui qui a fait voyager de nuit Son serviteur de la mosquée sacrée à la mosquée la plus lointaine (17, 1) !
Je sus alors qu’elle revenait du pèlerinage et se dirigeait vers Jérusalem.
Je lui demandai :
– Depuis combien de temps es-tu ici ?
– Trois nuits entières (19, 10).
– Apparemment, tu n’as rien à manger ?
– C’est Lui qui me nourrit et m’abreuve (26, 79).
– Comment fais-tu l’ablution ici ?
– Si vous ne trouvez pas d’eau, alors pratiquez l’ablution sèche avec de la terre pure (5, 6).
– J’ai ici un peu de nourriture; veux-tu en manger ?
– Puis jeûnez jusqu’au coucher du soleil (2, 187).
– Nous ne sommes pas en Ramadan!
– Celui qui fait une bonne œuvre de sa propre initiative, qu’il sache que Dieu le sait et qu’Il est plein de gratitude (2, 158).
– Mais nous avons le droit de rompre le jeûne lorsque nous sommes en voyage!
– Mais il vaut mieux pour vous jeûner; peut-être le comprendrez-vous (2,184) !
– Pourquoi ne parles-tu pas comme moi ?
– L’homme ne profère aucune parole sans qu’il n y ait auprès de lui un observateur attentif (50, 18).
– D’où es-tu ?
– Ne t’acharne pas sur ce que tu ne connais pas; il sera sûrement demandé compte de tout : de l’ouïe, de la vue et du cœur (17,36).
– J’ai fauté, alors pardonne-moi.
Aujourd’hui, vous êtes libre de tout reproche, car Dieu vous pardonne (12, 92).
– Veux-tu monter sur ma chamelle afin de rejoindre la caravane?
Le moindre bien que vous puissiez accomplir est connu de Dieu (2, 198).
Je la fis monter, mais elle me dit :
Dis aux croyants de baisser les yeux (24, 30).
Je baissai donc les yeux pour ne pas la voir, mais lorsqu’elle tenta de monter, la chamelle prit peur et son vêtement fut déchiré, ce qui l’amena à dire :
Quel que soit le malheur qui vous atteint, il est la conséquence de ce que vous avez fait (42,30).
Je lui dis alors :
– Attends un peu que je la retienne.
Nous avons fait comprendre cette affaire à Salomon (21, 79), répondit-elle.
Je saisis donc la chamelle et lui dis de monter, ce qu’elle fit, puis elle s’exclama :
Gloire à Celui qui a mis tout cela à notre service, alors que, de nous-mêmes, nous n’y serions pas parvenus! Oui, nous nous tournons vers notre Seigneur (43, 13).
Je pris la bride de la chamelle et la fis trotter en poussant des cris, ce qui lui fit dire :
Sois modeste en ta démarche et baisse la voix (31, 19).
Je marchai donc tout doucement, tout en entonnant des chants, mais elle dit alors :
– Récitez ce que vous pouvez du Coran (73, 20).
– Tu as été bien gratifiée, dis-je alors.
Seuls ceux qui ont la connaissance se rappellent (3, 7), répondit-elle.
Puis, alors que nous avancions ainsi, je lui demandai :
– Es-tu mariée ?
Ô vous qui croyez ne posez pas de questions sur des choses qui vous nuiraient si  elles vous étaient dévoilées (5, 101).
Je me tus donc, et nous continuâmes ainsi notre route jusqu’au moment où nous rejoignîmes la caravane; je lui demandai alors :
– Voici la caravane: que vas-tu faire maintenant ?
Les richesses et les enfants sont la parure de la vie de ce monde (18, 46), rêpondit-elle.
Je compris alors qu’elle avait des enfants et lui demandai ce qu’ils faisaient au pèlerinage :
– ... et des points de repères; les hommes se dirigent d’après les étoiles (16, 6).
J’en déduisis qu’ils faisaient office de guide pour les pèlerins et me rendis avec elle auprès des tentes; je lui dis :
– Voici les tentes, que veux-tu faire ?
Dieu a choisi Abraham comme ami intime (4, 125) ; Dieu a parlé à Moïse (4, 164) ; Ô Jean, prends le livre avec force (19, 12) ! répondit-elle.
J’appelai alors :
– Eh Abraham! Eh Moïse! Eh Jean!
Apparurent alors des jeunes gens aussi resplendissants que la lune. Lorsqu’ils se furent assis, elle dit:
Envoyez donc l’un d’entre vous à la ville avec la monnaie que voici pour y chercher l’aliment le plus pur et vous apporter de quoi vous nourrir. Il devra s’efforcer de se comporter avec douceur (18, 19).
L’un d’eux s’en fut alors acheter à manger, puis revint et plaça la nourriture devant moi. Elle dit alors:
Mangez et buvez en paix, en récompense de ce que vous avez accompli par le passé (69,24).
M’adressant aux jeunes gens, je dis :
– Je ne toucherai pas à cette nourriture tant que vous ne m’aurez pas dit ce qui est arrivé à cette femme.
– Cette femme que voici est notre mère; cela fait 40 ans qu’elle ne parle qu’en citant le Coran, de peur de commettre une faute qui provoque la colère du Miséricordieux, expliquèrent-ils.
C’est une grâce de Dieu; Il la donne à qui Il veut (5, 54), conclus-je. »

Notes :

[1] Ibn Hanbal (Musnad, III, musnad Anas Ibn Mâlik) rapporte une version légèrement différente de ce hadith.
[2] Al-‘Irâqî, Takhrîj ahâdîth al-ihyâ, n° 4.
[3] La première phrase se trouve dans la plupart des recueils (par exemple: Bukhârî, Sahîh, n° 5865).
[4] La faim est le besoin spirituel, moteur du chercheur de Vérité, tandis que les larmes sont le produit de ses inspirations; quant à sa boisson, ce sont ses états.
[5] Hâkim al- Nîsâbûrî, Mustadrak ‘alâ l’sahîhayn, IV, kitâb al-riqâq, n° 7921/78.
[6] Tirrnidhî, Sunan, IV, abwâb sifat al-qiyâma, n° 2574.
[7] Cf. Bukhârî, Sahîh, III, kitâb al-tafsîr, bâb qawlihi liyaghfira laka Allâhu ma taqaddama…, n° 4556.
[8] Cycles dont se compose la prière.
[9] Bukhârî, Sahîh, IV, kitâb al-adab, bâb man kâna yu’minu billâhi wa l-yawmi al-‘akhiri falâ yu’dhi jârahu, n° 5672.