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Nos Portes Sont Ouvertes

 

Sheykh Muhammad al-Yaqoubi

 

 

Portes

 

 

Nos portes sont ouvertes ; certains choisissent de regarder de l’extérieur tandis que d’autres frappent à la porte et entrent. Certains parmi ceux qui entrent préfèrent s’asseoir au seuil au service de la maisonnée ; il ne leur faut pas bien longtemps pour être admis.

La plupart des visiteurs entrent, puis s’occupent à regarder la beauté de la maison. Une première boisson est offerte mais tout le monde ne la prend pas, certains ne ressentent pas la soif. La plupart de ceux qui y ont goutté n’en ont jamais assez et s’arrêtent dans le couloir et en demandent encore. Pour eux, il s’agit de l’élixir [1] et à court d’extase, ils continuent de parler de la boisson et en redemandent jusqu’à s’en intoxiquer et ainsi devenir incapables de rejoindre la réception.

Ils oublient que la boisson n’avait pour but que de leur souhaiter la bienvenue et que la nourriture (le repas) est servie plus tard et que de plus grandes satisfactions sont à venir.

Ceux qui sont entrés et se sont assis au banquet ont le plus grand honneur de la compagnie du Propriétaire. Les secrets leurs sont donnés et les voiles leurs sont retirés et ils demeurent dans la maison tandis que les autres restent dans la cour extérieure, ébahis par la beauté de la maison ou intoxiqués par la première tasse.

 

Notes :

[1] C’est-à-dire qu’ils y trouvent une satisfaction et pensent être arrivés à destination, au bout de leur quête. Wa Allâhou a’alam.

L’importance de la recherche du Maître (Sheykh)

 

Sheykh al-‘Arabî al-Daraqâwî [1]

 

Maître

Pour cet art (at-Tazkiyyah n-nafs / purification du nafs -), un Maître (Sheykh) est indispensable car on a dit : « Celui qui n’a pas de Maître, c’est Satan son Maître. » On a également dit « Celui qui n’a pas Maître n’a pas de direction (Qibla). » Ibn Shaybân a dit « Celui qui n’a pas de Maître ne vaut rien. Supprimer les moyens intermédiaires conduit à la perdition, mais leur attribuer le résultat est une aberration. »

Pour nous, même celui qui a accédé à la science de la Réalité spirituelle sans avoir recours à un intermédiaire doit, selon la loi des gens de cette science, prendre comme Maître l’un de ses détenteurs, s’il le trouve ; et le seul à ne pas le trouver sera celui qui prétend s’en passer, par une vue de son ego. Celui qui en éprouve véritablement le besoin, je pense qu’il le rencontrera où qu’il se trouve, qu’il soit proche ou éloigné, en terre musulmane ou en terre chrétienne ; c’est ce besoin même qui l’amènera à lui, où qu’il se trouve. Que ce soit le Maître qui vienne au disciple ou l’inverse, c’est la Toute-Puissance divine qui les réunira.

Mais s’il suit la Voie sans Maître, en s’en remettant à son seul point de vue individuel, alors par Allâh, il en sera comme l’a dit Sidî Abù Hâmid al-Ghazali dans sa Bidâya al-hidâya, à savoir qu’un aspirant (mûrid) sans Maître n’arrivera à rien, de même qu’un arbre qui pousse dans le désert ne donne pas de fruit.

Quant à celui qui affirme qu’il n’y a pas de Maître à son époque, il se trompe [2] ! Ecoute, Sidi Ahmad, ce qui arriva à un homme de l’Orient qui vint au Maghreb à la recherche du Pôle ; il rencontra le Saint `Abd al-Wârith al-Yalsûtî, celui-là même qui se trouve ici chez les Banû Zarwâl, et le questionna au sujet du Pôle. Ce dernier lui répondit « Si Allâh ouvrait ta vision intérieure, tu le trouverais devant toi. »

 

Notes :

[1] Sheykh al-‘Arabî al-Daraqâwî dans al-Rasâ’il
[2] Le Sheykh fait ici référence à une parole attribuée à Sheykh al-Hadramî disant que : « L’éducation spirituelle à disparue. » En réalité cette phrase ne veut pas dire que les authentiques Maîtres spirituels on disparus. D’ailleurs le grand maître ash-Sheykh Saydunna Abd al-‘Azîz ad-Dabbagh (radhia Allâhou ‘anhou) explique cette phrase de la même manière dans son Kitab al-Ibriz.

Le comportement (adaab) que doit avoir l’aspirant à l’auto purification avec son Maître ou Professeur spirituel et avec ses frères [1]

 

Seekers

 

Le comportement que doit avoir de l’aspirant à l’auto purification (Tazkiyah) envers son Maître ou Professeur spirituel se divise en deux catégories : Le comportement interne et le comportement externe.

A) Comportement interne de l’aspirant à l’auto purification

1. L’aspirant à l’auto purification doit se soumettre à la volonté du Maître spirituel et lui obéir dans tous ses ordres et conseils, parce que le Maître spirituel a plus d’expérience et plus de connaissances dans la haqiqat (vérité), dans la tariqat (voie) et dans la shariah (régles). De même que la personne malade se confie à son médecin pour être guérie, il en va de même pour l’aspirant à l’auto purification, malade dans sa conduite et son comportement, qui se soumet à l’expérience d’un Maître spirituel afin d’être guéri.

2. L’aspirant à l’auto purification ne doit pas s’opposer à la manière dont le Maître spirituel instruit et contrôle l’aspirant à l’auto purification (Mourides). Chaque Maître spirituel possède sa propre manière de faire que son propre Maître spirituel lui permis d’employer. L’Imam Ibn Hajar al-Haythami a dit : « Celui qui ouvre la porte de la critique envers les actes des Maîtres spirituels et leur comportement avec leur aspirant à l’auto purification, sera puni et sera privé de recevoir la connaissance spirituelle. Celui qui dit à son Maître spirituel, « Pourquoi? » Ne réussira jamais » [2]

3. L’aspirant à l’auto purification doit savoir que le Maître spirituel peut faire des erreurs, mais que celles-ci ne l’empêcheront pas de conduire l’aspirant à l’auto purification jusqu’à la Présence Divine. Ainsi, l’aspirant à l’auto purification doit excuser le Maître spirituel, car le Maître spirituel n’est pas le Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam). Seul le Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam) était exempt d’erreur. Bien que cela soit rare, de la même manière que le médecin peut commettre une erreur dans le traitement d’un patient, il est possible que le Maître spirituel fasse une erreur dans le traitement de la maladie spirituelle de son aspirant à l’auto purification, et cela doit être excusé.

4. L’aspirant à l’auto purification doit respecter et honorer le Maître spirituel en sa présence et en son absence, seul le Maître spirituel peut voir avec l’œil du cœur. Il est dit que celui qui n’est pas heureux avec les ordres du Maître spirituel, et ne garde pas une bonne conduite et un bon Adab envers lui, ne gardera jamais la bonne conduite avec le Qour’an et la Sunnah du Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam). Sheykh Abdul Qadir al- Jilani (r) a dit : « Quiconque a critiqué un Saint, Allâh fera dépérir son cœur. »

5. L’aspirant à l’auto purification doit être sincère et loyal à la compagnie de son Maître spirituel.

6. Il doit aimer son Maître spirituel avec un amour extraordinaire. Il doit savoir que son Maître spirituel va le conduire à la Présence d’Allâh Tout-Puissant et Exalté, et à la présence du Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam).

7. Il ne doit pas chercher ailleurs que chez son Maître spirituel, mais il doit rester respectueux de tous les autres Maîtres spirituels.

B) Comportement extérieur de l’aspirant à l’auto purification

1. Il doit être entièrement d’accord avec l’avis de son Maître spirituel, comme le patient est d’accord avec le médecin. A MOINS QUE CELA CONTREDISE LA SHARIAH.

2. Il doit bien se comporter en compagnie du Maître spirituel, en évitant les bâillements, le rire, d’élever la voix, de parler sans autorisation, d’étendre les pieds, et il doit toujours être assis d’une manière respectueuse.

3. Il doit servir son Maître spirituel et se rendre aussi utile que possible.

4. Il ne faut pas évoquer des discours de son Maître spirituel ce que les auditeurs ne peuvent pas comprendre. Cela pourrait nuire au Maître spirituel d’une façon que l’aspirant à l’auto purification ignore. Sayidina ‘Ali a dit dans un hadith rapporté dans Bukhari : « Parlez aux gens selon ce qu’ils peuvent comprendre, voulez vous qu’on ne croit pas en Allâh (Subahanahu wa ta’ala) et à Son Messager (salallâhou ‘alayhi wassalam). »

5. Il doit assister à l’assemblée du Maître spirituel. Même s’il vit loin, il doit faire un effort pour venir aussi souvent que possible.

6. Il doit suivre le commandement du frère ou de la personne responsable que Maître spirituel a autorisée, à condition que cela ne contredise pas la Shariah.

7. Il ne doit pas demander/évoquer plus de trois questions/rêves ou vision en une même séance.

8. Après avoir raconté le rêve ou la vision, si le Maître spirituel ne donne pas une réponse à sa requête, alors il doit ignorer ce rêve ou cette vision.

Ibn Hajar al-Haythami a dit : « Beaucoup de gens, lorsqu’ils voient que leur guide est ferme sur la question des obligations et de la Sunnah du Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam), l’accusent d’être stricte. Ils disent qu’il prie trop ou se conforme à la Sunnah trop fermement. Ces gens ne réalisent pas qu’ils courent à leur propre destruction. Prenez garde à ne pas croire les plaintes de votre ego à propos de la fermeté du Sheykh à adhérer à la Shariah ». [3]

Abou Hafsa an-Nisaburi est cité dans « Tabaqat as-Sufiyya », le livre de Sheikh as-Sulmi (p.119) disant : « Le soufisme est composé de Adaab [bonne conduite]. Pour chaque état et station il y a un Adab approprié. Pour chaque temps il y a une conduite appropriée. Quiconque observe le Adaab atteindra la Station de l’Humanité. Et quiconque rejette le Adaab est très loin de l’acceptation dans la Présence Divine d’Allâh ».

C) Le comportement de l’aspirant à l’auto purification avec ses frères

1. Il doit être respectueux à leur égard, qu’ils soient ou non présents, il ne doit médire sur aucun d’entre eux.

2. Il doit les conseiller quand ils en ont besoin, avec l’intention de les renforcer. Le conseil qu’il leur prodigue doit se faire en privé et il doit être fait avec indulgence et sans arrogance. Celui qui reçoit le conseil doit accepter le conseil, doit être reconnaissant, et doit le mettre en application.

3. Il doit penser seulement uniquement du bien de ses frères et de ne pas chercher leurs mauvaises manières.

4. Il doit accepter leurs excuses s’ils s’excusent.

5. Il ne doit pas se sentir jaloux de toute vision spirituelle, statut, etc. de ses frères, car nul ne peut recevoir la part des autres.

6. Il doit faire la paix entre eux.

7. Il doit leur apporter son soutien quand ils sont attaqués.

8. Il ne doit pas demander à les diriger, mais être frère avec eux.

9. Il doit faire preuve d’humilité avec eux autant que possible. Le Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam) a dit : « Le Maître d’un peuple est celui qui sert le sert ».

10. L’aspirant à l’auto purification est testé dans son avancée spirituelle par son comportement avec sa famille immédiate et ses frères spirituels, s’il échoue dans ce test, son adoration, ses visions, ses rêves et ses auditions spirituelles n’ont aucune valeur.

La bonne conduite de l’aspirant à l’auto purification n’a vraiment aucune fin. Il doit toujours faire des efforts et des progrès avec son Maître spirituel, avec ses frères, avec sa communauté et avec sa Nation, car Allâh (Subahanahu wa ta’ala) l’observe, le Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalam) est informé des amaals (bonnes actions) de la Ummah, le Maître spirituel est aussi parfois mis au courant des amaals de l’aspirant à l’auto purification, par la volonté d’Allâh (Subahanuhu wa ta’ala), et les Maîtres qui ont précédés le sont également. Avec l’amélioration constante, jour après jour, il atteindra sous la direction et le soutien du Maître spirituel, l’Etat de Perfection.

Notes :

[1] En conformité avec les voies Naqshabandiya et Muhammadhiya
[2] et [3] Al-Fatawa al-Hadithiyya, p.55

 

° Principes du Tasawwuf

Source : Tariqa Muhammadiyah

 

 

 

Objectifs et Principes de la Voie (Tareeqah) de l’auto-purification et de l’excellence dans l’adoration et l’obéissance complète à Allâh, l’Exalté (Al-Ihssan-fi-Uboudiyah)

L’ensemble des enseignements et des injonctions de l’Islam sont connus sous le nom de Shari’ah. Ceci inclut à la fois les actes exotériques (commandements et interdictions liés au corps) et ésotériques (commandements et interdictions liés au cœur, à l’esprit et à son moi intérieur). Dans la terminologie des premières autorités de la Shari’ah, le terme Fiqh (Loi Islamique ou Jurisprudence) était synonyme du mot Shari’ah. Ainsi l’imam Abou Hanifa (radhia Allâhou ‘anhou), définit le Fiqh comme « la reconnaissance de ce qui est bénéfique et nuisible à soi-même. »

Plus tard, dans la terminologie des autorités ultérieures de la Shari’ah, le terme Fiqh a été utilisé pour cette branche (Science) de l’Islam qui se rapporte aux actes exotériques, tandis que la branche se rapportant aux actes ésotériques devint connue sous les appellations Zuhd, Tazkiyah, Tasawwuf et ‘Ilm ul-Ikhlaq. Les voies ou méthodes de réforme des lois ésotériques sont appelées Tareeqah.

Tareeqah est un terme dérivé du verset Coranique : « Et s’ils s’étaient maintenus sur la bonne voie (Tareeqah), Nous les aurions comblés de Nos faveurs » (72:16). Le sens de « voie » dans ce verset trouve son explication dans le hadith du Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalaam), rapporté par Boukhari et Mouslim, ordonnant à ses disciples de suivre sa Sunnah et la Sunnah de ses successeurs. Comme Tareeqah dans le verset, le sens de la Sunnah dans le hadith est « voie » et « chemin ». Tareeqah peut donc être un terme appliqué à des groupes d’individus appartenant à l’école de pensée suivie par un savant particulier ou par un « Sheykh ». Alors, Tareeqah signifie At-tareeq Ilallâh (La Voie vers la Satisfaction d’Allâh, le Majestueux) telle qu’elle est enseignée par notre grand Maître Saydunna Muhammad (salallâhou ‘alayhi wassalaam) et qui est basée sur le Qour’an et la Sunnah.

Comme mentionné précédemment lorsque de notre maître (Hadrat) Jibril (‘alayhi Salam) a demandé au Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalaam) ce qu’était l’Ihssan, le Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalaam) a répondu « D’adorer Allâh comme si tu Le voyais ». Tareeqah est juste un autre nom pour l’Ihssan et la méthode permettant d’atteindre l’Ihssan.

Bien que les Shuyukhs appliquaient différentes méthodes dans la formation de leurs élèves, le cœur du programme de chacun était identique. La situation n’était pas sans rappeler ce qui se passe aujourd’hui dans les institutions de médecine et de droit. Les approches des diverses universités peuvent être différentes, mais le corps de la loi et la pratique de la médecine restent essentiellement les mêmes. Lorsqu’ils obtiennent leur diplôme de ces facultés, chaque élève porte le cachet de l’école particulière qu’il a fréquenté.

Tout comme il y a les masaa’il (règlements) relatifs au Fiqh, il y a de même les masaa’il relatifs à la Tareeqah. En général, les savants connaissent les masaa’il du Fiqh, donc le moyen le plus facile pour une personne consiste simplement à leur demander et à agir selon leurs instructions. Si ces personnes n’agissent pas selon leurs instructions, alors cela devient une preuve contre eux.

Par exemple, si une personne lambda va consulter un savant afin de se renseigner à propos d’une question particulière, comme si elle n’est pas certaine de savoir comment faire les ablutions, le rôle du Savant sera de lui présenter la solution correcte. La personne doit ensuite aller faire les ablutions comme cela lui a été enseigné. Cependant, si elle n’agit pas selon l’opinion du savant et ne fait pas les ablutions, alors elle ne sera pas en état de pureté.

De même, dans la voie de l’auto-purification (Tareeqah) la façon la plus simple d’avancer consiste juste à suivre un guide et Murshid (professeur), car ici nous avons affaire aux règles relatives à la  purification intérieure qui sont encore plus complexes. Par conséquent, on a besoin de plus de diligence. Le devoir de l’aspirant consiste simplement à présenter son état au guide spirituel ou Sheykh. Le devoir du Sheykh est alors de lui prescrire la solution. L’aspirant doit alors simplement agir selon les instructions données. C’est aussi simple que cela. Après un moment, l’aspirant doit progressivement essayer et apprendre un certains nombre de principes relatifs aux masaa’il (règles) de la Tareeqah.

Lorsqu’une personne débute, elle n’a pas d’autre option que de simplement suivre les instructions qui lui sont fournies, qu’elle comprenne ou non. C’est le principe de toute science. Quand un élève débute dans n’importe quelle science, il a juste à suivre le professeur jusqu’à un certain niveau. Après cela, il pourra peu à peu commencer à comprendre la raison et le but de l’enseignement.

Si une personne n’est pas informée des principes de base tels que le Fard (l’obligatoire), Wajib (Le nécessaire : degré en dessous du Fard dans le madhhab Hanafi), Mustahab (le recommandé) etc, alors cela est utile. Par exemple, si elle connait le Fard ou le Wajib de la prière, alors elle peut elle-même corriger les fautes et n’a pas besoin d’aller consulter les savants pour résoudre son problème. De même, dans la science de l’auto-purification ou Tareeqah il y a aussi des masaa’il qui sont connues comme principes de la Tareeqah. Un aspirant doit connaître les principes de base afin qu’il puisse résoudre les problèmes pour lui-même et pour les autres, et pour qu’il puisse devenir plus autonome à un certain niveau.

Si une personne n’est pas informée des principes, des moyens et des exercices que les aspirants ont a effectuer, l’effort qui est attendu d’eux, alors cette personne est sur la voie de la destruction et mourra dans la jahiliyyat [ignorance] en assumant et en croyant en d’autres choses qui ne faisaient pas partie de l’objectif ou du but. Si vous connaissez les tenants et les aboutissants de la Tareeqah, les états, les moyens, les objectifs, etc, vous ne pouvez pas être perdus, même si Shaytaan vient à vous dans un rêve et dit qu’il est Dieu ou un Saint.

Wa Allâhou a’alam.

Raviver la science du Soufisme

Par Sheykh Abdullâh Bin Bayyah

binbayyah

 

 

 

A l’occasion de la seconde conférence internationale en l’honneur de Sidi Shiker, Sheykh Abdallâh Ben Bayyah appela les Musulmans à raviver la science du Tasawwuf (Soufisme) et à la réintégrer à la place qui est la sienne afin que les autres sciences de la religion puissent elles-mêmes être ainsi ravivées.

Sheykh Ben Bayyah, l’un des plus grands savants de Mauritanie, déclara également dans son discours intitulé « Les fondements du Soufisme dans le Livre et la Tradition prophétique (Sunna) », que le Soufisme n’est pas une autre religion mais une science provenant du Coran et de la Sunna, et que les savants ont élaboré ses principes tout comme ils ont développé et dérivé les principes de la jurisprudence Islamique – Fiqh – de ces deux sources.

Il définit le Soufisme en utilisant un grand nombre d’arguments et précisa que « ce terme, connu de tous, s’est généralisé au point que sa signification en est devenue obscure ». Il ajouta que les savants de cette science étaient tout à fait conscient des désaccords qui apparurent dans la communauté Islamique et affirma que « le Soufisme est une preuve contre le Soufi mais que le Soufi n’est pas une preuve contre le Soufisme ». Dans sa définition, il souligna que cette discipline représente l’Excellence spirituelle (Ihsân), se basant ainsi sur la célèbre narration de « Djibril », et il ajouta qu’elle implique de rechercher la perfection et de s’imprégner de l’amour et du désir ardent pour la rencontre d’Allâh – Le très Haut.

Sheykh Ben Bayyah déclara également que le soufisme est une science légitimée parmi les sciences de l’Islam lesquelles peuvent porter soit sur l’aspect extérieur – à savoir les actions des membres – laquelle est nommée « al-fiqh » ou sur l’aspect intérieur – à savoir la purification de l’âme, l’apaisement du cœur tout en étant intérieurement détaché de ce bas-monde, … – et ceci est appelé « at-Tassawwuf ».

A propos de son origine, le savant mauritanien allégua qu’elle se trouve dans le Coran et la Tradition prophétique citant pour cela de nombreux versets et hadîths afin d’appuyer ses dires et ceux des premiers fondateurs du soufisme, tel que l’Imâm al-Junayd qui a dit « Notre voie est confinée dans les principes du Coran et de la Sunna. »

Durant son discours, le sheykh se référa à plusieurs reprises au livre « Qawa’id at-Tasawwuf » (les principes du soufisme) du Sheykh Ahmad Zarroûq (m.846h) précisant que ce savant [et maitre] du Maghreb est la « police » des soufis dans le monde.

A la fin de son discours, Sheykh Ben Bayyah aborda certaines critiques faites à l’encontre du soufisme à travers l’histoire telles que : la question des adkhars spécifiques et leurs nombres donnés par les maitres à leurs disciples, l’utilisation du chapelet, la question du tawassul (l’entremise par des hommes pieux comme moyen d’obtenir les bénédictions d’Allah), le tabarruk (qui est la recherche des bénédictions par les reliques des pieux) et la visite des tombes des awliyas. Il confirma que chacun de ces points a une base solide en Islam.

Qu’est-ce que le Soufisme [Tasawwuf]

Par Mawlana Ashraf ‘Ali Thanwi [1]

 

 

soufidhikr


« En vérité, celui qui a purifié son cœur a réussi tandis que celui qui l’a détérioré a perdu »

 

Beaucoup de gens ont mal compris ce qu’est le Tasawwuf. Beaucoup pensent que c’est quelque chose à part du Qour’an et de la Sunnah. Les Soufis dévoyés, ainsi que les Savants (Ulama) superficiels, même s’ils sont chacun à une extrémité opposée du spectre, sont tous deux responsables du maintient de cette notion erronée. C’est ainsi que le premier groupe s’est éloigné du Qour’an et des Hadiths tandis que le deuxième groupe s’est éloigné du Tasawwuf. En fait, bien que le terme Tasawwuf, à l’instar de nombreux autres termes religieux utilisés aujourd’hui, se soit développé plus tard, la discipline fait partie intégrante de la Shari’ah. Le domaine de la Shari’ah relatif aux actes extérieurs comme la Prière (Salat) et l’Aumône (Zakat) est appelé Fiqh, de même que celui qui traite des sentiments intérieurs et des états du cœur est appelé Tasawwuf. Les deux sont prescrits dans le Qour’an. Ainsi, alors qu’il prescrit la Salat et la Zakat, le Qour’an prescrit aussi la gratitude et l’amour d’Allâh et condamne le mal causé par l’orgueil et la vanité.
De même que dans les livres de Hadith il y a les chapitres relatifs à l’adoration (Ibadat), aux transactions, au commerce, au mariage et au divorce, se trouvent les chapitres sur ar-Riya ‘(l’ostentation), at-Takabbur (l’orgueil), al-Akhlaq (les vertus), etc. Ces prescriptions sont tout autant une exigence obligatoire que celles ayant trait aux actes [ndt : devoirs religieux] extérieurs.Après réflexion, on se rend compte que tous les actes extérieurs sont destinés à réformer le cœur. C’est la base de la réussite vers l’au-delà alors que sa détérioration est la cause d’une totale destruction. C’est précisément ce qui est techniquement connu comme étant le Tasawwuf. Ceci [ndt : le Tasawwuf], met l’accent sur la Réforme des Caractères (Tahzeebe Akhlaq) ; son objectif est d’atteindre la Satisfaction Divine ; sa méthode consiste en l’obéissance totale aux prescriptions de la Shari’ah.Le Tasawwuf est l’âme de l’Islam. Sa fonction est de purifier le cœur des bas attributs bestiaux comme la luxure, les calamités de la langue, la colère, la méchanceté, la jalousie, l’amour du monde, l’amour de la gloire, l’avarice, la cupidité, l’ostentation, la vanité, la tromperie, etc. En même temps, il vise à l’embellissement du cœur avec les nobles attributs comme la repentance, la persévérance, la gratitude, la crainte d’Allâh, l’espoir, l’abstinence, le Tawhid, la confiance, l’amour, la sincérité, la vérité, la contemplation, etc.Le diagnostique et le traitement des maladies du cœur requiert normalement l’aide d’un professeur expert (ou Sheykh). Voici les qualités d’un véritable Sheykh :
  1. Il possède une nécessaire connaissance de la religion.
  2. Ses croyances, ses mœurs et ses pratiques sont conformes à la Shari’ah.
  3. Il n’entretient pas d’avidité pour les mondanités.
  4. Il a lui-même passé beaucoup de temps à apprendre auprès d’un véritable Sheykh.
  5. Les savants et les authentiques Mashaikh de son temps ont une bonne opinion de lui.
  6. Les gens qui l’admirent sont pour la plupart des personnes qui ont une bonne compréhension de la religion.
  7. La plupart de ses disciples suivent la Shari’ah et ne courent pas après ce monde.
  8. Il essaie sincèrement d’éduquer et de former moralement ses élèves. S’il voit quelque chose de mal en eux, il la corrige.
  9. En sa compagnie, on peut sentir une diminution de l’amour de ce monde et une augmentation de l’amour pour Allâh.
  10. Il pratique lui-même régulièrement le Dhikr et les exercices spirituels.
Lors de la quête d’un Sheykh, ne cherchez pas de sa capacité à exécuter des prodiges (Karamat). Un très bon Sheykh peut ne pas être en mesure d’accomplir un prodige. D’autre part, il n’est pas nécessaire d’être une personne pieuse pour accomplir des prodiges – ni même d’être musulman. L’éminent Soufi Bay’a zid Bistami a dit : « Ne vous y trompez pas si vous voyez quelqu’un accomplir des exploits surnaturels comme voler dans l’air. Jugez-le selon les normes de la Shari’ah ».
Lorsque vous trouvez le bon Sheikh et que vous êtes satisfait de sa capacité à fournir des conseils spirituels, effectuez la Bay’a [2]. Il s’agit d’un engagement réciproque, le Sheykh s’engage à vous guider à la lumière de la Shari’ah et vous vous engagez à le suivre. Ensuite le Sheykh donnera à son étudiant (Murid) les instructions initiales, parmi lesquelles :
  1. Repentez-vous pour tous les péchés du passé et prenez des mesures pour faire amende honorable, au cas où par exemple au court de votre vie, des prières (Salat) ont été manquées, auquel cas il faut commencer à compenser [ndt : rattraper].
  2. Si vous avez envers une personne des obligations financière en souffrance ; élaborez des plans pour vous en acquitter.
  3. Préservez vos yeux, vos oreilles et votre langue.
  4. Effectuez régulièrement du Dhikr.
  5. Démarrez quotidiennement une session d’auto-comptabilité avant d’aller au lit. Examinez toutes les bonnes et mauvaises actions réalisées pendant la journée. Repentez-vous pour les mauvaises et remerciez Allâh pour les bonnes.
  6. Effectuer Muraqaba-Maut (la méditation sur la mort) tous les soirs avant d’aller au lit. Imaginez que vous êtes morts. Réfléchissez sur les affres de la mort, l’interrogatoire dans la tombe, la plaine de la Résurrection, le Jugement, la présence dans la Cour d’Allâh, etc. Cela aide à apporter de la douceur dans le cœur et à briser la tendance à commettre des péchés.
  7. Développer de l’humilité. Même si vous observez un individu commettre le pire des vices, vous ne devriez pas le/la mépriser, vous ne devriez pas vous considérer comme plus noble. Il est fort possible que l’auteur du vice se repente sincèrement tandis que celui qui méprise le pécheur se laisse appâter dans les pièges du  Nafs et de Shaytan. On n’a aucune certitude quant à sa fin. On n’a donc aucune base pour considérer l’autre avec mépris.
L’idée essentielle du Tahzeebe Akhlaq est d’amener nos facultés naturelles à un état d’équilibre. Les trois facultés de base sont la colère, le désir et l’intelligence.
La Colère : en équilibre elle se traduit par la bravoure, la tolérance, la ténacité, la capacité à contenir la colère, et la dignité. L’excès (de colère) donnera lieu à l’imprudence, la vantardise, l’orgueil, l’incapacité à contenir la colère, et la vanité. Une carence se traduira par la lâcheté, la disgrâce et des sentiments d’infériorité.
Les Désirs : l’équilibre se traduit ici par la chasteté, la générosité, Haya (la décence),  la patience et le contentement. Son excès mène à la cupidité et à la luxure. L’autre extrême se traduit par l’étroitesse d’esprit, l’impotence, etc.
L’Intelligence : en équilibre elle rend l’homme sage, vif d’esprit, et fort perspicace. Son excès peut induire une personne en erreur, l’inciter à la fraude et l’imposture. Le manque d’intelligence se traduit par l’ignorance et la stupidité, avec comme conséquence qu’une telle personne se trompe facilement.
Une personne sera considérée comme ayant un caractère agréable à partir du moment ou ces facultés seront en état d’équilibre. La beauté intérieure varie selon les gens, tout comme la beauté extérieure. La personne qui possède la plus belle Conduite (Seerah) était le Prophète Muhammad (salallâhou ‘alayhi wassalaam). La beauté de notre Seerah dépend de la proximité d’avec la sienne.
Notes du traducteur :
[1] Article réalisé à partir d’écrits de Maulana Ashraf ‘Ali Thanwi. Né en Inde en 1863, il a étudié au Dar ul-‘Uloom de Déoband. Il était un spécialiste du hadith (mouhadith), du fiqh, maîtrisait la récitation du Qour’an qu’il avait mémorisé très jeune. Maulana at-Thanwi maitrisait aussi l’arabe, le persan et le urdu. Il a consacré sa vie à l’enseignement, la prédication, les conférences et l’écriture, on compte d’ailleurs plus de 800 ouvrages à son actif. Il fut un guide spirituel (Tasawwuf) humble, exemplaire et d’une grande sagesse. Le Sheykh est décédé en 1943 – qu’Allâh lui fasse Miséricorde et le récompense généreusement.
[2] Al-Bay’a signifie prêter serment d’allégeance (synonyme d’engagement).

A propos du Tasawwuf 

Par  Sheykh Habib ‘Umar

 

 

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Question :

Votre Da’wa est basée sur le concept du tasawwuf, un concept qui a souvent été l’objet de vives critiques. Quelle est votre opinion sur le sujet ?

Réponse :

Nous concevons le terme « Tasawwuf » dans le sens d’un désir ardent de purifier le cœur, d’atteindre les vertueuses qualités prophétiques, et comme un moyen de suivre le Messager d’Allâh (salallahaou ‘alayhi wassalaam). Cela nous le comprenons des Imams des premières générations qui furent connus sous l’appellation de Soufis. Il y a plus de mille ans, l’Imam Al-Kalabadi rédigea un ouvrage intitulé « Introduction à la méthodologie des Soufis » dans lequel ne figure que ce qui fut développé dans les livres des savants ayant été affiliés au tasawwuf, ainsi que des témoignages à l’égard de ces savants à travers les siècles. Tous sont unanimes pour dire que le tasawwuf est une exhortation au noble caractère, à la mise en pratique selon sa capacité de la Sunna du Prophète  et à un vif désir de débarrasser le cœur de toutes impuretés. Si cela est notre compréhension de la définition du tasawwuf alors tout musulman qui s’évertue à purifier son cœur et à perfectionner sa relation avec son Seigneur peut être considéré comme adhérant au tasawwuf.

Toutefois, les gens ont parfois des opinions éloignées de la vérité et de la réalité contextuelle. Il se peut qu’ils aient de fausses idées en particulier sur le tasawwuf, sur les écoles juridiques ou sur l’Islam. Certains croient que le tasawwuf est un asservissement ou une mise à l’écart, ou l’associe aux pipeaux et aux tambours mais aussi à des histoires, à des superstitions et à des innovations dans les affaires religieuses. Loin de la réalité, tout cela est à rejeter et ne peut en aucune façon être attribué aux Imams qui furent, à travers les siècles, connus comme étant des gens du tasawwuf et étant eux-mêmes des maîtres dans les sciences islamiques du hadîth, de la jurisprudence et du tafsîr. Ainsi parmi les narrateurs des livres canoniques du hadîth, vous trouverez constamment des gens du tasawwuf.

La seule définition du terme tasawwuf que nous connaissons est le désir de purifier le cœur et de perfectionner son suivi du Prophète Muhammad. Et si le mot tasawwuf renvoie à cela alors son utilité ne peut être que positive. Cependant nous ne devrions pas laisser un mot devenir une barrière, privant ainsi les gens de connaître son véritable sens. Nous appelons les gens à ne pas réagir de façon excessive, comme ils le font en entendant simplement un mot précis, mais d’examiner le concept qui se trouve derrière ce mot. Si le terme tasawwuf ne vous plaît pas alors nommez-le par un autre nom comme ihsan, science de l’intérieur ou purification de l’âme. Appelez-le de la façon dont vous l’entendez mais le concept restera le même et nous ne permettrons pas qu’un simple mot puisse devenir une cause de conflit et que quelque chose prive les gens de connaître la réalité du concept. Cela ne nous empêchera pas également d’informer nos frères de la responsabilité qui nous incombe à tous.

Sheikh Habib ‘Umar.

 

 


L’origine du Soufisme

Par Sheykh Nuh Ha Mim Keller

 

 

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En ce qui concerne l’origine du terme Tasawwuf ou Soufisme, comme pour beaucoup d’autres disciplines Islamiques, son nom n’était pas connu de la première génération de Musulmans. L’historien Ibn Khaldun note dans sa Muqaddima :
« Cette science est une branche des sciences de la Loi Sacrée qui a vu le jour au sein de la  commnauté Musulmane (Umma). Dès de début, la voie de ces personnes a également été considérée comme le chemin de la vérité et de la guidance par la communauté Musulmane des Prédécesseurs, les notables, les Compagnons du Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam), ceux qui ont appris d’eux et ceux qui sont venus après eux ».

Il (le Tasawwuf) consiste essentiellement au dévouement dans l’adoration, un dévouement total envers Allâh le Très-Haut, l’indifférence pour la parure et l’ornement de ce monde, l’abstinence du plaisir, de la richesse et du prestige recherché par la plupart des hommes et se mettre en retrait par rapport aux autres de manière à adorer seul. Telle était la règle générale chez les Compagnons du Prophète et les premiers Musulmans, mais quand l’implication dans les choses de ce bas monde à commencé à se répandre, à partir du deuxième siècle Islamique, les gens ont alors été absorbés par les mondanités et ceux qui étaient assidus dans l’adoration ont été appelés Sufiyya ou « Gens du Tasawwuf ». [1]

Dans les termes d’Ibn Khaldun, le fond du Soufisme, c’est à dire « le dévouement total à Allâh le Très-Haut », était « la règle générale parmi les Compagnons du Prophète et des premiers musulmans ». Par conséquent, si le terme Tassawuf [Soufisme] n’existait pas dans les premiers temps, nous ne devons pas oublier que c’est également le cas pour beaucoup d’autres disciplines Islamiques, comme le Tafsir [l’Exégèse Coranique], ‘ilm al-Jarh wa Ta’dil [la science des facteurs positifs et négatifs qui affectent l’acceptabilité des narrateurs de hadith], ‘ilm al-Hadith [la science des traditions Prophétiques], ou même les principes islamiques de la Foi, dont le nom ‘Aqida n’est pas mentionné une seule fois dans l’ensemble du corpus du Qour’an ou des hadiths. Toutes ces sciences se sont avérées d’une importance primordiale à la bonne conservation et à la transmission de la religion, mais aucune n’a été connue par son nom dans l’Islam des débuts, cela illustre bien pourquoi les savants traditionnels ont dit, « la qadh fi al-istilah », ou « il n’y a aucune objection à cette terminologie ».

Quant à l’origine du mot Tasawwuf, elle doit venir de Soufi, la personne qui pratique le Tasawwuf, qui semble lui être étymologiquement antérieur, car la plus ancienne mention de l’un des deux termes remonte à Hasan al-Basri , décédé 110 ans après l’Hégire, qui a personnellement connu un grand nombre des Compagnons du Messager d’Allâh, et qui a dit :  » J’ai vu un Soufi effectuer le tour de la Kaaba, et lui ai offert quelque chose, mais il ne voulait pas le prendre, disant :  » J’ai quatre daniqs [2], ce que j’ai me suffit [3] « . Il semble donc préférable de comprendre ce qu’est le Tasawwuf en demandant d’abord ce qu’est un Soufi, et peut-être la meilleure définition à la fois du Soufi et de sa voie, certainement l’une des plus fréquemment citées par les Maîtres de la discipline, est celle issue de la Sunnah du Prophète, qui a dit :

 » Allâh le Très-Haut a dit :  » Quiconque montre de l’hostilité à un de Mes bien aimés, Je lui déclare la guerre. Mon serviteur ne s’approche de Moi par rien de plus excellent que ce que Je lui ai prescrit comme œuvres obligatoires, et Mon serviteur continue de se rapprocher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Et quand Je l’aime, Je suis l’oreille par laquelle il entend, l’œil par lequel il voit, la main par laquelle il frappe et le pied avec lequel il marche. Qu’il Me demande [quelque chose], et Je la lui donnerai sûrement, et qu’il Me demande refuge, Je le lui accorderai sûrement. Aucune chose ne Me répugne plus que [de prendre] l’âme de Mon fidèle serviteur : il déteste la mort et Je déteste le blesser « . [4]

Ce hadith est rapporté par l’Imam Bukhari, Ahmad ibn Hanbal, al-Bayhaqi et d’autres avec de multiples chaînes de transmission contigües, et il est authentique [Sahih]. Il révèle la réalité centrale du Tasawwuf, qui est précisément le changement tout en décrivant le chemin à prendre pour procéder à ce changement, conformément à une définition traditionnelle, utilisée par les maîtres du Moyen-Orient et qui définissent un Soufi comme étant « Faqihun ‘amila bi ‘ilmihi fa awrathahu Llahu ‘ilma ma lam ya‘lam », c’est-à-dire « Un faqih [5] qui applique sa science, de sorte qu’Allâh lui donne la science de ce qu’il ignorait. »

Pour clarifier, un Soufi est un homme de science religieuse, parce que le hadith dit : « Mon serviteur ne s’approche de Moi par rien de plus excellent que ce que Je lui ai prescrit comme œuvres obligatoires », et c’est seulement à travers la science que le Soufi peut connaître le commandement d’Allâh ou ce qui lui a été rendu obligatoire. Il met en pratique ce qu’il a appris car le hadith indique qu’il se rapproche d’Allâh non seulement par l’obligatoire, mais aussi par le fait qu’il « continue de s’approcher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime ». Et à son tour, Allâh lui lègue la connaissance de ce qu’il ne savait pas , parce que le hadith dit : « Et quand Je l’aime, Je suis l’oreille par laquelle il entend, l’œil par lequel il voit, la main par laquelle il frappe et le pied avec lequel il marche », qui est une métaphore pour une prise de conscience parfaite du Tawhid, ou « Unicité d’Allâh », qui dans le contexte d’actions humaines telles que l’audition, la vue, le fait de saisir, de marcher, consiste à prendre conscience des mots du Qour’an, au sujet d’Allâh, qui est « Celui qui vous a créés ainsi que ce que vous faites ». [6]

L’origine de la voie des Soufis se situe dans la Sunnah Prophétique. La sincérité envers Allâh qu’elle implique était la règle parmi les premiers Musulmans, pour lesquels c’était tout simplement un état d’être, sans nom, tandis que cela est devenu une discipline distincte seulement lorsque la majorité de la Communauté s’en est détaché et a changé de cet état. Les Musulmans des générations subséquentes ont du recourir à un effort systématique pour l’atteindre [ndt : cet état], et c’est en raison du changement dans l’environnement Islamique après les premières générations, qu’une discipline sous le nom de Tasawwuf est venue à exister.

 

Notes du traducteur :

[1] Al-Muqaddima, 467

[2] Un daniq est équivalent à quatre carats, ou 1/6 du dirham. Il égale 0,525 grammes.

[3] Al-Tusi : al-Luma’

[4] Bukhari, 8.131: 6502. S

[5] Le Faqih est celui qui maîtrise le Fiqh (la Jurisprudence)

[6] Qour’an V37 S96


La musique spirituelle à base d’instruments?


Réponse par  Sheykh Faraz Rabbani

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Question :

À vrai dire, j’ai arrêté d’écouter de la musique, mais j’ai ensuite recommencé à en écouter, en partie en raison de certains Cd spirituels islamiques qui contiennent des instruments de musique comme des violons et différents types de percussions.

 

Réponse :

Walaikum assalam wa Rahmatullâh,

Siddi, je ne sais pas sur quelle argumentation se basait le CD. Allâh est plus savant. Il y a divergence d’opinion sur cette question, mais la position transmise par le Mufti Muhammad ibn Adam al-Kawthari est exactement la même que celle mentionnée dans les travaux de référence à travers les écoles Sunnites de fiqh, et tenue par les savants Sunnites les plus traditionnels, actuellement comme dans le passé. [1]

Quelques savants avaient, en effet, permis les instruments s’ils n’étaient pas utilisés dans des visées futiles, incluant en cela l’utilisation d’instruments par quelques soufis et d’autres, dans le but d’une élévation spirituelle, tant que cela ne comportait pas d’autres choses illicites (comme des chants interdits, des femmes qui chantent pour autre que des femmes, la libre-mixité lors de telles réunions, etc.)

Cela reste toutefois un avis minoritaire, et les précautions religieuses indiqueraient de s’en abstenir, pour les nombreuses raisons expliquées par le Mufti Muhammad ibn Adam dans sa réponse.

En même temps, Ibn Abidin explique dans son Radd al-Muhtar [2], qu’il ne faut pas condamner ceux (comme les Soufis vertueux), qui ont de nobles intentions dans leur écoute de ce genre de chants et sont loin d’entretenir des objectifs futiles, tant que rien d’autre d’illicite n’est joint à l’écoute.

Ainsi, la prudence religieuse et le suivi de l’avis juridique le plus solide (et le sens manifeste de l’interdiction du Qour’an et de la Sunnah) indiquerait d’éviter scrupuleusement la musique et le chant contenant des instruments autres que le duff [3].

Toutefois, il ne faudrait pas condamner autrui à propos de cela, en raison de la différence d’opinion concernant ce sujet.


Et Allâh est plus savant.

Wassalam,

Faraz Rabbani


© Traduit avec l’autorisation de l’honorable sheykh Faraz Rabbani (qu’Allâh le récompense)

 

Notes du traducteur :

[1] Voir l’ouvrage « Reliance of the Traveller » de Mufti Muhammad ibn Adam al-Kawthari.

[2] Ibn Abidin dans Radd al-Muhtar, 6.349, Ilmiyya ed.

[3] Dans un de ces articles, Sheykh Nuh Ha Mim Keller explique que l’interdiction de la musique instrumentale est également la position retenue de toutes les quatre écoles de jurisprudence sunnite, l’école Hanafite (Ibn ‘Abidin, Radd al-muhtar ‘ala al-durr al-mukhtar. 5 vols. Bulaq 1272/1855. Réimpression. Beyrouth: Dar Ihya’ al-Turath al-‘Arabi, 1407/1987, 5.253), l’école Malékite (al-Dardir, al-Sharh al-saghir ‘ala Aqrab al-masalik ila madhhab al-Imam Malik. 4 vols. Le Caire: Dar al-Ma‘arif, 1394/1974, 2.502), l’école Shaféite (al-Nawawi, Minhaj al-talibin, 152), et l’école Hanbalite (al-Bahuti, Kashshaf al-qina‘ ‘an matn al-Iqna‘. 6 vols. Beyrouth: Dar al-Fikr, 1402/1982, 5.170). Les lecteurs qui connaissent la littérature du fiqh remarqueront que chacun de ces ouvrages est la référence pour la fatwa dans son école.