L’accolade le jour de la fête de l’Aïd

 

 

 

 

Question #1 :

Est-il permis de faire des accolades le jour de la fête de l’Aïd pour célébrer cette occasion ou bien est-ce une innovation blâmable (bida’a) comme le disent certains frères ? »

Réponse de Ustadh Salman Younas [1] :

Les textes de l’école Hanafite (NDT : basés sur l’examen scrupuleux du Qour’an et de la Sunnah) stipulent de manière claire que l’accolade entre deux individus de même sexe est permise s’ils sont habillés correctement, qu’il n’y a pas de désir et que les personnes sont de même sexe.

Concernant les règles à respecter lors de l’accolade, l’imam Ibn Nujaym a dit dans son ouvrage Bahr al-Ra’iq : « Nos Shuyukh ont déclaré que si on est confiant dans l’absence de désir et qu’on a l’intention de faire preuve de gentillesse, d’honneur et de respect envers un Musulman, alors il n’y a pas de mal (la ba’s bihi) ». La même chose a été mentionnée par l’Imam Marghinani dans sa Hidayah, par l’Imam Haskafi dans son Durr al-Mukhtar, et par l’Imam ibn `Abidin dans sa Hashiya.

En tant que tel, il n’y a rien de détestable dans le fait d’étreindre les autres le jour de l’Aid pour exprimer sa joie et son bonheur. Apporter le bonheur dans cœur des croyants est l’un des actes les plus récompensés que l’on puisse accomplir, que ce soit par un sourire, une poignée de main ou une accolade.

 

Question #2 :

J’ai appris de quelqu’un que s’embrasser après la prière de l’Eid est une bidah. Est-ce vrai?

Réponse de Sheykh Abdul Raheem [2] :

Le fait de s’embrasser [3] augmente l’amour, l’affection et la miséricorde entre les gens. Le faire lors des occasions de joie et de bonheur, de chagrin et de peine fait partie des actions de la nature humaine. L’islam l’autorise et encourage à construire et à renforcer les liens entre eux.
Il a été établi qu’à l’époque de notre Prophète ﷺ, lorsque les gens revenaient de longues distances ou ne s’étaient pas vus depuis longtemps, ils s’embrassaient lors de leur rencontre.

De nos jours, les gens sont généralement si absorbés par leur travail et les études qu’ils se rencontrent et se saluent rarement. Par conséquent, les occasions comme l’Eid, représentent un moment idéal pour embrasser les gens que vous n’avez pas rencontrés depuis un bon moment.

Quant à savoir si cela relève ou non de la Sunnah, il n’existe pas de Ahadith stipulant que cela a été fait le jour d’Eid pour cette occasion spécifique, mais la plupart des gens qui ont tendance à s’embrasser le jour d’Eid le font simplement par bonheur et par joie, car après tout c’est notre journée de fête.

Notre cher Prophète ﷺ a lui-même fait Mu’anaqah lorsqu’il fut submergé par la joie et le bonheur.

Hazrat ‘Âisha (Radhia Allâhu ‘anha) rapporte : « Zayd Ibn Hâritha vint à Médine alors que le Messager d’Allâh était chez moi (après une longue absence). Il vint frapper à sa porte. Le Prophète se leva à sa rencontre en laissant traîner son manteau (dans la précipitation au point d’être torse nu). Il lui donna l’accolade et l’embrassa ». [4]

Dans un autre Hadith, il est rapporté à propos de Hadhrat Ja’far رضي الله عنه que, lorsqu’il vint à Madinatul Munawwarah, RasuluLlâh ﷺ secoua sa main puis l’embrassa et disant : « C’est mieux, c’est mieux » (c’est-à-dire embrasser plutôt que serrer la main). [5]

Dans un autre récit, il est également ajouté que RasuluLlâh ﷺ a déclaré : « Nous ne savons pas ce qui nous rend le plus heureux; la conquête de Khaybar ou le retour de ja’far ».

Ainsi, embrasser lors des occasions heureuses est formellement établi. Il n’est pas correct de déranger les Musulmans avec ces problèmes quand il y a d’autres choses qui nécessitent plus d’attention. Rendre les Musulmans plus proches d’Allâh et générer la paix et l’harmonie entre eux est un devoir. RasuluLlâh ﷺ a déclaré : « Délivrez de bonnes nouvelles et ne faites pas fuir les gens, rendez les choses faciles et ne les compliquez pas. »

Tant que les gens ne le rendent pas obligatoire et ne le font pas comme un acte de Sunnah, il n’y a pas de mal. Nous avons vu beaucoup de nos Mashaïkh s’embrasser le jour de l’Aïd. Certains s’abstiennent de peur que cela se transforme en un acte obligatoire [6] et que cela devienne donc un ajout dans la Religion. On ne doit pas être à l’origine de l’embrassade, mais si quelqu’un veut nous embrasser (accolade), on ne doit pas le rejeter.

 

Question #3 :

Est-il permis d’embrasser ou de faire une accolade à sa sœur/son frère [7] ?

Réponse du Mufti Siraj Desai [8] :

Cela est permis entre maharims, avec des conditions. Par exemple, on peut embrasser les joues, le front, mais pas les lèvres. On fait une accolade ou un câlin que si les deux personnes sont proprement couvertes (habillées). On ne fera pas cela sous une couverture. De même, il faut faire en sorte que certaines parties du corps n’entrent pas en contact, comme les cuisses, l’estomac, les seins, etc. Aussi, il ne doit y avoir aucun désir ou de choses du genre, sinon embrasser ou accoler sera interdit.

Wa Allâhu a’alam.

 

Notes :

[1] Ustadh Salman Younas est diplômé dans les Sciences Politiques et Religieuses. Il a étudié avec des Savants à New York et en ligne avant de partir étudier à Amman (Jordanie). Il a étudié le Droit Islamique, les Fondements de la Jurisprudence, la Croyance, la Science du Hadith, la logique, l’Arabe et le Tafsir. Parmi ses professeurs on compte Sheykh Faraz Rabbani, Sheykh Salah Abu’l Hajj, Sheykh Ashraf Muneeb, Sheykh Ahmad Hasanat, Sheykh Hamza Karamali, Sheykh Ahmad Snobar, Sheykh Ali Hani, Sheykh Hamza Bakri, Ustadh Rajab Harun et d’autres.

[2] Sheykh Abdul Raheem à étudier entre autre au Darul Uloom (Bury UK), avec Sheykh Yusuf Motala, Sheykh Islamul Haq et d’autres, puis au Mazahir al Uloom, Saharanpur (Inde) sous l’oeil attentif de Sheykh Yunus Jaunpuri (étudiant de Sheykh al-Hadith Zakariyya Kandhalwi), de Mufti Muzaffar Hussain, de Mawlana Muhammad Aqil, de Mawlana Salman, de Mufti Mahmood al Hasan Gangohi, etc. Sheykh Abdul Raheem a passé les 25 dernières années a enseigner et lire les textes clefs dans le  Curriculum du Dars Nizami (Tafsir d’al Baydhawi, Tafsir al-Jalalain, Sunans d’Abu Dawood, Tirmidhi, et Ibn Majah, et les Sahihayn d’al-Bukhari de Muslim. Il a aussi appris le Mukhtasar d’Al Quduri et le fameux texte de Fiqh d’al Hidayah. Vous pouvez trouver sa biographie ici.

[3] Ici ce n’est pas les baisers dont il est question mais le fait de prendre, de tenir entre ses bras quelqu’un ou quelque chose ; d’étreindre (Larousse)S’embrasser (Mu’anaqah) vient du mot Arabe ‘Unuq, qui signifie le cou. C’est un mot qui selon la Science Arabe de la Morphologie dénote une double performance (deux actes). Ainsi selon certains savants, pour qu’une embrassade soit complète, il faut que le côté droit du cou des deux individus se rencontre en premier, puis ensuite faire de même avec le côté gauche. Mais embrasser que d’un côté sera tout de même suffisant.

[4] Rapporté par At-Tirmidhi n°2733 (hassan), Riyad as-Salihin n°891
[5] Al-Bayhaqi, Abu Dawud
[6] C’est-à-dire que certains le prennent en tant que tel.
[7] De sang
[8] Le Mufti Siraj Desai est diplômé du Dar ul-‘Ulum de Jalalabad en Inde. Il est responsable du Dar ul-‘Ulum Abou Bakr en Afrique du Sud.

Ps : Concernant l’école Malikite, il est rapporté dans la Rissala d’Al-Qarawâni رحمه الله  que l’Imam Mâlik رضي الله عنه a considéré l’accolade comme non souhaitable, alors que Sufyan Ibn ‘Uyaynah l’a permise. Dans la Muqaddima al-Izziyya, il est rapporté la même chose en ajoutant que l’Imam Mâlik donne cet avis en l’absence de Hadith appuyant cette pratique à l’exception de celui qui concerne le retour de Ja’far. Il est aussi stipulé que cela n’a pas été fait par la suite par les Compagnons. Cela dit, il est rapporté qu’un jour, Sufyan Ibn ‘Uyaynah entra chez Mâlik qui lui serra la main et lui dit : « Si l’accolade n’était pas répréhensible, je t’aurai pris en accolade ». Sufyan répondit alors : « L’accolade a été pratiquée par celui qui est de loin meilleur que toi et que moi ». Et il rapporta l’histoire susmentionnée de Ja’far.