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La magie de Ramadan

La magie de Ramadan

Ramadan nous a quittés depuis quelques semaines et nous nous rapprochons de Dhoul-Hijja et de la fin de l’année à grands pas. Encore des moments de réflexion en perspective. Cependant, restons encore un peu dans la magie de ramadan pour nous plonger dans l’univers de certains peuples durant ce mois béni. Pour celui ou celle qui a l’opportunité de se détacher de ses obligations, il n’y a pas de meilleur cadeau que de vivre ce mois avec le Qur’an, le dhikr, les prières et la bonne compagnie dans un cadre spirituel. Trop souvent dans le monde musulman, l’univers du travail et des études suit le calendrier grégorien, et ramadan n’est plus le noble invité pour qui on délaissait tout. Néanmoins, il est toujours possible de s’arranger, de prendre des vacances à ce moment-là, de vivre des moments merveilleux et surtout de retrouver des perles de ramadan tout au long de l’année.

À Istanbul, ramadan est somptueux ! Les grandes mosquées sont pleines de récitateurs et le bourdonnement de cette récitation est constamment présent où que l’on se trouve. Le gouvernement distribue des iftar gratuits pour tous à des endroits précis, en général historiques et connus, plusieurs fois par semaine. J’ai eu la chance de goûter à ce repas sur la pelouse de la mosquée de Fatih et c’était délicieux ! Les Turcs, pour beaucoup, rompent leur jeûne en plein air sur une des grandes pelouses de la ville. Les nappes sont déployées, la nourriture posée, les mains tendues vers le ciel en attendant l’adhan magnifique d’une de ces grandes mosquées hors du commun. Parfois, une dame passe et distribue une de ses sadaqate faites maison, ou le groupe ou le couple à côté partage de leur iftar avec les autres. Les lieux de repos des saints et des grands personnages de l’Empire Ottoman sont constamment visités et encore plus durant ramadan. Les Turcs sont très attachés à leur héritage, ils ne le laissent pas flétrir, leur présence garde ces endroits en vie.

Le petit bémol est sûrement le tarawouih qui est extrêmement rapide et contrariant. Dans le cas où l’on chercherait plus de recueillement dans sa prière, il est bien mieux de prier à la maison, à son rythme et entre femmes pour celles qui connaissent des Kurdes, car les Kurdes suivent le madhhab chaféite pour une grande partie (dans cette école, l’imama des femmes est permis). Cependant, les grandes mosquées comme celle d’Abou Ayyoub al-Ansari رضي الله عنه ont un très beau tarawouih à vitesse modérée et tellement agréable. Il est important de venir de bonne heure, car la mosquée se remplit très vite du côté des femmes.

Les demandes de charité sont partout, pour les mosquées, les étudiants, les centres de Qur’an… J’ai été surprise de voir que les collecteurs vous donnent même un reçu lorsque vous mettez l’argent dans la boîte. Durant le mois du ramadan, le mouadhdhin appelle le fajr à la véritable heure, pour que les gens terminent leur sahour avant l’adhan, cependant ce n’est pas le cas le reste de l’année, car le madhhab qui prédomine dans le pays est celui de l’imam Abou Hanifa et dans cette école il est préférable de prier le fajr vers la fin. Pour ceux qui veulent prier le tahadjoud, veuillez regarder dans les mosquées le tableau d’heure des prières et cherchez imsak, c’est l’heure du fajr. De même pour l’ichraq, il y en a deux. Le premier, c’est l’adhan et le deuxième le vrai. C’est le cas pour Istanbul, et non pour toutes les villes de Turquie. Dans le sud, à Ourfa, par exemple, la prière du fajr est appelée à l’heure toute l’année, peut-être parce que la majorité n’est pas turque ou bien par préférence des habitants.

Une heure ou deux avant l’adhan, il y a une tradition ottomane qui se fait toujours dans certains quartiers, qui est d’appeler les gens au sahour en battant sur un tambour ! Traditionnellement, la personne marchait et tapait dessus, mais de nos jours les hommes sont souvent sur une mobylette, l’un conduisant et l’autre tenant un grand tambour. Il est aussi possible de voir des représentations de ce genre de performance plus authentiques dans l’un des marchés de ramadan proches des quartiers historiques d’Eminönü, Sultan Ahmad (le cœur de l’originale Constantinople)… Des hommes en habits ottomans font une parade avec des tambours, comme le faisaient leurs ancêtres il y a moins d’un siècle.

La cape du Prophète est accessible seulement durant le mois du ramadan, dans la grande mosquée appelée al-Kharqa al-Sharifa, à Fatih, qui ressemble à un musée européen. Nous prenons part à une longue file à l’extérieur. Les salawate qui passent en boucle à l’intérieur se font entendre. L’adrénaline va croissante. Certes, il y a toujours des sceptiques et des gens qui voient une mascarade dans tout. Il est vrai que l’on ne base pas la vérité sur des émotions. Cependant l’amour ne s’explique pas. La cape est très ancienne, protégée dans un espace en verre ; il y a tellement de monde qu’il faut marcher rapidement et nous n’avons pas le temps de regarder le cheveu dans sa boîte dorée ! Tout ce qui se dit être au Bien-Aimé on le veut être à lui. On l’imagine la porter, la toucher, parler en la portant… On le visualise en regardant cette cape qui on espère être presque un bout de lui, pour nous les malheureux, qui ne l’avons jamais rencontré. Les Turcs sortent en faisant face à la cape, par respect, comme je les ai vus faire dans les maqamate. Nous refaisons un tour comme une centaine d’autres personnes… Chacun a sa propre connexion à ces reliques. Celui qui veut y croire y croit, celui qui ne veut pas n’y croit pas. Nous n’étions pas assis avec notre Prophète pour pouvoir vérifier. Mais l’important, c’est de voir l’engouement des musulmans pour ce trésor spirituel, l’émotion, l’excitation et les dou’a dans cette longue queue qui n’en finit pas et enfin les larmes et la nostalgie générale lorsque l’on arrive à destination. Les musulmans aiment leur Prophète d’un amour unique et c’est ce qui ressort de façon authentique de cette expérience.

À Tarim, ramadan est époustouflant. Il faut le vivre pour le croire. C’est un monde à part entière. Il n’y a rien qui compte à part Dieu. La dounya s’est envolée. Il n’y a que prières, Qur’an, dou’a, dhikr et bonnes actions. C’est vraiment là que j’ai compris l’importance d’avoir un programme spécial pour ramadan et de laisser ses obligations le plus possible de côté, car il n’y a pas de meilleure opportunité pour se rapprocher d’Allah et de soi-même. Une ouverture, une trêve joyeuse et pleine d’espoir. C’est un délice de ce monde auquel nous ne pourrons peut-être pas prendre part l’année suivante.

Prier dans masjid al-Aqsa durant ramadan est une expérience extraordinaire. Des milliers de Palestiniens, des quatre coins de la Palestine, ont l’autorisation de se rendre à la mosquée et la foule est incroyable. Il n’y a bien sûr pas de place à l’intérieur et nous prions à l’extérieur (qui est aussi considéré comme masjid al-Aqsa). C’est tellement agréable de prier sur ces dalles si anciennes qui ont tellement vu et vécu ! Un retour dans le temps. Le vent agite les arbres, la récitation émeut le cœur. On devine presque les dou’a de notre voisine… car ce sont aussi les nôtres.

En Jordanie, c’est le tarawouih qui est magnifique ; les a’ima ont souvent une belle voix et les prières sont à vitesse modérée, ni très longues et ni courtes.

À Abou Dhabi, aux Émirats, malgré les interdictions des réunions et des rassemblements religieux qui sont mises en place depuis quelques années, il est toujours possible de trouver des awliya et de vivre un ramadan sublime. Merci mon Dieu, qu’il y ait toujours des perles, des âmes sincères et dévouées, quel que soit l’environnement.

Ramadan est parti. Ce n’est pas un mois saint, mais Dhoul-Qa’da l’est. Les bonnes et les mauvaises actions sont multipliées de nouveau et cela va durer pendant trois mois. Ravivons nos âmes et recréons la magie de ramadan dans ces mois sacrés où que nous soyons dans ce monde.

Maryam Szkudlarek

La beauté de nos cultures,
une rencontre avec le Prophète ﷺ​

Maryam Szkudlarek

rencontre avec le prophète

بسم الله الرحمن الرحيم

 

L’islam a embelli les cultures qui l’ont accepté. Aux quatre coins de la terre, l’islam a fait son chemin au sein des peuples, coutumes et tempéraments tous différents les uns des autres. Les cultures islamiques ne sont pas uniformes, au contraire, elles sont incroyablement colorées et possèdent de nombreuses agréables facettes. C’est à chaque fois une rencontre avec le Prophète à travers l’héritage qu’il nous a laissé.

En Turquie, j’ai été en particulier témoin d’une profonde dévotion et d’une générosité inoubliable. Les grandes mosquées comme Eminönü ou Fatih à Istanbul ont toujours des fidèles de même que dans les sanctuaires religieux d’Ourfa dans le sud du pays et d’ailleurs. Les Turcs sont très attachés à leur héritage islamique et spirituel. Lors des visites des maqamate1 des salihine2, il y a toujours des dames qui distribuent du sucre, des sucreries ou même des chapelets. Une fois je faisais un dou’a3 au maqam de ‘Aziz Mahmoud Hüdai dans la partie asiatique d’Istanbul, mes mains tournées vers le ciel, quand je sentis quelque chose tomber. J’ouvris les yeux et c’était un chapelet ! Je me retournai et vis une femme en donner à tout le monde. Cela arrive aussi régulièrement aux tombes de Sayidouna Abou Ayyoub al-Ansari et des personnages importants de la culture ottomane, qu’Allah soit satisfait d’eux. Il n’y a pas de meilleur moyen pour obtenir les prières d’inconnus reconnaissants dans des endroits si spéciaux ! Ils sont également connus pour aimer les invités. Les Turcs font preuve d’une grande générosité avec tout le monde et ils aiment grandement les étrangers. Certains reçoivent tous les jours ! Les dames vous servent un plat quelle que soit l’heure.

Au Yémen, spécifiquement à Tarim, j’ai également trouvé le partage comme je ne l’avais jamais vu auparavant et une hospitalité remarquable. Ils font de grands repas qui nourrissent des dizaines, voire des centaines de personnes puis vous faites partie du groupe sans savoir que vous étiez invités au préalable. Certains laissent une partie de leur maison ouverte à tous et d’autres laissent leur maisons à des visiteurs même s’ils ne les connaissent pas.

En Palestine, l’hospitalité est aussi fortement présente même en temps de guerre. Les mourabitate4 offrent le petit déjeuner devant la mosquée al-Aqsa le vendredi. Dans la mosquée, elles distribuent des petits gâteaux ou des sucreries aux centaines de fidèles présentes. Durant ramadan, lorsque l’iftar5 se fait dans la cour, il est très courant de se faire inviter par une famille.

En Indonésie, j’ai vu la satisfaction, la reconnaissance et le respect. Je n’ai jamais été en contact avec des gens aussi souriants et heureux que les Indonésiens auparavant ! Je ne peux m’empêcher de rire lorsque je pense à eux. Je revois leur façon de vivre, de s’amuser, de manger, de tenir leurs enfants, de s’émerveiller de tout. C’est le peuple le plus créatif que j’ai vu jusqu’à présent. À partir de la noix de coco, ils font tout ! Tout ! Ils prennent la coque, la chair, le lait, tous les coins et recoins et cuisinent, fabriquent, cousent… Ils ne gaspillent rien et sont satisfaits de ce qu’ils ont. Ils aiment leurs enfants et ils le montrent ! Ils leur sourient, leur parlent, jouent et font des sorties avec eux. Leurs enfants sont leurs trésors. Ils ont un grand amour pour l’islam, et la madrassa6 en Indonésie est fortement respectée ainsi que les enseignants. Il est possible d’apprendre l’arabe un peu partout dans le pays et nombreux sont ceux qui ont appris cette langue exclusivement en Indonésie sans jamais en sortir. Les Indonésiens descendant des ‘oulema yéménites qui vinrent faire la da’wa quelques siècles auparavant, sont très attachés à leurs ancêtres, et leur statut d’ahloul-bayt7 est connu de tous. Les tombes des awliya8 sont aussi grandement visitées et honorées. Sounan Ampel à Sourabaya a régulièrement de nombreux visiteurs.

À ‘Oman, la bienveillance et les manières nobles du peuple de ce pays magnifique, sont extraordinaires. Ils sont d’un calme olympien ! Ils ne haussent pas la voix et n’ont pas de gestes brusques. Ils sourient et font preuve d’une grande ouverture d’esprit, bien qu’ils soient fortement attachés à leur culture. Ils sont toujours aimables, accueillants, respectueux et très aidants.

En Inde, j’y ai vu un fort engouement pour l’islam qui m’a beaucoup touché. Je me souviens être allée à la grande mosquée de New Delhi avant ma conversion, le jour de la joumou’a. J’étais assise sur des marches regardant les fidèles se diriger à l’intérieur. Il y avait des milliers de gens. L’adhan était stupéfiant. En bas, se trouvait une dame avec des enfants. Elle ne pouvait ou ne préférait pas entrer à cause d’eux je suppose. Le sermon commença puis la prière se fit entendre. C’était une expérience incroyable, la voix de l’imam, la réponse des ma’moumin9, j’étais entourée d’une foule, mais il n’y avait plus personne. Le monde entier avait disparu. Il semblait en être autant pour cette sœur qui, bien qu’accompagnée d’un nourrisson, le confia à un autre enfant et se mit à prier, avec le reste de la congrégation, à même le sol. Je l’observai du début jusqu’à la fin. Elle avait l’air plongé dans sa prière et ne se laissait pas distraire par ses enfants lorsqu’ils s’approchaient d’elle. J’ai trouvé cela fascinant. Elle recherchait la connexion divine, loin de tout, elle voulait trouver la Paix. La prière terminée, l’enfant lui remit le bébé qui commençait déjà à s’impatienter depuis quelques minutes. C’est un souvenir mémorable. La splendeur de la prière nourrit mon cœur ce jour-là et je n’ai pas oublié. C’est comme si elle priait pour me montrer. Il n’y avait personne d’autre à part elle. Plus tard, je me souviens également d’un musulman qui faisait très attention à ce qu’il n’y ait aucune tache sur son thawb10, car il priait avec. « Il faut qu’il soit blanc méticuleux. Je me dois de porter des habits propres devant Allah. »

En Jordanie, j’ai été touchée par la galanterie et la protection propres à l’islam que les hommes ont envers les femmes. « Les hommes sont les mainteneurs des femmes. »11 Elles sont traitées différemment des hommes, avec plus de douceur, de courtoisie et d’attention. Une femme ne reste pas debout dans les petits bus blancs, le chauffeur va immédiatement demander à un des hommes de se lever. À Wasatoul-Balad (le centre-ville), il n’y a pas de marchandes – excepté peu de dames d’un certain âge qui vendent leurs produits dans la rue – mais que des marchands. Les chauffeurs de taxi et de bus sont aussi des hommes. Les femmes sont invitées à s’asseoir lorsqu’elles attendent, même si c’est seulement pour quelques secondes. Si elle oublie de prendre un panier lorsqu’elle fait ses achats, un homme va lui apporter. Lorsqu’elle veut passer devant un groupe d’hommes, ceux-ci mentionnent aux autres de faire de la place. Ils lui montrent de l’attention même lors des achats qu’elle faits et une couleur qui pourrait lui plaire lui est proposée. « Faites preuve de douceur avec les flacons de verre. »12

En Occident, nombreux sont les musulmans sans cesse en quête du divin. Ils accueillent les chouyoukh et les chaykhate d’autres contrées de la meilleure des façons ; ils leur donnent tout leur amour, font preuve d’une grande générosité, d’une hospitalité remarquable. Ils ont si soif d’apprendre et de partager la compagnie de ceux qui en savent plus, de ceux qui ont été en contact avec les érudits et les ahloul-bayt ! Leur sincérité est réjouissante et touchante. Ils se rendent véritablement compte de la beauté de l’islam, car ils ne vivent pas dans un environnement islamique.

Chacun de ces peuples a des qualités du Prophète . L’islam pare les vertus de ses plus beaux atours. Partager leur compagnie, c’est partager celle du Prophète et avoir un avant-goût des magnifiques qualités qu’il possède. Et enfin, à Médine c’est une véritable rencontre avec le Prophète qui est vécue. Il y a une paix et une douceur indescriptibles que l’on ressent dans la mosquée an-Nabawi qui n’ont pas leurs pareilles ailleurs. Notre Bien-Aimé est là, il est vraiment là. On ne peut pas en être plus proche. En quittant l’hôtel et en s’approchant, le cœur se languit déjà, crie, les larmes coulent, l’âme n’en peut plus de cette attente et de cette séparation de quelques heures ; le cœur s’apaise enfin à l’entrée du haram, de nouveau réuni avec cette lumière protectrice et apaisante. C’est un sentiment de sécurité, comme si rien ne pouvait nous arriver, on ne veut être nulle part ailleurs, Allah prend soin de nous et nous sommes en compagnie du Prophète . Les prières ne peuvent être qu’exaucées. Tout est possible. Tout peut changer. Notre foi prend une autre dimension.

Passer notre vie à essayer de lui ressembler ne ferait pas justice à tout ce qu’il nous a donné, mais pourtant cela rendrait nos vie tellement plus précieuses et agréables ! Qu’Allah nous donne la force et la motivation de nous y tenir, amen.


Notes : 

Maryam Szkudlarek vit en Jordanie où elle continue ses études de la langue arabe à l’université Wise. Elle enseigne également cette langue aux adultes et aux enfants. Elle est l’auteure des Perles du Ciel de Tarim qui relate son expérience au Yémen de 2013 à 2015 et de nombreux autres articles.

1 Sing. maqam. Ici, tombes.
2 Pieux.
3 Prière dans le sens d’invocation.
4 Celles qui viennent tous les jours dans le haram.
5 La rupture de jeûne.
6 L’école islamique.
7 La famille du Prophète.
8 Les proches et aimés de Dieu.
9 Ceux qui suivent l’imam dans la prière.
10 L’habit long.
11 Sourate an-Nissa verset 34. Il y a plusieurs interprétations du mot « qawamoun » ; l’idée est que l’homme est le pilier sur lequel la femme peut se reposer, il est responsable, ferme et droit comme la racine du mot « qawam » le montre.
12 Hadith du Prophète .

Les Perles du Ciel de Tarim - Découverte :

Maryam Szkudlarek est une de nos sœurs qui, après avoir accepté l’islam, a décidé de consacrer son temps à la quête de sagesse et des enseignements islamiques. Dans ce cadre, elle se rendit au Yémen à Tarim où elle passa deux ans et demi. Elle rédigea un livre fort touchant sur l’expérience qu’elle y a vécue dont la deuxième édition va être sous peu publiée.
Maryam Szkudlarek
Auteur

Pourquoi as-tu choisi le Yémen ?

J’étudiais l’arabe à Londres à mi-temps, car je travaillais l’autre moitié du temps et je n’étais pas satisfaite. Je désirais plus. Une de mes enseignantes me recommanda Tarim, après avoir demandé autour d’elle. Elle avait elle-même étudié en Syrie et en Égypte, mais la situation ne permettait pas que je m’y rende à ce moment-là. Le Yémen ne me faisait pas peur, cela fait bien longtemps que je n’ai plus confiance en les médias, mais c’est vrai que c’est étonnant de commencer par ce pays arabe si lointain et inconnu au lieu de tous les autres qui sont plus ouverts et proches de notre culture. Cependant, je ne dirai pas que j’ai « choisi » le Yémen entre d’autres. C’est, en fait, le seul choix qui m’avait été proposé et après avoir cherché un peu plus sur Tarim, j’ai été fascinée par l’endroit qui regorge de membres de la famille du Prophète Muhammad ﷺ, et je n’ai pas cherché plus loin. Puis, j’ai prié l’istikhara et tout s’est mis en place petit à petit.

Pourquoi « Les Perles du Ciel de Tarim » ?

Le ciel me fascinait au Yémen. Il est impressionnant, grand, étendu, dégagé il n’y a rien qui cache la vue ; seulement peuplé de milliers d’étoiles brillantes. Je me disais souvent que ces étoiles étaient hors du commun et qu’elles méritaient d’être connues tout comme les sagesses de Tarim et j’ai donc combiné les deux dans le titre.

Pourquoi as-tu choisi d’écrire un livre sur ta vie là-bas?

Au bout de quelques semaines d’émerveillement, je me suis dit que je ne devais pas perdre ces « Perles », que ma mission était de les partager. Il n’y a pas de coïncidence dans la vie, je n’étais pas là par hasard. Donc, j’ai commencé à écrire un journal intime quand j’en trouvais l’occasion. Une des enseignantes à Tarim m’avait offert un beau, volumineux cahier rose fleuri et c’est celui que je choisis pour écrire mon aventure.

À qui le livre est-il adressé ?

À tous ceux qui ont un intérêt pour la découverte d’autres cultures, de Tarim et aussi de l’islam. J’espère de tout cœur que mon récit pourra aider les étudiants des sciences islamiques qui vivent ou ont vécu la même situation que la mienne, à se retrouver et à s’identifier. Parfois certaines circonstances créent des doutes en nous en ce qui concerne notre foi, l’islam et notre véritable rôle à jouer dans ce monde, et en prenant connaissance des épreuves que d’autres ont traversées, on trouve la force de continuer et de se repositionner sur ce chemin unique et incroyable qui est la quête de Dieu. J’aimerais aussi que cette lecture accompagne les personnes désirant se convertir à l’islam et les motive à entrer dans notre grande famille.

Si tu pouvais prendre une chose que les habitants de Tarim possèdent, que serait-ce ?

L’adab ! Le beau comportement, sans hésitation. J’admire tant ces cultures qui ont du respect pour la religion, les parents, les enseignants, les personnes âgées et les endroits sacrés ! Je dis « ces cultures », car je n’ai pas seulement appris de la culture tarimienne, mais peut-être même plus des cultures malaisiennes et indonésiennes qui sont extrêmement polies et respectueuses. Cela m’a permis de constater ce qu’il nous manquait en Occident. Nous nous sommes beaucoup éloignés de la nature véritable de l’être humain qui est de s’émerveiller devant plus grand et plus érudit que soi. Nombreuses sont les activités des enfants et des adultes qui n’apportent aucune richesse spirituelle ; on devrait peut-être plutôt passer, tous ensembles, quelques semaines/mois à apprendre de ces peuples si souriants, innocents et généreux.

Qu’est-ce que tu as trouvé plus facile là-bas que dans d’autres cultures/pays et plus difficile ?

J’ai vécu dans quatre pays différents avant le Yémen, tous en Europe. Le Yémen est le premier pays du Moyen-Orient dans lequel j’ai vécu et bien-sûr le choc culturel a été dur. Néanmoins, Tarim n’est pas le Yémen non plus. C’est une ville particulière dans une région fortement attachée à la tradition locale. Le Nord du Yémen où Sana’a et ‘Aden se trouvent, ont certainement des cultures et des coutumes bien distinctes et peut-être plus souples. Pour en revenir donc à mon expérience plus technique, mon inscription à Dar az-Zahra n’a nécessité aucune formalité, ni conditions particulières, ni diplômes spécifiques. La motivation suffisait ce qui m’a énormément plu. Le contact avec les gens est très simple, même avec ceux qui ont une certaine position dans la société. On se sent à l’aise tout de suite. On peut retourner chez soi, pour des vacances, quand on veut, même en plein milieu du trimestre, l’administration ne va pas poser de questions. Pour certaines étudiantes, la difficulté était de ne pas pouvoir sortir de Dar az-Zahra excepté pour la sortie mensuelle chez la famille ou les amies. Ce règlement s’applique aux femmes non-mariées. À Dar al-Moustafa, les étudiants célibataires peuvent sortir. Les femmes et les hommes célibataires doivent vivre dans les instituts, seulement les familles peuvent vivre à l’extérieur et louer ou acheter leur maison. Les hommes sont extrêmement protecteurs envers les femmes, ce que j’ai beaucoup apprécié ; c’est une qualité essentielle que les hommes, pour beaucoup, ont gardé dans cette partie du monde.

Le peuple, d’une manière générale, n’a pas d’à priori sur les autres pays ou cultures. Personne n’a jamais relevé d’une manière négative que je sois du pays d’où je viens. Ils sont immensément ravis de rencontrer des frères et sœurs venus de loin. Il n’y a pas beaucoup de règles sociétales. Ce qui est bien et moins bien ! On peut attendre le taxi pendant des heures sans exagération. Il nous dit d’attendre, qu’il est sur la route… Des demi-journées sont gaspillées à attendre des gens, des papiers ; des rendez-vous sont annulés sans préavis… Il n’y a pas d’ordre et de système établi pour éviter ce genre de désagréments. Même s’ils sont parfois agacés, les locaux sont habitués, ils vivent comme cela.

La culture yéménite est éloignée de la culture française ou occidentale et c’est vrai que cela peut froisser. Notre culture influence invariablement la façon dont nous percevons la société, les rôles des hommes et des femmes, la famille… Il faut s’attendre à ne pas être toujours compris. Néanmoins, l’islam a plusieurs facettes et cela m’a pris du temps de comprendre ce point si essentiel.

Y a-t-il un aspect de ton séjour que tu aurais aimé améliorer ?

La nourriture. Je ne me suis jamais autant rendue compte de l’importance de bien manger que là-bas. Les repas sont – ou devrais-je dire « étaient » car il y a eu des améliorations de ce côté-là ainsi que sur d’autres éléments – très basiques à Dar az-Zahra, pas assez riches en nutriments. J’avais beaucoup de carences, qui provoquaient des trous de mémoire, je mémorisais et j’oubliais ; j’étais souvent malade et faible. Une bonne alimentation est essentielle à tout moment et surtout lorsque l’on étudie. Néanmoins, ce monde n’est jamais parfait. Lorsqu’Allah enlève un élément, Il enrichit une autre partie, et à Tarim, c’est la spiritualité et l’amour pour le Prophète ﷺ) – la nourriture pour le cœur – qui est présente en abondance.

Recommanderais-tu cet endroit aux musulmans de France pour de longues études comme tu l’as fait, ou pour une simple visite de quelques jours ou semaines ?

Tout dépend de ce que la personne recherche. Je ne recommanderais pas à un nouveau converti qui a très peu de connaissances de la religion (comme je l’étais quand je m’y suis rendue) d’y aller avec l’intention d’étudier à Dar az-Zahra ou à Dar al-Moustafa. La connaissance de l’arabe avant de s’y rendre est primordiale ainsi que celle de l’islam. La culture islamique de Tarim lui est propre et ce n’est pas celle que l’on retrouve ailleurs ; si l’on n’a pas de connaissances de fiqh et une certaine lucidité et souplesse quant à la pratique de la religion où que l’on se trouve, le séjour risque d’être difficile et déroutant. Tarim est un centre spirituel de haut niveau. La découverte de la religion doit se faire dans son environnement et sa culture ou dans une atmosphère proche de ceux-ci avec des enseignants qualifiés donneurs de bons conseils.

Quant à celui qui cherche à se perfectionner, il pourra trouver son bonheur dans une aventure comme celle-ci.

En revanche, la dowra en juillet est un stage extraordinaire pour tout le monde. Les cours sont dispensés par des érudits et traduits en plusieurs langues. L’emploi du temps est beaucoup plus agréable et relâché.

En ce qui concerne une simple visite, elle est bonne à faire tout au long de l’année, car Tarim a des secrets à dévoiler pour chacun à n’importe quel moment. Tous les mois pratiquement, il y a un événement à fêter. Mon conseil serait de la faire durant le mois de rabi’ al-awwal qui est un mois exceptionnel. Je n’ai pas revécu ce mois béni avec tant d’intensité, de lumière et d’amour depuis. Le mois du ramadan est aussi un mois magnifique à Tarim, surtout quand il coïncide avec la dowra.

Qu’est-ce qui t’as poussée à rester là-bas si longtemps malgré les difficultés ?

Je ne me voyais pas retourner en Europe avec si peu de bagages. Mon intention était de rester au moins cinq ans ! Je ne savais pas où aller pour continuer mes études et Tarim était toujours mieux que ce que j’avais auparavant. Je voulais également me dépasser. Si l’on baisse les bras à chaque difficulté, on risque de ne pas aller bien loin dans la vie. Lorsque la Jordanie m’a été proposée, j’ai pris les devants et une nouvelle porte s’est ouverte. Cette attente a été une bénédiction, car de nombreuses prières que j’avais faites à Tarim durant ces deux ans et demi se sont réalisées dans ce magnifique pays qu’est la Jordanie.

Que veux-tu transmettre par ce livre ? Qu’aimerais-tu que l’on retienne le plus ?

J’aimerais faire connaître un univers bien différent de ce que l’on peut s’imaginer, et aller à l’encontre du courant négatif et malveillant qui prône la haine et la peur. Le monde est en réalité bien plus beau que ce que l’on entend. Nous ne devons pas laisser les médias, la société, le système éducatif ou autre décider de la façon dont nous percevons les autres cultures, religions… L’islam est magnifique et engendre des êtres bons et désintéressés. Le Yémen n’est pas qu’un pays en guerre ! C’est une terre incroyable, dotée d’une histoire et d’un peuple hors du commun. Il y a tant à découvrir ! Les choses ne sont jamais comme elles paraissent et c’est une des leçons les plus importantes que l’islam nous apprend au quotidien. J’aimerais que les lecteurs soient transportés par ce monde inconnu et qu’ils réfléchissent. J’aimerais tant que notre vision « de l’autre », que l’on a où que l’on se trouve, change de manière positive !

Et en ce qui concerne les musulmans particulièrement, et encore plus spécifiquement ceux d’Occident, j’aimerais faire passer un message : la bonne compréhension et pratique de l’islam n’est pas réservée qu’à un seul groupe. D’après mon expérience, il est incroyable de constater que les musulmans les moins tolérants entre eux et avec les autres sont ceux d’Occident, alors que leur environnement est on ne peut plus libéral ! C’est un paradoxe qui me pousse à penser qu’étant dénués de culture islamique, les musulmans occidentaux se créent une identité islamique rigide – qui n’existe pas dans le monde musulman – et tous ceux qui ne s’y conforment pas sont rejetés en tant qu’amis ou connaissances et parfois même carrément en tant que musulmans ! Allah ne nous a pas tous créés de la même manière ; les personnalités et les besoins sont différents. Tant que l’on ne va pas à l’encontre des points qui ne peuvent être altérés dans la religion, chacun a le droit de vivre son islam de la manière qui lui correspond le mieux. Il n’y a aucune nouveauté de ce côté-là.

Pourquoi une deuxième édition ? Quelle est la différence avec la première ?

Le premier livre a été auto-édité, même si mes amies et moi avons passé beaucoup de temps à le peaufiner, il restait des coquilles et la mise en page n’était pas excellente. De plus, le prix du livre était cher, peut-être à cause des photos en couleur. Pour ces raisons, peu de temps après sa publication, je pensais déjà à une deuxième édition. Alhamdoulillah, quelques semaines plus tard, je m’entretenais avec la maison d’édition Halfa qui acceptait de le republier. Il n’y a pas de grands changements, mais seulement des petits ajouts et retraits. Le deuxième tirage n’a pas de photos – elles seront dorénavant disponibles sur le site de Halfa –, le prix est plus abordable ; il y a deux dates supplémentaires et la couverture est légèrement différente. La première édition a la particularité d’avoir été un travail de collaboration unique de frères et de sœurs non-professionnels dont la sincérité et les prières pour le succès du projet ont porté leurs fruits à travers la deuxième édition améliorée. Qu’Allah récompense les lecteurs pour leur enthousiasme et leur contribution quelle qu’elle soit, amen.

Une fois la nouvelle édition du livre disponible, nous vous enverrons le lien par email.
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