Le cœur, un compagnon à chérir

Maryam Szkudlarek

Lors de ma première visite à al-Madina, après avoir énormément voyagé à travers le monde, je me souviens m’être dit que cela n’était plus la peine d’aller ailleurs, dorénavant je ne me rendrai qu’à al-Madina, il n’y avait pas meilleur endroit. J’y ai ressenti une paix et y étais enveloppée d’une lumière comme jamais auparavant dans ma vie. J’ai senti la présence du Prophète , cette paix, cette douceur provenait de lui, de sa présence. C’était comme retourner chez soi après des années d’absence, retourner chez ceux qui nous aiment et que nous aimons. Il me serrait dans ses bras et me consolait. Tout est doux autour du haram an-Nabawi, les fidèles passent, prient, rient, pleurent, aident, donnent. Nous sommes tous retournés chez nous. Comme dans chaque famille, il y a des frictions. Parfois le regard se pose sur des gens différents, que les yeux et l’ego trouvent étranges, peut-être pas très raffinés. Ces gens, en général, quand on y regarde de plus près, ne sont jamais seuls, toujours en famille, avec les membres les plus âgés et les plus jeunes, ils partagent tout et appellent leur famille loin pour partager avec eux cette connexion à Rasoulloulah . Ils n’ont certainement aucune idée du fléau de la solitude occidentale et du fait de ne pas avoir de famille avec qui partager tout ça. Ils ont le trésor de la famille quelle que soit la façon dont l’œil et l’ego les perçoivent et cela, aucun degré de raffinement ne pourra l’acheter. C’est ce qu’Allah a préservé pour eux et ce qu’Il nous a fait perdre dans la culture sophistiquée de l’Occident. L’islam nous a lié, nous n’avons peut-être rien en commun à part l’islam, mais grâce à l’islam, nos cœurs se sont ouverts pour ces personnes, elles ont notre attention, notre aide si elles le désirent, nos prières et notre intérêt. L’islam pèse tellement lourd dans la balance que nous sommes devenus frères et sœurs en Islam. L’islam est un miracle si on y pense…
 
 
Être dans le haram an-Nabawi, c’est comme être dans une bulle de protection, une ampoule de douceur et de lumière. Il n’y a que la mosquée qui compte et ce qu’on peut y faire dedans : prier, lire le Qour’an, faire des dou’a, boire de l’eau zamzam, prier salatoul-djanaza, aider, donner etc. Presque tout s’arrête pour laisser place aux salawate, au dhikr, à la réflexion, pour remplir le cœur de bonheur et sa balance de hasanate. J’envie les volontaires pour leur dévouement et cet énorme cadeau qui leur a été octroyé. Les étoiles du firmament… quelle récompense à la clé… Nour ‘ala Nour. Il serait beau de compter plus d’Occidentaux parmi les volontaires, afin qu’ils ramènent les barakate et la lumière dans leurs pays respectifs. Il n’est pas surprenant que l’Indonésie soit un pays si exceptionnel avec le cœur et le zèle incroyables que possèdent ses enfants pour l’islam. Je connais une famille soudanaise qui vit à al-Madina depuis des décennies. Le père et la mère ne l’ont quittée que trois ou quatre fois en l’espace de plus de quarante ans. Leurs cœurs y sont tellement attachés qu’ils ne peuvent pas partir longtemps et lorsqu’ils doivent partir, le shaykh repousse son départ. Il n’est pas prêt. Il a encore des choses à faire. Son cœur a besoin de temps, il ne peut s’y résigner.

 

 
Al-Madina, c’est un voyage dans le temps. Les quartiers des Banou Qoureyzha, de Khaybar et la palmeraie des Banou Sa’ada sont toujours là. Oui, toujours là, même après 1444 ans… Soubhanalla ! Masjid al-Ghamama, la mosquée des nuages, est toujours là aussi, le Prophète y avait prié salatoul-istisqa ainsi que la prière du dernier ‘id. Sayidouna ‘Umar ibn ‘Abdil ‘Aziz, رحمه الله, déclara qu’il fallait préserver l’endroit et construisît la mosquée qui fut rénovée plusieurs fois au cours de son histoire. Prier salatoud-doha là-bas est une magnifique expérience. Le chemin qui mène à masjid Qouba commence à partir de masjid al-Ghamama. En face de la mosquée Qouba, il y a toujours le puits « ethiq » où le Prophète s’est arrêté avec Abou Bakr as-Siddique رضي الله عنه et où ils ont été accueillis par les Ansars. L’âme des Ansars est restée à al-Madina et les gens sont spéciaux. Sur le mont Ouhoud, un groupe soudanais récite des anachid d’amour sur le Prophète . Non, tout n’a pas disparu. En fait beaucoup de choses sont restées à al-Madina.
 
Le tawaf, c’est un peu un film de la vie en vitesse accélérée. Les gens sont ceux que l’on rencontre tout au long de notre vie. Certains sont très agréables, d’autres nous bousculent un peu, sont agressifs et certains nous rappellent Allah et le dhikr à dire. Il y a des enfants dans les bras de leurs parents ou sur leurs dos ou épaules. Ils nous rappellent notre rôle, la continuité de l’islam et la présence des anges. Lors du tawaf, il y a des vagues, ce n’est jamais tranquille ; les choses ne restent jamais pareilles, comme dans la vie. Certains tours se font très rapidement et d’autres très lentement, certains sont faciles, d’autres difficiles. Parfois on a des ouvertures pour toucher la Ka’ba, parfois pas. Parfois on est présent, parfois on est loin, perdu dans ses pensées. C’est en fait la description rapide de notre vie sur terre : maintenir sa foi et préserver son islam jusqu’au rappel, quelles que soient les circonstances.

 

 
Le Prophète nous a tant donné et il continue de nous donner. À al-Madina, il nous enveloppe d’amour. Le cœur respire, il peut cicatriser, il peut guérir et espérer de nouveau. Il est toujours présent. Rabi’ou al-Awwal est un mois magnifique qui revivifie sa présence partout dans le monde, à travers les mawalid, les khoutab, les regroupements de la communauté, les actes de générosité et bien sûr les salawate. Mille cinq cents salawate à faire jusqu’à la fin du mois de Rabi’ al-awwal avec l’intention de tawfiq dans nos affaires personnelles et de tawfiq pour la oumma toute entière1. Qu’Allah nous octroie à tous la visite de Tayba. Rabi’ou al-Awwal moubarak à toutes et à tous !

 

يَا مُقَلِّبَ القُلُوبِ ثَبِّتْ قُلُوْبَنا عَلى دِيْنِكَ
آمين
 
Maryam Szkudlarek

 

1 Merci de préciser dans les commentaires qui participent ; on a besoin de s’encourager et de voir notre présence.