Le bon caractère du Prophète Muhammad

Extrait d’Al-Chamael al-Mohammadiya

Al-Hâfizh At-Tirmidhî

 

ProphetMuhammad

 

 

D’après Kbârija, fils de Zeyd ben Thâbet, des hommes entrèrent chez Zeyd ben Thâbet et lui Dirent :  » Parle-nous de hadiths de l’Envoyé de Dieu. De quel hadith pourrais-je vous parler? J’étais son voisin. Lorsque la Révélation descendait sur lui, il me faisait appeler et j’écrivais celle-ci. Lorsque nous évoquions le bas-monde, il l’évoquait avec nous. Lorsque nous évoquions la vie dernière, il l’évoquait avec nous. Lorsque nous parlions de nourriture, il en parlait avec nous. Tout cela peut vous donner une idée sur le Prophète. « ‘Amrou ben al-‘Aç a dit :  » L’Envoyé de Dieu lorsqu’il s’exprimait, adressait son regard et ses paroles aux moins méritants, afin de les amadouer. Ainsi [1], il tournait sa face vers moi, en même temps qu’il s’exprimait, au point que je pensai que j’étais le meilleur de tous, et j’en vins à lui demander :- Messager de Dieu ! qui est meilleur, moi ou Abou Bakr?
– Abou Bakr, répondit-il.
– Messager de Dieu ! qui est meilleur, moi ou ‘Omar?
– ‘Omar.
– Messager de Dieu ! qui est meilleur, moi ou ‘Othmân?
– ‘Othmân.
Après avoir ainsi interrogé le Prophète qui me répondit avec cette franchise, je souhaitais ne pas lui avoir demandé cela. « Anas ben Mâlik [2] a dit :  » J’ai servi le Prophète de Dieu pendant dix ans. Il ne m’a guère dit une seule fois » fi  » ( » ouf »), ni m’a dit d’une chose que je fis, pourquoi l’as-tu faite, ni d’une chose que je délaissai, pourquoi l’as-tu délaissée. Le Prophète était de ceux qui avaient le meilleur caractère. Je n’ai guère touché de martre (khazz [3]) ni de soie ni autre chose plus douce que la main du Messager de Dieu. Je n’ai guère senti de musc ni d’autre parfum plus agréable que la sueur du Prophète.  »

D’après Anas ben Mâlik :  » Il y avait en présence de l’Envoyé de Dieu un homme ayant sur lui une trace jaune (de safran). Or, le Prophète n’osait pas s’adresser à une personne par ce qui pouvait la contrarier. Ainsi, lorsque cet homme se leva et partit, il dit à ceux qui étaient présents :  » Si seulement vous lui disiez de délaisser le jaune (du safran [4]).  »

D’après ‘Aïcha :  » Le Messager de Dieu n’était ni grossier de caractère ni se rendait grossier, et n’était point crieur dans les souks. Il ne rendait pas la mauvaise action par une mauvaise, mais pardonnait et effaçait.  »

‘Aïcha a de même relaté :  » L’Envoyé de Dieu n’a rien frappé de sa main, sauf lorsqu’il faisait le djihad dans la voie de Dieu. Il n’a jamais frappé un serviteur ou une femme.  »

D’après ‘Aïcha :  » Je n’ai jamais vu le Prophète essayer d’avoir gain de cause pour ce qui est d’une injustice le touchant, tant que les interdits de Dieu n’étaient en rien violés. Mais si on portait atteinte à ceux-ci, il se montrait le plus irrité vis-à-vis de cela. Il ne lui a point été donné de choisir entre deux choses qu’il n’ait choisi la plus facile, tant que celle-ci n’était point un péché.  »

‘Aïcha a déclaré :  » Un homme demanda à entrer auprès de l’Envoyé de Dieu alors que je me trouvais chez lui.
Il dit alors : – Quel mauvais fils, ou quel mauvais frère, pour les siens!
Suite à quoi, il l’autorisa à entrer et lui tint des propos bienveillants.
Lorsque l’homme sortit, je demandai : – Messager de Dieu ! tu as dit ce que tu as dit [sur cet homme], puis tu lui as tenu des propos bienveillants. Il répondit:
– ‘Aicha, la personne la plus néfaste est celle que les gens évitent, ou dont ils s’écartent, de crainte de sa grossièreté.  »

D’après al-Hasan ben ‘Ali :  » Al-Houseyn (mon frère) ben ‘Ali a dit: – J’ai demandé à mon père quelle était la conduite du Prophète avec ceux qui s’asseyaient avec lui. Il répondit :
– Le Messager de Dieu était toujours souriant, de nature accommodante et était bienveillant. Il n’était ni rustre, ni dur, ni crieur, ni grossier, ni dénigreur, ni difficile. Il ne prêtait guère attention à ce qui n’avait pas d’intérêt. On ne désespérait pas de lui et il ne décevait pas.
Il y a trois choses dont il s’abstenait: la contradiction, l’excès [5] et ce qui ne le regardait pas. Il s’est abstenu de même de trois choses, pour ce qui concerne les gens : il ne critiquait ni dénigrait personne ; il ne cherchait à dévoiler l’intimité de personne ; il ne parlait que pour ce dont on espère une rétribution divine.
Lorsqu’il parlait, les assistants restaient totalement silencieux ; on aurait dit que les oiseaux étaient sur leurs têtes. Lorsqu’il se taisait, ils parlaient alors. Ils ne s’opposaient jamais en sa présence. Quand l’un d’entre eux s’exprimait, ils restaient silencieux jusqu’à ce qu’il termine. Leur propos auprès de lui restait (attractif) comme celui du premier d’entre eux à avoir parler.
Il riait en même temps que leur rire et s’étonnait en même temps que leur étonnement. Il prenait patience avec les étrangers lorsque leur langage et leurs demandes semblaient rudes, et ses Compagnons les faisaient venir [6].
Il disait;  » Lorsque vous voyez quelqu’un demander à ce qu’on réponde à sa nécessité, assistez-le ! « .
Il n’acceptait d’éloge que de quelqu’un qui marquait ainsi un geste réciproque au sien. Il ne coupait la parole à personne, sauf en cas de transgression où il l’interrompait alors en l’interdisant ou en se levant.  »

D’après Mohammad ben al-Mounkader :  » J’ai entendu Jâber ben ‘Abdallah dire ; – On n’a guère demandé quelque chose à l’Envoyé de Dieu où il ait répondu par «  non ».  »

Ibn ‘Abbas a dit :  » Le Messager de Dieu était le plus généreux en bienfaits. C’est durant le mois de ramadan, jusqu’à son terme, qu’il l’était le plus. Gabriel venait alors le trouver et lui faisait réviser le Coran, et lorsque Gabriel le rencontrait, le Prophète était plus généreux que le vent bénéfique.  »

Anas ben Mâlik a relaté :  » Le Prophète ne mettait rien en réserve pour le lendemain.  »

D’après ‘Omar ibn al-Khattab :  » un homme vint trouver le Prophète et lui demanda de lui donner quelque chose. Il lui répondit ; – Je n’ai rien, mais cependant, achète sur mon compte et lorsque des ressources me parviendront, je réglerai.
‘Omar dit ; – Messager de Dieu ! tu lui as déjà donné. Dieu ne t’a guère chargé de ce qui n’est pas dans ta possibilité.
Le Prophète n’apprécia pas les propos d’Omar. Un homme des Ançar dit alors ; – Envoyé de Dieu ! fais généreuse dépense et ne crains pas de pauvreté, eu égard au Seigneur du Trône!
Le Prophète sourit et on pouvait voir le contentement sur son visage, suite aux paroles de l’Ançarite.
Puis il dit:
– C’est ainsi qu’on m’a commandé d’agir!  »

D’après ‘Aicha, le Prophète acceptait les cadeaux et les rétribuait.

 

Notes :

[1] ‘Amrou (m. en Égypte, 43 H/663). Il avait adhéré à l’islam en l’an 8 H. D’une intelligence et d’une habileté légendaire, les Qoreych l’avait notamment envoyé comme ambassadeur auprès du Négus, pour demander l’extradition des premiers émigrés musulmans en Abyssinie. Le Prophète le nomma comme émir à l’expédition de Dhât al-Salâsil (8 H.) et gouverneur à Oman. Plus tard, il fut gouverneur de Palestine puis d’Égypte, sous ‘Omar, puis Mo’awia.

[2] Anas ben Mâlik (m. à Basra, 93H1712) fut mis par sa mère Oum Souleym au service du Prophète, à dix ans. De nombreux hadiths (2286, dont les variantes d’un même hadith) ont ainsi été rapportés par son intermédiaire.

[3] Le terme désigne aussi la soie grège, la bourrette ou l’étoffe en soie et laine (telle la popeline).

[4] Son utilisation par les hommes, sur la peau ou les habits, ayant le caractère » non-appréciable » (makrouh). Deux explications y sont données: c’était un parfum pour femmes; sa couleur jaune. Cf. Fath al-Bâri, T.I0, had. 5846.

[5] L’excès (al-ikthâr) d’argent ou de paroles. Dans une autre relation, il y a le terme al-ikbâr, signifiant la condescendance.

[6] Ils souhaitaient profiter des questions que posaient les bédouins venant à Médine.