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L’importance et le caractère unique de l’Isnad

Par Sheykh Muhammad Daniel [1]

 

ISNAD

 

En vérité, Allâh, à qui toutes les louanges et les remerciements reviennent, a béni cette Ummah par l’honneur de l’isnad [2]. C’est cette chaîne continue et ininterrompue qui sert à préserver et protéger cette Ummah (communauté) de toutes faussetés. C’est une caractéristique unique et saillante de cette Ummah et aucune autre nation dans le passé n’en a jamais bénéficié. Al-Khatib al-Baghdadi rapport dans son livre « Sharaf Ashaab al-Hadith »  (L’honneur des gens du Hadith) cette parole de Muhammad ibn Hatim Ibn Muzafar :

« Certes, Allâh a béni, honoré et privilégié cette Ummah par l’Isnad et jamais aucune Ummah n’a avant ou après bénéficié de cette bénédiction, au contraire les livres qu’ils ont entre leurs mains sont un mélange de paroles. Ils ne possèdent aucun moyen de différencier entre ce qui a été révélé à leurs Prophètes dans la Torah et la Bible et ce qui a été mentionné et prit de ceux qui n’étaient pas dignes de confiance. Cependant, cette Ummah ne sélectionne que les récits de ceux qui ont été loyaux et qui sont bien connus à leur époque pour leur honnêteté et leur fiabilité et qui ont pris de ceux qui ont des qualités similaires à celles qu’ils possèdent eux-mêmes ; et ainsi de suite jusqu’à la fin de la narration. Ces récits sont ensuite étudiés avec la plus grande diligence afin d’identifier :

– quel narrateur a la mémoire la plus forte,
– quel narrateur est le meilleur dans l’enregistrement des narrations,
– quel narrateur a passé le plus de temps en compagnie des contemporains de qui il rapporte.

Puis, le texte lui-même est analysé sous plus de vingt angles différents permettant à chaque écrit d’être comparé aux autres. N’est-ce pas là l’un des plus grands bienfaits qu’Allâh ait accordé à cette Ummah? »

Je souhaiterais maintenant fournir une brève compilation de citations de grands Muhadithin et Salafs (qu’Allâh leur fasse Miséricorde) :

1) L’Imam ash-Shafi’i a dit : « L’exemple de celui qui est en quête de Hadith sans Isnad est semblable à celui d’une personne qui recueille du bois dans la nuit, le transporte en fagot et se fait mordre par le serpent qu’il contient sans même sans rendre compte. » [3]

2) L’imam Abdullah ibn al-Moubarak a dit : « La chaîne de transmission (Isnad) fait partie de la religion et s’il n’y avait pas l’Isnad, chacun dirait ce qu’il veut. »

3) L’imam Ahmad ibn Hanbal a dit : « Chercher l’Isnad le plus élevé est une Sunna de nos Salafs »

4) L’imam Yazid ibn Zari disait : « Dans toute religion il y a eu des chevaliers et les chevaliers de cette Ummah ce sont les gens des Asaneed (chaines de transmissions) »

5) l’Imam Sufyan at-Thawri disait : « L’Isnad est l’arme d’un croyant. Si quelqu’un ne possède pas d’arme, avec quoi peut-il donc combattre ? » Et il disait aussi : « Développez-vous dans le Hadith car c’est une arme ».

6) L’imam Az-Zuhri a dit : « Les asaneed sont les escaliers par lesquels nous atteignons les textes classiques) ».

7) Le Sultan Ibrahim ibn Adham a dit : « En vérité, si Allâh fait miséricorde à cette Ummah c’est en raison des voyages des gens du Hadith »

8) Ibn Arabi a dit : « En effet, Allâh a béni cette Ummah par l’isnad qu’Il n’a jamais donné à autrui. Donc, soyez prudents et n’adoptez pas les chemins des Juifs et des Chrétiens en rapportant sans Isnad, confisquant ainsi cette générosité qu’Allâh vous a accordée ».

9) Sheykh Mohammed Ibn Aslam al-Tusi a dit : « Etre proche avec l’Isnad c’est être proche avec Allâh, car il ne fait aucun doute qu’être proche de notre Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalaam) c’est être proche d’Allâh ».

10) Le Musnid de son temps, Abdul Hay al-Kittani a dit : « Plus les Isnad d’un narrateur sont élevées, plus ils sont proches de l’Apôtre d’Allâh  ».

11) Ibn Rahmoun a dit : « Dans le passé et il y a encore peu de temps, chercher l’Ijazah faisait partie de la Sunna du Savant du Hadith dans le but de préserver la tradition de l’isnad et donc de la Shari’ah. Cependant, nous sommes à une époque où cela a été oublié et dans laquelle l’Ijazah et le Sanad ont été négligés car les savants ont cru que la connaissance ne se trouvait que dans l’enseignement et dans l’excellence ».

12) L’imam Abou Nasr Ahmad ibn Nasr al-Faqih a dit : « Il n’y a rien de plus pénible pour les gens de déviance (ilhaad), ni de plus méprisé par eux que l’audition de Hadith et de leur narration avec Isnad ».

13) Des gens vinrent visiter l’imam Yahya ibn Mu’in alors qu’il souffrait dans sa dernière maladie juste avant sa mort et ils lui demandèrent ce qu’il désirait. Il répondit : « Une maison vide et à une chaîne élevée ».

14) Alors que Sheykh Abou Bakr Ahmad ibn Ishaq donnait un jour un cours à une personne, celle-ci commença à narrer un hadith en disant : « Il a dit … » L’homme l’arrêta et lui dit : « Jusqu’à quand allez-vous continuer à dire cela, arrêtez de dire « Il a dit … » (en narrant des Hadith). Le sheykh lui dit alors : « Levez-vous kafir (mécréant) et il vous est désormais interdit de revenir dans ma maison. Puis il regarda les élèves et leur dit : « Je n’ai jamais interdit à quiconque de pénétrer dans ma maison, cette personne est la seule ».

15) En résumé, moi, Muhammad Daniel, humble serviteur d’Allâh dit :
Il suffit à l’honneur des Croyants (Mu’min) que leur nom soit à jamais lié aux noms des plus grands savants de la Ummah.

Et il suffit à l’honneur et la bénédiction des Mu’min que leur nom soit lié à celui de la personne la plus honorable et bénie de cette Ummah. N’est-il donc pas étrange que nous trouvions aujourd’hui des Musulmans qui rejettent la narration avec Ijazah et l’Isnad, alors que cela demeure une lumière pour la Ummah ?

 

Notes :

[1] Article en provenance de l’Académie de Sciences Islamiques Classiques de Cordoba

[2] Isnad : Dans la transmission des Sciences Islamiques il s’agit des chaines de transmission reliant les élèves à leurs maitres. Cette chaîne permet d’authentifier si la personne qui enseigne telle ou telle science l’a bien reçue d’un maître (sheykh) authentique l’ayant lui-même reçue d’un maître, etc. Ce sont ces mêmes chaines qui ont permis de protéger les Hadiths de toute falsification et invention. En effet cette chaîne des rapporteurs et la fiabilité que l’on attribue à ceux-ci permettent d’évaluer le degré de recevabilité du Hadith, du Récit, du livre, ou de la parole rapportée. Ainsi, les savants sont reliés entre eux, d’élèves à professeurs, jusqu’aux Salafs, qui sont eux-mêmes reliés au Prophète Muhammad [saw], qui est relié à l’ange Jibril [as], qui est relié à Allâh ta’ala.

[3] Le Mufti Muhammad ibn Al-Kawthari explique que cela signifie qu’il recueille et rassemble tous types de narrations, qu’elles soient authentiques ou forgées.

L’apprentissage auprès d’un enseignant et l’importance de l’Isnad      

Par le Mufti
  Muhammad ibn Adam Al-Kawthari

 
APPRENDRE

 

Question :

J’ai lu un de vos récents articles et je voulais savoir quelle est la condition légale nécessaire pour que quelqu’un soit  considéré comme un savant compétent de qui nous pouvons prendre la Science? L’Isnad [1] constitue-t-elle l’une de ces exigences et existe-t-il des sources qui prouvent cela?

Aussi, j’ai remarqué que l’Isnad n’est généralement pas mentionnée par les savants comme une condition préalable pour que quelqu’un soit considéré comme un mujtahid [2]. Peut-on être autodidacte?

Réponse :

Au nom d’Allâh, le Très Clément, le Très Miséricordieux,

Votre question comporte deux aspects. Le premier concerne l’importance de la chaîne de transmission (Isnad / Sanad) pour relier les connaissances Islamiques, et le second concerne le statut de l’apprentissage auprès d’un enseignant qualifié. Je vais essayer de faire la lumière, insha Allâh, sur ces deux sujets à la lumière du Coran, de la Sunnah et des déclarations des savants traditionnels.

L’Isnad (chaîne de transmission)

Allâh le Tout-Puissant a honoré la Oumma du meilleur de la création, notre maître Muhammad, par de nombreuses caractéristiques exceptionnelles qui n’ont été données à aucune autre nation avant la nôtre.

Parmi ces faveurs se trouve la caractéristique unique et inégalée de l’Isnad dans la transmission des  diverses Sciences de la connaissance Islamique. L’Isnad était considéré par les Musulmans des 1ères générations (Salaf) comme la première et principale condition pour transmettre n’importe quel aspect de la Shari’ah, même s’il s’agissait de ne rapporter qu’un mot.

En complément, Allâh le Très-Haut a tenu Sa promesse de préserver la Religion (Dine) comprenant le livre d’Allâh, la Sunnah du bien-aimé d’Allâh et les diverses Sciences Islamiques qui sont indispensable pour les comprendre.

Allâh le Très-Haut a dit :

« C’est Nous, en vérité, qui avons révélé le Message, et c’est Nous qui en assurons l’intégrité. » [3]

Le « Message » ici fait référence au livre d’Allâh ainsi qu’à la Sunnah de Son Messager béni, car quoi que dise le Messager d’Allâh, cela provient d’Allâh Tout-Puissant, comme Allâh le Très Haut l’a dit :

« Et il (le Messager d’Allâh) ne dit (aught) rien sous l’effet de la passion. Ce n’est en fait qu’une révélation (wahi) inspirée. » [4]

Le Messager d’Allâh s’expliqua à la fois verbalement et de manière pratique le contenu du livre d’Allâh. Le Coran est très ambigu et limité dans l’énoncé des Lois de la Shari’ah, et la fonction du Messager d’Allâh fut d’expliquer ces préceptes.

Allâh le Très-Haut dit à son Messager :

« Et à toi aussi, Nous envoyons ce Message (Coran), afin que tu expliques clairement aux hommes ce qui leur a été révélé. » [5]

Ainsi, la promesse de préserver le Dine ne se limite pas au Coran, mais plutôt elle englobe la Sunnah, la façon dont les Compagnons l’ont comprise (qu’Allâh soit satisfait d’eux tous) et la compréhension de ceux qui ont pris d’eux.

L’Isnad est une caractéristique unique du Messager de la Oumma d’Allâh. Aucune autre nation, religion ou communauté ne peut revendiquer ou se vanter d’avoir une analyse aussi rigoureuse des différents aspects de sa croyance.

Les premiers savants Musulmans ont examiné et analysé chacune des déclarations qui leur sont parvenues, qu’il s’agisse de déclarations du Messager d’Allâh, de ses Compagnons (qu’Allâh soit satisfait d’eux tous) ou de quelqu’un d’autre. Ils ont étudié la vie et le caractère de ceux qui faisaient partie de la chaîne de transmission (isnad) de la manière la plus stricte possible.

Ainsi, la Oumma a été témoin de l’apparition extraordinaire de la « science de l’étude des rapporteurs de Hadith » (Rijal al-Hadith) qui était sans précédent et demeure sans équivalence aujourd’hui encore. L’enregistrement des noms, dates de naissance, dates de décès, des qualités et des caractéristiques de milliers et de milliers de personnes est quelque chose que seuls les Musulmans possèdent.

Des livres comme Tahzib al-Kamal d’al-Mizzi, Tahzib al-Tahzib d’Ibn Hajar al-Asqalani, Mizan al-I’tidal d’ad-Dhahabi et Lisan al-Mizan d’Ibn Hajar ne sont que quelques exemples de cet extraordinaire phénomène. Il y existe aussi des livres consacrés à la préservation de la biographie des Sahaba, comme Tabqat d’Ibn Sa’d, al-Isti’ab d’Ibn Abd al-Barr, Usd al-Ghaba d’Ibn al-Athir et al-Isaba d’Ibn Hajar, dans lesquels sont traitées les biographies d’environ dix mille compagnons (qu’Allâh soit satisfait d’eux tous).

L’Imam Abd Allâh ibn al-Mubarak a dit [6] :

« La chaîne de transmission (Isnad) fait partie de la religion et s’il n’y avait pas l’Isnad, chacun dirait ce qu’il veut. Quand il est dit (à celui qui parle sans Isnad) : “Qui vous a informé? ” Il reste muet et déconcerté ». [7]

Il (Abd Allâh ibn al-Mubarak) a également déclaré :

« Celui qui souhaite approfondir son dine sans Isnad est semblable à celui qui monte sur le toit sans échelle. »

Soufyan at-Thawri a dit :

« L’Isnad est l’arme d’un croyant. Quand quelqu’un ne possède pas d’arme, alors avec quoi combattra-t-il ? »

Sayyidina Imam Shafi’i a dit :

« L’exemple de celui qui est en quête de Hadith sans Isnad est celui d’une personne qui recueille du bois dans la nuit. Il porte un fagot de bois ne sachant pas qu’il y a un serpent dedans. » (Ce qui signifie qu’il recueille et rassemble tous types de narrations, qu’elles soient authentiques ou forgées).

Baqiyya ibn al-Walid relata une fois à Hammad ibn Zaid certains récits qui étaient dépourvus d’Isnad. Hammad déclara alors : « Si seulement ils avaient des ailes »[8]

L’Imam Ibn Taymiyya a déclaré :

« L’Isnad est une caractéristique unique de cette Oumma et de l’Islam. Et parmi les Musulmans, c’est une spécialité de Ahl al-Sunna wa al-Jama’a. »

(Les déclarations ci-dessus ont été répertoriées par Sheykh Abd al-Fattah Abu Ghudda dans son excellent ouvrage, al-Isnad min al-Din p. 18-20)

Ces exemples, et il existe encore bien d’autres déclarations similaires des prédécesseurs, impliquent que les premiers Musulmans considéraient l’Isnad comme indispensable dans l’acquisition de la Science. Tant et si bien que même pour rapporter une seule parole dans leurs livres, ils mentionnaient toute une chaîne de transmission qui portait sur trois ou quatre lignes.

Il n’a pas été fait mention de l’Isnad que dans la transmission des traditions Prophétiques (hadith), mais plutôt dans toutes les formes de savoir, comme l’exégèse du Coran (tafsir), les histoires de pieux et des croyants, les événements historiques, etc.

Après que les traditions Prophétiques furent recueillies dans les grandes compilations, comme le Sahih d’al-Bukhari, le Sahih de Muslim, etc. ainsi que dans d’autres compilations dans diverses autres Sciences Islamiques, il ne fut plus jugé nécessaire de rattacher chaque déclaration avec une chaîne de transmission remontant à sa source d’origine. Il était alors suffisant d’avoir une Isnad ou Sanad se rapportant à l’auteur. L’Isnad de l’auteur remontant à la source d’origine étant mentionnée dans son livre.

Jusqu’à ce jour, nous avons des savants du monde entier qui rapportent les traditions Prophétiques et les autres branches du savoir Islamique avec une chaîne qui remonte aux auteurs des livres respectifs.

Les six grands livres de Hadith sont généralement enseignés avec une Isnad qui remonte à leurs auteurs, et qui va d’eux au Messager d’Allâh. De nombreux savants sont connus pour avoir voyagé et avoir parcouru de longues distances en vue d’acquérir des Ijazah [autorisations] et une forme supérieure d’Isnad.

En termes d’Isnad, s’agissant des traditions prophétiques (hadith), les savants du sous-continent indien sont (probablement) au premier rang. On accorde là-bas une attention particulière à la science du Hadith et presque tous les élèves qui étudient dans les différentes institutions Islamiques (Dar al-Uloom) sont bénis d’une Isnad dans chacun des grands livres de Hadith. Il est connu que même les grands savants Arabes voyagent en Inde et au Pakistan en vue d’acquérir des Ijazah et des Isnad des grands maîtres du Hadith.

En ce qui concerne les autres branches scientifiques telles que la science du Tajweed, le Fiqh, etc, il est connu que les savants Arabes sont au premier rang dans la transmission et l’enseignement des différents livres avec Isnad.  Les grands savants en Syrie et ailleurs, ont une chaîne dans la récitation et la mémorisation du Coran qui remonte au Messager d’Allâh via l’ange Jibril depuis Allâh Tout-Puissant Lui-même.

Les livres majeurs de Fiqh Hanafi (et des autres écoles Juridiques) sont enseignés avec une Isnad/Sanad remontant à leurs auteurs et à Sayyidina Imam Abu Hanifa  rahimahullaah.gif lui-même. Les livres dans les autres sciences sont également enseignés et liés d’une manière similaire.

En conclusion, l’Isnad (ou Sanad) est une caractéristique unique par laquelle notre Oumma a été bénie. L’Isnad a toujours été considérée comme étant indispensable à l’enseignement et la recherche du Savoir. Les savants mentionnent que même aujourd’hui, l’acquisition des connaissances doit se faire auprès d’un savant qui a une chaîne de transmission, ou au moins avec un professeur qui a été élève d’un tel savant. Avoir une chaîne de transmission complète n’est pas un pré-requis pour l’enseignement. Cependant, ce qui est nécessaire, c’est que celui de qui on prend le savoir, soit parmi ceux qui ont étudié auprès d’autres Shouyoukh. Ceci est discuté dans la section suivante.

L’apprentissage auprès d’un enseignant qualifié


Allâh le Très-Haut a créé l’homme différent des animaux. Contrairement à l’homme, les animaux ne sont pas dans le besoin d’un enseignant ou d’un formateur. Nous observons par exemple que, quand un poisson nait, il commence automatiquement à nager sans qu’on ne lui ait appris à le faire. S’il venait l’idée à un homme de prendre exemple sur le poisson et de jeter son bébé nouveau-né dans la rivière pensant qu’il va se mettre à nager, on dirait de cette personne qu’elle est folle ; autant un poisson n’a pas besoin d’un instructeur pour lui apprendre à nager, autant un homme a besoin d’un tuteur pour lui apprendre à nager.

Prenez l’exemple du poussin nouveau-né, au moment où il sort de l’œuf, il commence à grignoter des aliments sans qu’on le lui ait appris. Toutefois, un bébé humain ne saura pas comment manger avant qu’on lui ait enseigné de façon pratique comment consommer les divers types d’aliments.

Il s’agit de la Sunnah (la Voie) d’Allâh Tout-Puissant qui a façonné des êtres humains de telle sorte qu’ils sont dans le besoin de formation pratique auprès d’un professeur pour l’apprentissage de toutes  sciences, techniques ou métiers. Du moment où l’on nait, on a besoin d’enseignement pratique et de conseils, et ce, dans tous les aspects de la vie.

Il y a un consensus quasi total sur le fait qu’il soit littéralement impossible de maîtriser une science ou un art dans ce monde sans les conseils et la tutelle d’un enseignant qualifié avec lequel apprendre en mettant en pratique les principes fondamentaux de cette science. Il n’est pas possible d’acquérir une expertise dans un domaine à moins de se soumettre à la direction d’un enseignant.

Prenez par exemple la science de la médecine. Si quelqu’un se mettait à imaginer qu’il lui suffirait de lire et d’étudier les livres sur la science médicale dans le confort de sa maison, pour ainsi devenir  un médecin, alors pratiquement tout le monde considérerait que cette personne à perdu la raison. Si cette personne devait effectuer un acte chirurgical sur un patient ou commençait à traiter les gens, il est alors certain que ses patients ne se retrouveraient nuls  par ailleurs que dans un cimetière!

Même si cette personne est très talentueuse et compétente, la direction d’un tuteur est indispensable. Supposons que cet individu soit capable de comprendre les livres de la science médicale et qu’il maîtrise la langue dans laquelle les livres sont écrits, il ne sera malgré tout toujours pas autorisé à travailler en tant que médecin ou chirurgien tant qu’il n’aura pas étudié sous la direction d’une personne qualifiée dans le domaine de la science médicale. Aucun gouvernement ne permettra à  cette personne d’accéder à la profession médicale, en raison du fait qu’il n’a pas suivi la méthode requise pour maitriser cette profession.

C’est la même chose avec toutes les autres sciences du monde qui nécessitent la direction d’un enseignant. Personne ne vous autorisera à pratiquer le droit tant que vous n’aurez pas fréquenté une école de droit et apprit auprès d’un avocat qualifié. Ce qui est valable pour les sciences majeures, l’est même pour un art comme la simple cuisine dont la maitrise ne s’obtient pas uniquement par la simple lecture d’un livre. Il existe plusieurs livres publiés qui expliquent les méthodes de cuisson des différents types d’aliments. Si une personne qui n’a jamais cuisiné de sa vie, cuisinait en se contentant de la lecture de la procédure de cuisson mentionnée dans le livre, alors vous pouvez imaginer quel pourrait être le résultat!

En fait, l’homme est ainsi fait qu’il est incapable d’acquérir des connaissances simplement à partir des livres à moins qu’il ait un professeur et un guide pour le former et le guider. Il a besoin de rester en compagnie d’un professeur qualifié qui puisse l’aider et l’assister dans chacune des étapes et qui le préserve des erreurs qui peuvent être commises. Cela s’applique à toutes les sciences, aux arts et métiers, et les sciences sacrées et religieuses ne font pas exception. Il n’est pas possible d’acquérir les sciences sacrées à moins que l’on soit formé par un professeur et guide qualifié.

Tel est le secret, jamais un livre ou une écriture n’a jamais être révélée, sans qu’Allâh le Tout-Puissant n’envoie un Messager pour expliquer son contenu. Il existe de nombreux exemples dans lesquels un Prophète a été envoyé par Allâh le Tout Puissant sans qu’aucun livre ou Écriture ne lui soit révélé, mais il n’existe pas un seul cas où un livre a été révélé sans un Prophète qui l’accompagne.

La simple et bonne raison derrière cela est que si un livre était envoyé seul, l’homme ne possèderait pas la capacité de le comprendre sans l’enseignement d’un Prophète. Si Allâh voulait, Il aurait très bien pu envoyer le livre de Sa propre initiative. Chaque individu aurait alors trouvé un livre le matin au réveil, et une voix du ciel aurait déclaré : « Obéissez à ce qui est dans ce livre », mais Allâh, le Créateur de l’humanité, qui est pleinement conscient de l’instinct de l’homme, a choisi d’envoyer le livre avec un professeur qui puisse expliquer le contenu du livre, à la fois d’une manière pratique et verbale.

Allâh le Très Haut explique ce concept dans le verset suivant :

« Allâh a été d’une extrême bonté envers les croyants en choisissant parmi eux un Prophète pour leur réciter les versets divins, les purifier de leurs péchés et leur enseigner le Livre et la sagesse, bien qu’ils fussent autrefois dans un égarement manifeste.. » [9]

De même, Allâh le Très Haut dit :

« Et à toi aussi, Nous envoyons ce Coran, afin que tu expliques clairement aux hommes ce qui leur a été révélé. » [10]

Par conséquent, ces deux moyens dédiés à l’orientation de l’humanité font partie de la Sunnah d’Allâh le Tout-Puissant. Le premier par l’intermédiaire de Ses livres (kitab Allâh) et l’autre grâce aux Prophètes et à leurs successeurs. Ainsi, à la fois le livre d’Allâh (kitab Allâh) et les hommes d’Allâh (Rijal Allâh) sont nécessaires à l’orientation. Se suffire de l’un des deux conduirait sans aucun doute à l’égarement.

À ce stade, il serait utile de citer le grand savant des Usul, l’Imam al-Shatbi . Ce qui suit est le point crucial de ce qu’il a déclaré à ce sujet dans son célèbre ouvrage al-Muwafaqat :

« La manière la plus bénéfique et la plus efficace permettant d’acquérir des connaissances est de l’apprendre de ceux qui sont maîtres dans leurs domaines. Il est nécessaire d’avoir un enseignant dans les aspects de la connaissance qui nécessitent des explications et des interprétations. Il n’est pas impossible pour quelqu’un d’acquérir des connaissances sans professeur, toutefois, on constate normalement que l’enseignant est d’une importance capitale. C’est quelque chose de convenu par les savants.

Les Savants ont dit : « La Science Sacrée était dans le cœur des hommes, puis elle s’est déplacée dans les livres et les clés de ces livres sont dans les mains de savants (Rijal) ». Cela implique la nécessité d’acquérir la connaissance auprès de ceux qui la maîtrisent.

Le fondement pour cela est le hadith qui stipule :

« C’est par la mort des savants qu’Allâh enlève la science et non pas en la retirant des gens; et quand il n’y a plus de savants les gens prennent comme chefs des ignorants et à qui ils posent des questions auxquelles ils répondent sans science, causant ainsi leur propre égarement et celui des autres ». [11]

Si tel est le cas, alors les savants sont sans aucun doute les clés de cette connaissance. » (Al-Muwafaqat)

L’Imam al-Shatbi mentionne en outre trois signes et caractéristiques que possède un enseignant expert qualifié :

1) Il pratique ce qu’il enseigne,

2) Lui-même a été formé par un savant qualifié,

3) Ses étudiants le suivent et poursuivent ses traces, car si ses élèves ont généralement tendance à ne pas le suivre, alors c’est un signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec lui. (Ibid)

Il y a beaucoup de bénéfices et de sagesse dans l’apprentissage auprès d’un enseignant : Une bonne compréhension des textes, l’interprétation correcte, être préservé des erreurs dans la compréhension des textes (car chaque science a des terminologies qui leurs sont propres), obtenir les réponses aux interrogations qui peuvent survenir , l’application pratique des connaissances et l’obtention de la Baraka et de la lumière inhérente à l’orientation de cette relation particulière entre l’enseignant et l’élève n’en sont que quelques exemples.

En conclusion, il est nécessaire que celui désire apprendre, prenne sa Science auprès d’un savant de Science, pieux et sage et qui lui-même a suivi l’enseignement et la formation d’un savant de la sorte. Cela ne signifie pas qu’à chaque fois qu’un individu prend un livre, il doive trouver un savant pour le lui enseigner, mais plutôt qu’il est nécessaire d’étudier les fondements de chaque science avec ceux qui sont qualifiés et ainsi se familiariser avec les différentes terminologies, termes et expressions utilisées. Par la suite, on peut étudier un livre par soi-même en se référant toujours à des savants reconnus lorsque quelque chose n’est pas clair.

Et Allâh est plus Savant.


Muhammad ibn Adam Al-Kawthari
Darul Iftaa
Leicester, UK

Notes du traducteur :

[1] Isnad : Dans la transmission des Sciences Islamiques il s’agit des chaines de transmission reliant les élèves à leurs maitres. Cette chaîne permet d’authentifier si la personne qui enseigne telle ou telle science l’a bien reçue d’un maître (sheykh) authentique l’ayant lui-même reçue d’un maître, etc. Ce sont ces mêmes chaines qui ont permis de protéger les Hadiths de toute falsification et invention. En effet cette chaîne des rapporteurs et la fiabilité que l’on attribue à ceux-ci permettent d’évaluer le degré de recevabilité du Hadith.

[2] Le Mujtahid est le savant reconnu par ses pairs, ayant atteint un niveau d’érudition très avancé, lui permettant de prononcer une interprétation personnelle (ijtihâd) sur un point de droit dans l’Islam. Peu de savants ont atteints ce niveau, on compte parmi eux des Imam comme Abou Hanifa, Malik ibn Anas, Ahmad ibn Hanbal, ash-Shafé’i. On estime qu’aujourd’hui il n’existe pas de savants Mujtahid, c’est pourquoi les ‘Ulamas des écoles se réunissent en comité afin de réunir leurs compétences pour étudier les questions nouvelles.

[3] Coran : Sourate al-Hijr, verset 9
[4] Coran : Sourate al-Najm, versets 3 et 4
[5] Coran : Sourate al-Nahl, verset 44

[6] L’Imam ‘Abd Allâh ibn al-Moubarak, fût l’élève de Sufyan at-Thawri, de Malik ibn Anas et de Abu Hanifa. Il fut un grand spécialiste du hadith ayant le statut de Amir al-Mouminin (commandeur des croyants) dans la science du Hadith.

[7] Voir : Introduction de Sahih Muslim, 1/87, al-Jami ‘li akhlaq al-Rawi wa Adab al-sami’ et autres)

[8] « Si seulement ils avaient des ailes » : Dans le sens où si les mots pouvaient voler, ils nous parviendraient directement, sans que nous ayons besoin de vérifier la chaine des transmetteurs. Cette expression peut aussi signifier : « Je n’en crois pas un mot ». Ces deux possibilités allant dans le sens du peu de crédibilité accordée aux propos rapportés sans Isnad.

[9] Coran : Sourate Ali Imran, verset 164
[10] Coran : Sourate Al-Nahl, verset 44
[11] Sahih al-Bukhari et Sahih Muslim

Les Ijazas de Ibn Baz et de Al-Albani


Par Sheykh Nuh Ha Mim Keller

 

 

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Question :

Les Salafis affirment que Ibn Baz (RA) et Al-Albani (RA) ont des ijazas [1] provenant de grands shouyoukh [2]. Ils disent que Al-Albani a obtenu une ijaza de certains shouyoukh en Syrie, avez-vous des informations à ce sujet?

 

Réponse :

Notre professeur de hadith, Sheykh Shu‘ayb al-Arna’ut, nous a dit, à ma femme et à moi-même, que Sheykh Nasir al-Albani a appris sa science du hadith à partir des livres et des manuscrits de la Bibliothèque Dhahiriyya à Damas, et suite à ses longues années de travail sur les livres de hadith. Il n’a obtenu aucune part significative de ses connaissances à partir de savants du hadith vivants. Selon Sheykh Shu’ayb, c’est pour la bonne raison qu’il n’y avait personne à Damas à l’époque qui connaissait bien le hadith, et qu’il n’a voyagé nulle part ailleurs pour apprendre. J’ai entendu des Salafis dire qu’il avait reçu une ijaza d’une personne en Syrie, mais cela ne peut venir (selon Sheykh Shu’ayb) que d’une personne ayant une connaissance beaucoup moins importante que la sienne.

Je crois Sheykh Shu’ayb à ce sujet, parce que sa famille, comme celle de Sheykh Nasir (Al-Albani), étaient des Albanais ayant émigré à Damas lors de la chute de l’Empire Ottoman, et ils se connaissent tous assez intimement. Le sentiment que l’on a, est que le père de Sheykh Nasir, Sheykh Nuh al-Albani, était un Hanafi à ce point strict qu’il fit naitre une sorte de réaction excessive chez Sheykh Nasir Al-Albani, non seulement contre Abu Hanifa et son madhhab, mais également contre les shouyoukh Islamiques traditionnels. Selon Sheykh Shu’ayb, Sheykh Nasir (Al-Albani) a étudié le Tajwid (récitation du Coran) et peut-être le livre de fiqh hanafite élémentaire Maraqi al-falah [l’ascension au succès] avec son père Sheykh Nuh al-Albani et il reçu (éventuellement) d’autres enseignements en fiqh Hanafite de Sheykh Muhammad Sa’id al-Burhani, qui enseignait à la mosquée Tawba, dans le quartier des Turcs du côté du Mont Qasiyun, près de la boutique du père de Sheykh Nasir (al-Albani). Par la suite, Sheykh Nasir (al-Albani) constata que son temps pourrait être dépensé de façon plus rentable au côté des livres et des manuscrits de la Bibliothèque Dhahiriyya et dans la lecture d’ouvrages à des étudiants, il n’assista plus alors à aucun autre cours.

Quant à son ijaza ou « certificat d’apprentissage », Sheykh Shu‘ayb nous dit qu’elle fut obtenue lorsqu’un savant du hadith d’Alep, Sheykh Raghib al-Tabbakh, était en visite à la Bibliothèque Dhahiriyya à Damas, et que le Sheykh Sheykh Nasir (al-Albani) lui fut signalé comme un étudiant du hadith prometteur. Ils se sont alors rencontrés et ont discuté. Le Sheykh l’a alors autorisé « dans toutes les chaînes de transmission qu’il a été autorisé à rapporter », c’est-à-dire une ijaza générale, bien que le Sheykh Nasir n’ait jamais assisté aux enseignements du Sheykh ou lu des livres de hadiths avec lui. Sheykh Raghib al-Tabbakh possédait des chaînes de shouyoukh remontant aux principaux ouvrages de hadith, tels que Sahih al-Bukhari, les Sunan d’Abou Dawoud, et avait donc une chaîne remontant de manière ininterrompue jusqu’au Prophète (salallâhou ‘alayhi wassalaam) pour ces livres. Mais c’était une autorisation (ijaza) de tabarruk, ou « pour la bénédiction », et non pas un « certificat d’apprentissage », car Sheykh Nasir (Al-Albani) n’est pas allé à Alep pour étudier auprès de lui et Sheykh Raghib al-Tabbakh n’est pas venu à Damas pour lui donner des cours.

Ce type d’autorisation (ijaza), de tabarruk, est une pratique de certains savants traditionnels : donner une autorisation afin d’encourager un étudiant qu’ils ont rencontré et apprécié, qu’ils trouvent doté de bonnes connaissances, ou qu’ils espèrent voir devenir savant. La raison pour laquelle je connais l’existence de telles ijazas, c’est parce que j’en possède une du savant Mecquois du hadith Sheikh Muhammad ‘Alawi al-Maliki, qui m’autorise à rapporter « toutes les chaînes de transmission que moi-même [Muhammad ‘Alawi al-Maliki] j’ai été autorisé à rapporter par mes shouyoukh », ce qui inclue les chaînes de transmission remontant aux Imams du hadith : Malik, al-Bukhari, Muslim, Abu Dawud, at-Tirmidhi, an-Nasa’i, Ibn Majah (La Mecque : Muhammad ‘Alawi al-Maliki, 1412/1992). Bien que mon nom soit sur l’autorisation, et qu’elle soit signée par le Sheykh, cela ne fait pas de moi un savant du hadith comme lui, parce qu’en dehors de certains de ses cours publics, ma connaissance dans le hadith ne vient pas de lui, mais de Sheikh Shu‘ayb, avec qui j’ai effectivement étudié. Plus exactement, Sheikh al-Maliki connaît mes shouyoukh à Damas, il sait que je suis le traducteur de ‘Umdat al-salik [Support du Cheminant] dans le Fiqh Shaféite, nous nous connaissons depuis un certain temps, et il approuve ma méthode. La valeur scientifique de telles ijazas est simplement d’attester du fait que nous nous sommes rencontrés. »

 

Quant à Ibn Baz, je ne sais pas avec qui il a étudié, mais de par ses émissions diffusées à la radio, je serais très surpris qu’il n’ait jamais étudié avec quelqu’un de non engagé dans ce que lui et ses collègues appellent la da’wa ou « la propagation », c’est-à-dire les révisions de l’Islam prônées par Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhab.

 

Comme il est illégal de dire quoi que ce soit de détesté à propos d’un musulman, sauf dans le cadre d’un intérêt admis par la Loi Sacrée, la discussion qui suit ne sortira pas du cadre (a) de chercher à savoir si ces révisions constituent une exagération sectaire se différenciant de l’Islam traditionnel, et (b) s’il est avéré qu’elles sont sectaires, comprendre comment cela influence les déclarations sur lesquelles Sheykh Ibn Baz et Nasir Al-Albani pourraient par ailleurs être suivis.

 

Je vous mentionne cela, parce que comme vous le savez, certaines personnes s’offensent de l’utilisation du mot Wahhabi et ils ont de bonnes raisons si l’on entend par là qu’ils n’aiment pas l’Islam, ou ne cherchent pas à le pratiquer au mieux de leur compréhension et de leur capacité. Je crois que cela est vrai pour pratiquement tous les groupes séparatistes depuis le début de l’Islam. Pour autant qu’ils ne contredisent pas quelque chose de nécessairement connu dans la religion (nécessairement connu signifiant que n’importe quel musulman saurait répondre si on lui posait la question), on peut dire de tous ces groupes qu’ils ont essayé de comprendre et d’appliquer le Coran et la Sunna, bien que leur compréhension les ait amené à une conclusion erronée. C’est pourquoi les manuels de Shari’a disent des choses comme :

 

Ils [ceux qui se soulevèrent contre le calife] dépendent des lois Islamiques (parce qu’ils n’ont pas commis un acte qui les met en dehors de l’Islam, ce qui ferait qu’on les considérerait alors comme non-Musulmans. Ils ne sont pas non plus considérés comme moralement corrompus (fasiq), car se rebeller n’est pas une limite critique, mais il s’agit plutôt de leur compréhension qui est erronée), et les avis de leur juge Islamique sont considérés comme juridiquement valides (à condition qu’il ne déclare pas légal d’ôter injustement la vie des Musulmans) si ces avis sont tels qu’on les considérerait comme valides s’ils étaient émis par notre propre juge (Reliance of the Traveller, 594).

 

Le fait que ces personnes puissent considérer les Musulmans qui ne font pas partie de leur secte comme des non-Musulmans – ce qui est la marque de fabrique des sectes hétérodoxes (Batil) de tout temps et en tous lieux – ne change pas les avis cités ci-dessus, et le calife ou son représentant peut utiliser la force nécessaire pour mettre fin à la discorde. Voici ce que l’on trouve dans Hashiya radd al-muhtar ‘ala al-Durr al-mukhtar sharh Tanwir al-absar [3], dont chaque mot est considéré comme un des éléments déterminants (nass) dans l’école Hanafi :

 

(Al-Haskafi:) Ceux qui se révoltent contre l’obéissance à l’Imam [c’est-à-dire le calife ou son représentant] sont de trois types :

1/ Les bandits de grand chemin, et leur statut est connu [c’est à dire la peine de mort, s’ils ne se livrent pas avant d’être capturés];

2/ Les rebelles (bughat) contre le califat, dont le statut sera discuté ci-dessous [c’est-à-dire qu’ils sont combattus avec autant de force que nécessaire pour les faire cesser, comme indiqué dans Reliance plus haut];

3/ Les kharijites, c’est-à-dire des hommes avec une force militaire qui se révoltent contre l’Imam en raison d’une interprétation scripturaire erronée (ta’wîl), estimant qu’il est dans un égarement digne de la mécréance (kufr) ou dans la désobéissance à Allâh (ma’siya) qui nécessite qu’ils le combattent, ceci selon leur interprétation erronée des Écritures et qui considèrent comme légitime de prendre nos vies, nos biens, nos femmes comme esclaves et qui considèrent les Compagnons de notre Prophète comme des mécréants. Leur statut est le même que celui des rebelles (bughat) contre le califat: [voir n° 2 ci-dessus] par consensus unanime des savants du fiqh.

(Ibn ‘Abidin) : Ses paroles « et qui considèrent les Compagnons de notre Prophète comme des mécréants » ne font pas partie des conditions qui déterminent qu’une personne est un kharijite, mais c’est plutôt une simple clarification sur ce qu’on fait ceux qui se révoltèrent contre ‘Ali (RA). Autrement, il suffit d’être convaincu qu’ils considèrent mécréant ceux contre qui ils se battent, comme cela s’est produit de nos jours avec les disciples de [Muhammad ibn] ‘Abd al-Wahhab, qui sortirent du Najd en révolte, et prirent les sanctuaires de la Mecque et de Médine. Ils suivaient l’école Hanbalite, mais pensaient qu’ils [eux-mêmes] étaient LES musulmans et que ceux qui croyaient différemment d’eux étaient polythéistes (mushrikin). Sur cette base, ils jugèrent légal de tuer des Musulmans Sunnites (Ahl al-Sunna) ainsi que leurs savants religieux, jusqu’à ce qu’Allâh le Très-Haut mette en déroute leurs forces et que les armées Musulmanes attaquent leurs bastions et les humilient en 1233 A.H. [1818] (Hashiya radd al-muhtar, 4.262).

 

Le mufti Shafe’ite de la Mecque, Ahmad ibn Zayni Dahlan (m. 1304/1886), historien et savant, a écrit l’histoire de la prise de pouvoir des lieux saints par les Wahhabites dans un certain nombre d’ouvrages, dont l’un, son livre d’histoire en deux volumes intitulé al-Futûhât al-Islamiyya [Les conquêtes Islamiques], donne la description suivante de ce qui est probablement devenu le plus célèbre et certainement le plus meurtrier de leur ijtihad, à savoir que la Sunna du Tawassul (invoquer Allâh par l’entremise de) [4] constitue de la mécréance (shirk) :

Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhab a affirmé que son but dans cette école de pensée qu’il a innové était de purifier la croyance en l’unicité d’Allâh (Tawhid), et d’abjurer l’adoration de fausses divinités (shirk) et [de démontrer] que les Musulmans avaient adoré de fausses divinités depuis six cents ans et qu’il leur avait restitué leur religion. Il interpréta les versets Coraniques révélés au sujet des adorateurs de faux dieux (polythéistes) comme se référant à ceux qui adorent Allâh seul, comme [par exemple] la parole d’Allah le Très-Haut :

 

« Y a-t-il un être plus égaré que ceux qui invoquent, en dehors de Dieu, des divinités qui n’exauceront jamais leurs prières jusqu’au Jour de la Résurrection, qui sont totalement insensibles à leurs invocations » [5]

Ainsi que Sa Parole :

« N’invoque pas, en dehors de Dieu, ce qui ne peut ni te faire du bien ni te nuire, sinon tu serais du nombre des injustes ! » [6] 

 

Il y a beaucoup de versets similaires dans le Coran ; ainsi Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhab a dit que quiconque cherche l’aide du Prophète ou d’autres personnes parmi les prophètes, les amis d’Allâh (awliya) ou les vertueux, ou bien fait appel à lui ou lui demande d’intercéder, est comme ces adorateurs de faux dieux et donc est inclus dans la généralité de ces versets. Il croyait la même chose à propos du fait de visiter la tombe du Prophète et de tous les autres des prophètes, ainsi que celles des amis d’Allâh, ou encore celles des saints. Il a dit à propos de la Parole d’Allâh le Très-Haut citant les dires des idolâtres à propos du culte de leurs idoles,

« Nous ne les adorons que pour qu’elles nous rapprochent davantage de Lui » [7]

 

que les gens qui prient Allâh par le biais d’un intermédiaire (Tawassul) sont comme ces adorateurs de faux dieux qui disent : « Nous ne les adorons que pour qu’ils nous rapprochent davantage de Lui ». Il a déclaré que les adorateurs de faux dieux ne croyaient pas leurs idoles capables de créer quoi que ce soit mais plutôt que le Créateur était Allâh le Très-Haut, comme indiqué par la parole d’Allâh :

 

« Et si vous leur demandez qui les a créés, ils diront : ‘Allâh’ » [8]

Et,

« Si jamais tu leur demandes qui a créé les Cieux et la Terre, ils répondront sûrement : ‘Allâh’ » [9]

 

de telle façon qu’Allâh ne les avait pas jugé pour avoir commis de la mécréance et avoir adoré de fausses divinités, mais plutôt par rapport à leur parole, « que pour qu’ils nous rapprochent davantage de Lui », et qu’en conséquence ces gens [Musulmans qui font le Tawassul] sont comme eux.

 

Et cela est tout simplement faux, car les Musulmans croyants ne prennent pas les prophètes (Paix sur eux) ou les amis d’Allâh comme des dieux ni n’en font des associés (shuraka’) d’Allâh, mais plutôt ils croient qu’ils sont des esclaves créés qui appartiennent à Allâh et qui ne sont pas dignes d’être adorés.

 

Quant aux adorateurs de faux dieux à propos desquels ces versets du Coran ont été révélés, ils croyaient que leurs idoles étaient des dieux, et les vénéraient comme tels, même s’ils reconnaissaient qu’ils n’avaient pas créé quoi que ce soit – tandis que les croyants eux, ne soutiennent pas que les prophètes ou les awliya sont dignes d’adoration ou de la divinité et ne les vénèrent pas avec la révérence due exclusivement au Seigneur. Plutôt, ils croient qu’ils sont les serviteurs d’Allâh et Ses bien-aimés, ceux qu’il a élus et choisis et croient que par Les bénédictions qu’Il leur accorde (baraka), Il fait preuve de miséricorde envers Ses serviteurs. Leur intention dans la recherche de bénédictions à travers eux est une miséricorde d’Allâh le Très-Haut, et les preuves qui attestent de la validité de cela sont nombreuses dans le Coran et la Sunna.

 

Le credo des Musulmans est que le Créateur – Celui qui afflige, Celui qui avantage, Celui qui mérite d’être adoré – est Allâh seul. Ils ne croient pas que quelqu’un d’autre soit Puissant (capable) et ils croient que les prophètes et awliya ne créent rien, ne possèdent aucune capacité de favoriser ou de nuire, mais simplement que par la grâce qu’Allâh leur accorde (baraka), Il fait montre de miséricorde envers les serviteurs créés.

 

C’est la « croyance » des adorateurs de faux dieux selon laquelle leurs idoles méritaient l’adoration et la divinité qui les rendaient coupable d’associer à Allâh (shirk) des copartenaires et non simplement leur parole : « Nous ne les adorons que pour qu’elles nous rapprochent davantage d’Allâh ». Car c’est seulement lorsqu’il leur fut prouvé que leurs idoles ne méritaient pas d’être adorées, ce qu’ils croyaient pourtant, qu’ils dirent alors pour se trouver une excuse: « Nous ne les adorons que pour qu’elles nous rapprochent davantage de Lui ».

 

Alors comment Ibn ‘Abd al-Wahhab et ses partisans peuvent-ils considérer que les croyants qui reconnaissent le Tawhid dans son ensemble puissent être comparables à ces adorateurs de faux dieux qui croyaient en la divinité de leurs idoles? Aucun croyant n’est concerné par tous les versets cités ci-dessus, ni par ceux qui comme eux font explicitement référence à des non-Musulmans et aux adorateurs de fausses divinités.

L’Imam Al-Bukhari rapporte de ‘Abdullâh ibn ‘Umar (qu’Allâh soit satisfait du père et du fils) qui a relaté que le Prophète a dit lors de sa [prédiction de la] description des Kharijites qu’ils « se serviraient des versets révélés au sujet des non-Musulmans et qu’ils les appliqueraient aux croyants ».

 

Et dans un autre hadith, également d’après Ibn ‘Umar, le Prophète a dit : « Ce que je crains le plus pour ma Oumma, c’est un homme qui interprète le Coran et l’utilise hors de son contexte » ;  ces deux hadiths sont applicables à cette secte.

 

Si le fait que des croyants invoquent Allâh à travers un intermédiaire (Tawassul) était considéré comme de l’adoration de fausses divinités, cela n’aurait pas été fait d’abord par le Prophète lui-même, ni par ses Compagnons, ni par la Umma Musulmane, du premier au dernier [10].

Ce passage nous montre pourquoi les Wahhabis ont été considérés comme des Kharijites, des hommes qui, comme le note Al-Haskafi ci-dessus, se sont révoltés contre l’imam « en raison d’une interprétation scripturaire erronée (ta’wîl), » estimant qu’il « est dans un égarement digne de la mécréance (kufr) ou dans la désobéissance à Allâh (ma’siya) nécessitant qu’ils le combattent ».

Ce qui met principalement en difficulté leur théorie selon laquelle le Tawassul revient à adorer de faux dieux, c’est le fait qu’il a été enseigné à la Oumma par le Prophète, ce qui explique peut-être pourquoi personne dans les onze siècles de science Islamique qui ont précédé Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhab n’avait considéré cela comme de la mécréance.

 

À cet égard, il est impensable que Ibn ‘Abd al-Wahhab n’ait pas été informé du fait que son propre Imam [ndt : celui qu’il prétendait suivre], Ahmad ibn Hanbal, ait enjoint son élève le plus remarquable, Abu Bakr Ahmad ibn Muhammad al-Marrudhi (m. 275/888) de faire Tawassul par le Prophète. Al-Marrudhi rapporte le Tawassul du hadith du Compagnon (Sahabi) ‘Uthman ibn Hunayf qui contient les paroles : « Ô mon Seigneur ! Je Te demande et je me dirige vers Toi par Ton Prophète Mohammed, le Prophète de la miséricorde. Ô Mohammed !  Je me dirige par ton intermédiaire vers ton Seigneur pour mon besoin afin qu’il soit comblé », que al-Marrudhi rapporte de Ahmad ibn Hanbal, à partir du « chapitre des supplications » de son Kitab al-mansak [Livre de la Umra et du Hajj]. Cela est mentionné par Ibn Taymiya [11] que j’ai plutôt tendance à croire à ce sujet, car il a essayé de réfuter les propos de son Imam à propos du caractère Sunna de cette pratique, mais sans la considérer comme de l’idolâtrie (shirk) ou de la mécréance (kufr), ce que les Wahhabis ont fait quatre siècles plus tard.

 

Muhammad ibn ‘Abd al-Wahhab a aujourd’hui disparu, avec les fatwas qu’il a émis et dont le résultat à été les attaques contre la Mecque, Taïf, et Médine dès 1205/1790 par les « réformateurs » qui croyaient que la vie, les femmes et l’argent des Musulmans Sunnites ordinaires qui ne considéraient pas le Tawassul comme du shirk pouvaient légalement être pris par ceux qui le considéraient comme tel. Il n’y a plus de Wahhabites de ce type. Comme l’a dit le roi Fahd (qui, dans l’ensemble, a eu une influence modérée positive) il y a quelques années dans un discours, « Nous ne sommes pas Wahhabites, nous sommes Hanbalites ».

 

Pourtant, si la « révolte » (selon les propos d’Al-Haskafi) s’en est allée, la « mauvaise interprétation des textes » demeure et son influence intellectuelle reste forte sur tous les aspects de l’institution religieuse en Arabie Saoudite. Bon nombre des idées agressives [ndt : en provenance d’Arabie Saoudite] sont emballées et exportées vers d’autres pays Musulmans sous l’égide d’Ibn Baz et l’accréditation donnée par le soutien de Sheykh Al-Albani et de ceux qui le suivent.

 

Il s’agit de « révisions » qui visent à changer l’Islam traditionnel et si beaucoup de Musulmans ordinaires ont oublié cela, c’est en raison de l’ampleur avec laquelle ils [les Wahhabis] ont réussi, encouragés par des subventions importantes [ndt : grâce au pétrodollar] et le manque actuel de savants traditionnels (‘Ulama) pour enseigner la vérité aux Musulmans. Pourtant, on sent bien qu’ils marquent une phase transitoire, car Allâh a promis de protéger la religion (din) et si les réfutations des savants classiques ont été entendues, ces innovations disparaitront comme neige au soleil. En attendant, les Wahabbis ont programmé des pseudos réformes pour les trois piliers du din, à savoir : l’Islam (la Shari’a), l’Iman (‘Aqida), et l’Ihsan (Tariqa). À partir de ces catégories, les « réformes» peuvent être résumées ainsi :

1) L’Islam (Shari’a) : À leur crédit, le mouvement dont nous parlons a ravivé l’intérêt pour le hadith parmi les érudits musulmans du bord opposé. Mais l’accent mis sur hadith et ses disciplines connexes, à l’exclusion des autres sciences Islamiques toutes aussi indispensables à la compréhension de la révélation, telles que la méthodologie du fiqh, ou le conditionnement du hadith selon les principes généraux exprimés dans le Coran, a créé une fausse division dans l’esprit de nombreux musulmans entre le fiqh et le hadith. Et c’est une innovation (bida’a) intellectuelle de l’espèce la plus menaçante pour l’Islam dans lequel n’a jamais accepté l’ijtihad [12] provenant de non-mujtahids [13], ou quoi que ce soit présentant une insuffisance en fiqh (littéralement : la compréhension des points subtils) du hadith.

Une des tristes conséquences de la division faite entre le fiqh et le hadith est la renaissance de la pensée Dhahirite dont nous avons parlé plus haut, avec « l’invalidité de son littéralisme mal placé » dans l’interprétation des textes scripturaires primaires. Un tel littéralisme se produit nécessairement sur une personne formée seulement au Hadith (comme le Sheykh Al-Albani) [notamment] si elle essaie de déduire des avis Juridiques Shari’a sans posséder la maîtrise des outils d’interprétation nécessaires pour relever les défis auxquels sont confrontés les mujtahids, par exemple, dans le raccordement d’entre un certain nombre de hadiths sur une question particulière qui pourtant semble contradictoire, ou encore en ce qui concerne les nombreux autres problèmes intellectuels inhérents à l’ijtihad. Cet ardent Dhâhirisme – en particulier chez les adeptes de Sheykh Al-Albani – a incité certains Musulmans contemporains à croire sérieusement qu’il faille choisir entre suivre « le Coran et la Sunna », et suivre l’une des écoles des Imams Mujtahid [14].

 

Si le grand mensonge a aujourd’hui gagné en crédibilité c’est uniquement parce que très peu de musulmans comprennent ce qu’est un ijtihad et comment il se fait. Je pense que le remède à cela consiste à familiariser les Musulmans avec des exemples concrets sur la façon dont les Imams Mujtahids arrivent à dériver des avis juridiques de Shari’a spécifiques à partir du Coran et des Hadith. En premier lieu, démontrer l’étendue de leurs connaissances dans le Hadith (Muhammad ibn ‘Ubayd Allah ibn al-Munadi [m. 272/886] rapporte que Ahmad ibn Hanbal a déclaré qu’avoir mémorisé trois cent mille hadiths ne suffisait pas pour être un mujtahid), puis en second lieu, démontrer leur maîtrise des principes déductifs qui permettent de joindre entre eux tous les textes primaires. Jusqu’à ce que cela soit fait, les partisans de ce mouvement continueront probablement à suivre l’ijtihad de non-mujtahids (les Shouyoukh qui inspirent leur confiance), sous le slogan « le Coran et la Sunna », comme si l’obligation de les suivre était une notion étrangère aux véritables mujtahids. Les disciples [de cette doctrine] peuvent à la rigueur ne pas être blâmés, car [selon l’expression] « pour quelqu’un qui n’a jamais voyagé, sa mère est l’unique cuisinière ». Mais j’impute la responsabilité aux Shouyoukh qui, quelles que soient leurs motivations, écrivent et parlent comme s’ils étaient les uniques cuisiniers.

2) L’Iman (‘Aqida) : L’acceptation et l’adhérence aveugle des opinions d’Ibnou Taymiya et d’Ibn al-Qayyim al-Jawziyya dans la ‘Aqida ont abouti à un certain nombre de conséquences :

 

L’une d’entre elles est le rejet par Ibn Taymiya de toute expression figurative (majaz) dans le Coran. C’est ce que nous avons nommé plus haut : « littéralisme mal placé ». Ceci a eu pour conséquence de faire naitre l’anthropomorphisme dans les esprits et a permis qu’il se propage un peu partout sous le slogan du « retour à la ‘Aqida des premiers Musulmans », alors qu’ils en sont loin.

 

À cet égard, je parlais récemment avec Mawlana Abdullâh Kakakhail, un savant d’Islamabad spécialiste de la Croyance Islamique (usûl ad-din), qui m’a dit avoir été diplômé de l’Université Islamique de Médine en 1966, et qui peu après, alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui, avait été convoqué au bureau du vice-recteur de l’université. Celui-ci exprima sa déception à propos du fait que l’étudiant n’ait pas davantage profité de l’enseignement dispensé dans l’université à propos de la Croyance Islamique (‘Aqida). Le vice-recteur dit qu’il savait qu’Abdullâh retournait au Pakistan avec les mêmes principes de foi que ceux avec lesquels il était venu. Ils sont ensuite venus à parler des  mutashabihat, c’est-à-dire des versets Coraniques et hadiths dits « équivoques » jusqu’à ce qu’ils en arrivent à parler de la « Main » d’Allâh [15]. « Vous dites », dit le jeune homme au vice-recteur, que : « la main est connue, mais que son comment (kayf) est inconnu ». « Que signifie donc l’inconnu de ce comment ? » Le vice-recteur répondit : « Cela signifie que nous ne savons pas si la main est noire ou blanche, ni si elle est longue ou courte ». Ce vice-recteur se nommait Ibn Baz, et c’est ce qui était proposé à l’époque comme da’wa (appel à l’Islam) – c’est-à-dire une croyance (‘Aqida) semblable à celle qui inspira le plafond de la chapelle Sixtine.

 

Deuxièmement, pour expliquer le fossé béant qui existe entre ce genre d’anthropomorphisme et l’ensemble de la littérature antérieure en matière de Tafsir du Coran, ils ont été obligé de se justifier en expliquant que l’école Ash’ari se serait glissée dans la Umma et aurait altéré la « ‘Aqida des premiers Musulmans (as-Salaf us-Salih) », alors qu’on ne trouve aucune trace de la ‘Aqida que les Wahhabis prétendent être celle des Salafs. Cela a divisé le domaine de la ‘Aqida en deux camps : les pros et les anti-Ash’ari, alors que depuis les mille années précédentes, les Musulmans Sunnites s’étaient mis en accord autour de l’orthodoxie des écoles Ash’aris et Maturidis. Pourquoi avoir réparé quelque chose qui n’était pas cassé?

 

En fait, quand un richissime commerçant de Djeddah a sorti des oubliettes la ‘Aqida d’Ibn Taymiya au début de ce siècle en finançant l’impression en Égypte de son livre Minhaj al-sunna al-nabawiyya ainsi que d’autres de ses œuvres, le Mufti d’Egypte Muhammad Bakhit al-Muti‘i, confronté à de nouvelles questions sur la validité de l’anthropomorphisme a écrit : « C’est une discorde (fitna) qui dormait ; qu’Allâh maudisse celui qui la réveille ».

 

Mais il est vraisemblable que l’héritage le plus malheureux laissé par le mouvement Wahhabi originel est quelque chose qui est maintenant pratiqué du Najd au sous-continent Indien, d’Est en Ouest, à savoir la facilité avec laquelle les Musulmans se qualifient les uns les autres de « mécréants ». Que ce soit à propos d’une question de Fiqh comme le Tawassul, ou sur une question de ‘Aqida comme celle que l’ont à évoqué plus haut et c’est précisément le sectarisme qu’Allâh nous a interdit dans le Coran par les paroles :

 

« Ne suivez pas l’exemple de ceux qui, après avoir reçu les preuves, se sont divisés et se sont opposés les uns aux autres. À ceux-là est réservé un châtiment exemplaire » [16].

 

Le sectarisme de ce genre est quelque chose qui n’existait pas dans l’Islam Sunnite traditionnel durant les mille dernières années, mais il représente plutôt une rupture avec cette tradition. Même si on la justifie au nom d’une « réforme Islamique » ou d’un « retour aux sources de l’Islam », le sectarisme est et demeure le type de bida’a d’égarement à propos duquel le Prophète a dit dans un hadith rapporté par Muslim :

 

« Quiconque apporte à notre affaire-ci une chose nouvelle non fondée sur elle, verra cette chose rejetée ». [17] 

 

3) L’Ihsan (Tariqa) : Le troisième item de la réforme, poursuivie de manière agressive aujourd’hui encore est la tentative faite pour éliminer du cercle des sciences Islamiques le Tasawwuf ou « soufisme », bien qu’il ne fasse pourtant aucun doute qu’il ait été considéré comme tel par presque tous les savants classiques, et ce, depuis que les sciences religieuses furent pour la première fois retranscrites. Notre époque a vu l’impression et la réimpression de travaux comme des passages du Talbis Iblis [Les ruses de satan] d’Abd ar-Rahman ibn al-Jawzi dans lequel « les Soufis » (dans le sens d’un groupe d’entre eux à son époque) sont critiqués, sans dire en passant qu’un grand nombre des biographies de son ouvrage en cinq volumes Sifa al-safwa [Description des élus] sont celles des mêmes soufis cités in extenso dans Al-Risala al-Qushayriyya l’ouvrage classique de Qushayri sur le Soufisme.

 

Le Soufisme existe pour la bonne raison que la Sunna que nous avons pour obligation de suivre ne se limite pas seulement aux paroles et aux actes extérieurs du Prophète mais aussi à ses états, comme la confiance en Allâh (tawakkul), la sincérité (ikhlas), la mansuétude (hilm), la patience (sabr), l’humilité (tawadu’), le perpétuel souvenir d’Allâh, et ainsi de suite. Beaucoup, beaucoup de hadiths et des versets du Coran indiquent le caractère obligatoire de la réalisation de ces (et des centaines d’autres) états du cœur, comme indiqué dans le hadith rapporté par Muslim, dans lequel le Prophète dit :

 

« Quiconque a un atome d’orgueil dans le cœur n’entrera pas au Paradis » [Muslim 1.93]

 

ou le hadith sahih dans les Sunan d’Abou Dawoud sur le caractère obligatoire d’avoir une présence du cœur dans la prière (salat), dans lequel ‘Ammar ibn Yasir rapporte avoir entendu le Prophète dire,

 

« En vérité, l’homme quitte (une prière) dont il n’obtient que le dixième de la récompense, le neuvième, le huitième, le septième, le sixième, le cinquième, le quart, le tiers ou la moitié » (Sunan Abu Dawud [N.d. Réimpression. Istanbul: al-Maktaba al-Islamiyya, n.d.] 1.211).

Une réflexion d’une demi-minute suffit à montrer à chacun de nous où nous en sommes sur ces aspects de notre din, et pourquoi en temps normal, aider les Musulmans à atteindre ces états n’étaient pas laissés à des amateurs, mais plutôt délégué à des Ulémas du cœur, les savants du Soufisme Islamique.

 

Comme dans d’autres sciences Islamiques, des erreurs se sont produites historiquement dans le Soufisme, comme principalement le fait de ne pas reconnaître la Shari’a et les principes de la foi (‘Aqida) de Ahl as-Sunna comme étant au-dessus de chaque humain. Mais ces erreurs n’étaient par exemple pas différentes des isra’iliyyat (contes sans fondement des Bani Isra’il) qui se sont glissé dans la littérature exégétique Coranique (tafsir), ou des mawdu’at (hadiths forgés) qui se sont glissé dans la masse des hadiths prophétiques. Pour autant, on ne considère pas cela comme une preuve que le tafsir est mauvais, ou que le hadith égare, mais plutôt, dans chaque discipline les erreurs ont été identifiées et les mises en garde ont été effectuées par les Imams spécialistes de ces matières parce que la Umma avait besoin du reste. Et de telles corrections sont précisément ce que nous trouvons dans des livres comme la Risala de Qushayri, dans l’Ihya d’Al-Ghazali et d’autres ouvrages de Soufisme.

 

En revanche, les réformateurs de notre époque ont trouvé comme échappatoire de créer des doutes sur le fait qu’il n’y aurait [en fait] véritablement aucune science Islamique permettant d’atteindre la sincérité spirituelle à partir d’une voie méthodique et fondée sur la connaissance. Mais peut-être aujourd’hui, commencent-ils à réaliser que si l’on met fin à toutes les aspirations spirituelles, on ne produira que des Musulmans agressifs n’ayant aucun autre moyen de se sentir plus religieux que part l’argumentation pour prouver à leurs coreligionnaires Musulmans que ces derniers le sont moins qu’eux. Un état peu enviable, décrit dans le hadith du Prophète :

 

« Aucun peuple ne s’est égaré après avoir été sur la vérité si ce n’est à cause des polémiques »

 

Pour résumer, le mouvement visant à réformer notre din attaque l’autorité Scientifique qui a toujours soutenu ses trois piliers. Et ils le font dans l’Islam, en retournant le cœur des Musulmans contre les écoles juridiques (madhhabs) qui représentent notre Shari’a; dans l’Iman, en présentant l’anthropomorphisme d’Ibn Taymiya comme « la voie des premiers Musulmans » [ndt : as-Salaf al-Salih], et dans l’Ihsan, en essayant de fermer la porte de la spiritualité Islamique traditionnelle une fois pour toutes.

 

Sheykh Nasir al-Albani et Ibn Baz sont parmi les sommités principales de ce mouvement, et l’ensemble de la carrière de ce dernier démontre son attachement à ces réformes, que ce soit les publications imprimées sous ses auspices et distribuées à travers le monde, ou bien l’aide financière accordée aux universitaires wahhabis dans le but qu’ils repartent de Médine diplôme en poche vers leur pays d’origine pour ensuite diffuser les enseignements de la secte, relatant inlassablement à quel point seuls peu de Savants Musulmans au cours des milles quatre cents dernières années ont vraiment compris l’Islam comme il a été compris par le Prophète et par eux-mêmes.

 

Alors peut-être que la meilleure réponse à votre question à propos des ijazas de ces deux hommes est de demander en retour : Quel intérêt le système traditionnel d’ijaza a-t-il donc pour ces réformateurs, alors que sa fonction consiste à ce que les savants traditionnels conservent intacte la compréhension de l’Islam à travers les siècles alors que ces réformateurs ont pour ambition de changer cette compréhension?

 

Notes du traducteur :

[1] Ijaza : Autorisations et certifications délivrées par les Savants à leurs élèves une fois qu’ils ont parfaitement maitrisé la matière ou le livre qui leur a été enseigné.

[2] Shouyoukh est le pluriel de sheykh

[3] commentaire d’Ibn ‘Abidin : le guide du perplexe sur les perles bien choisies d’Haskafi, une exégèse de (Tumurtashi).

[4] En substance, le terme tawassul désigne le fait d’emprunter et de mettre en avant une wasîlah – un chemin ou un moyen – susceptible de rendre les invocations plus recevables auprès d’Allâh à Qui on s’adresse et vers Qui on se dirige.

[5] Qour’an – 46/5
[6] Qour’an – 10/106
[7] Qour’an – 39/3
[8] Qour’an – 43/87
[9] Qour’an – 31/25

[10] Dahlan, al-Futûhât al-Islamiyya [Le Caire: Al-Maktaba al-Tijariyya al-Koubra, 1354/1935], de 2.258 à 59

[11] Qa‘ida jalila fi al-tawassul wa al-wasila [N.d. Réédition. Beyrouth : al-Maktaba al-‘Ilmiyya, n.d.], 98

[12] L’ijtihâd est le jugement résultant de la réflexion du mujtahid.

[13] Le Mujtahid est le savant reconnu par ses pairs, ayant atteint un niveau d’érudition très avancé, lui permettant de prononcer une interprétation personnelle (ijtihâd) sur un point de droit dans l’Islam. Peu de savants ont atteints ce niveau, on compte parmi eux des Imam comme Abou Hanifa, Malik ibn Anas, Ahmad ibn Hanbal, ash-Shafé’i. On estime qu’aujourd’hui il n’existe pas de savants Mujtahid, c’est pourquoi les ‘Ulamas des écoles se réunissent en comité afin de réunir leurs compétences pour étudier les questions nouvelles.

[14] C’est-à-dire les écoles Malikite, Shafé’ite, Hanafite et Hanbalite. Bien entendu suivre l’une de ces 4 écoles est sans nul doute LE meilleur moyen de suivre le Coran et la Sunna.

[15] Qour’an – 48/10 : « La Main de Dieu est au-dessus des leurs »
[16] Qour’an – 3/105
[17] Muslim 3/1343


La Science Sacrée peut-elle s’obtenir simplement à partir des livres?

 

Par  Sunnisme.com [1]

ilmsheykh

 

Question :

Certaines personnes ont déclaré que le système des ijazas [2] et les Isnads [3] d’un savants sont essentielles alors que d’autres disent qu’il n’est pas nécessaire de posséder des Isnads ou des ijazas pour être un savant et que la science peut être obtenue simplement à partir des livres (comme c’est le cas pour sheykh al-Albani). Quelle est l’opinion correcte et qu’elles en sont les preuves?

Réponse :

Afin d’acquérir la Science, il est absolument essentiel de se placer sous l’expertise d’un professeur qualifié (Sheykh). Ne pas le faire entraîne généralement un égarement absolu. En fait, cela [ndt : la transmission orale] a été l’usage des Prophètes (Anbiyâ) et de nos pieux prédécesseurs (as-Salafs as-Salih).

1. Le Saint Coran a été révélé par Allâh Ta’ala le Tout puissant pour que la Oummah puisse bénéficier de la connaissance et de la bonne Guidée. Mais, sans les explications de Rassoulullâh (salallahou ‘alayhi wassalaam) il y aurait certainement eu des incompréhensions sur les significations. Allâh Ta’ala s’adresse au Messager de Dieu dans le Coran : « Et Nous avons fait descendre sur toi le Coran, de sorte que tu expliques aux gens ce qui leur a été révélé ». Il s’agit là de la plus importante et plus évidente preuve de notre point de vue.

2. Allah Ta’ala mentionne dans le Coran : « Demandez aux gens de savoir si vous ne savez pas ».

3. Il est dit que Sayyidina Daoud (‘Alayhi salam) aurait énormément bénéficié de Luqmaan al-Hakim (‘Alayhi salam), avant que Daoud ne reçoive la prophétie. [4]

4. Le séjour de Sayyidina Moussa (‘Alayhi salam) chez Sayyidina Khidhr (‘Alayhi salam) est bien connu et inscrit dans le Saint Coran.

5. En outre, durant l’époque des Tabi’ine, chaque fois que quelqu’un prétendait avoir n’importe quelle connaissance, il était interrogé au sujet de la personne auprès de qui il l’avait apprise. [5]

6. Muhammad Ibn Sirine a dit : « Méfiez-vous des livres car ceux d’avant vous ont été induits en erreur par les livres »

7. Les Salaf avaient l’habitude de dire aux gens : « Et qui est votre Savant, ou bien où sont vos Savants et ils détestaient celui qui n’avait pas de Savant et qui prenait sa science directement dans les livres »

8. Il a été rapporté que les Salaf disaient aussi : « Celui qui entre seul dans la connaissance, en sortira seul »

9. Imam Adh-Dhahaabi a déclaré à propos de Ali Ibn Rizwan : « Il n’a pas eu d’enseignant (sheykh). Au lieu de cela, il a prit sa science uniquement à partir des livres. Il est l’auteur d’un livre sur l’acquisition d’une compétence ou d’un métier uniquement par la lecture de livres dans lequel il déclare que cela est plus approprié pour l’élève. Mais c’est faux. »

10. Ibn Butlan a dit : « Il est interdit et détesté par les Salaf de faire cela (prendre la science uniquement des livres), parce que ce qui peut se produire, pour une personne qui est un débutant dans la recherche de la Science, c’est qu’elle peut facilement confondre un mot avec un autre (en raison de l’arabe de l’époque dans lequel il n’y avait pas de symboles pour les voyelles). Le Savant qui est fermement ancré dans sa connaissance sera en mesure de prendre des livres (et de comprendre ce que l’élève ne peut pas) et l’étudiant lui permettra de lire le livre et de lui expliquer »

11. As-Safadeee à déclaré : « Pour cette raison, les Ulémas ont dit ne pas prendre de Science d’une personne qui l’a acquise à partir des livres »

12. Hafiz Khatib al-Baghdadi, le célèbre Muhaddith du 5ème siècle, affirme dans son livre  » Taqyidul ‘Ilm  » : « Beaucoup de savants de l’époque classique ont – à l’approche de la mort – soit eux-mêmes détruits leurs livres, soit ont ordonné qu’on le fasse. Cela était dû à la crainte que ces ouvrages puissent finir entre les mains d’ignorants qui ne comprendraient pas ses verdicts et ne feraient qu’en prendre le sens apparent ». Il a ensuite rapporté plusieurs épisodes, d’érudits classiques, l’ayant fait. Parmi eux : l’Imam Abeda al-Salmani, l’Imam Shu’bah ibn Hajjaj, l’Imam Abu Qilabah et l’Imam Eesa ibn Younous. [6]

13. Les Imams Muhammad ibn Sirine, Hakam ibn Atiyyah et Waki Ibnul Jarrah ont tous déclaré que la cause première de l’égarement des Banu Israël était les livres qu’ils avaient hérités de leurs ancêtres. [7]

14. L’Imam al-Awzaa’iee a déclaré : « La Science était sublime aussi longtemps qu’elle était obtenue de la bouche des savants. Mais quand elle s’est retrouvée dans les livres, son Noor (lumière divine) a disparu ». [8]

Note : Le but des 3 citations précédentes est de démontrer que la simple étude de livres constitue une erreur et que cette méthode est dénuée de l’assistance divine. L’idéal serait d’étudier les livres en question sous la tutelle d’un Savant. En aucun cas, notre intention n’est celle de rabaisser les ouvrages de Shari’ah.

15. On a questionné l’Imam Malik sur le fait que la connaissance puisse être acquise auprès d’un homme qui ne s’est pas assis en compagnie des Savants (et qui au contraire, s’est uniquement contenté de livres). Il a répondu par la négative et a dit : « La Science ne doit être acquise qu’auprès de celui qui a mémorisé [ndt : apprit], qui a accompagné les Savants, qui a pratiqué sa connaissance et qui possède en lui la piété ». [9]

16. Sheykh Muhammad Awamah (un Muhaddith contemporain inégalé) mentionne de manière admirable dans son livre  » Adabul Ikhtilaf  » : « Ils (les Ulémas) n’ont jamais eu pour habitude de prêter attention à celui qui n’a pas eu d’Ustadh (enseignant), ni ils n’auraient considéré une telle personne digne de s’exprimer en raison des erreurs qu’elle puisse commettre ». Il dit encore : « Le Qadi ‘Iyad et d’autres ont rapporté que quand l’Imam Ahmad Ibn Hanbal fut questionné par le dirigeant de son temps (al-Mu’tasim) pour discuter d’une certaine question avec Ibn Abi Du’ad, il (l’Imam Ahmad) détourna son visage et dit : « Comment puis-je discuter avec une telle personne alors que je ne l’ai jamais vu à la porte d’aucun Savant (‘Alim) ! ». [10]

17. Le grand Saint, Sayddi ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy (rahimahuLlâh) a déclaré : « La Science s’apprend de la bouche des hommes ». [11]

Par ailleurs, de nombreux Hadiths nous indiquent le fait que l’acquisition de la Science doit se faire par transmission orale :

Le Prophète a dit : « Ô Abou Dharr, si tu te déplaces et apprends une ‘ayah du Qour’an, tu seras plus récompensé que si tu pries cent rak’ah des prières surérogatoires ; et si tu te déplaces et apprends un chapitre de la connaissance, tu seras plus récompensé que si tu pries mille rak’ah des prières surérogatoires ». [Rapporté par Ibnou Majah]

Le Prophète a dit : « Celui qui est sorti pour acquérir la science de la religion, celui-là est en train d’agir pour rechercher l’agrément de Allah jusqu’à ce qu’il revienne ». [Rapporté par At-Tirmidhiyy]

Quel serait le sens de ces déplacements si ce n’était pour aller chercher la Science là où elle se trouve c’est-à-dire aux pieds des Savants ?

Puis il y a ces autres Hadiths très explicites :

Le Prophète a dit : « Est excellent parmi vous celui qui apprend le Qour’an et l’enseigne aux autres ». [rapporté par Al-Boukhariyy]

Le Prophète a dit : « Celui qui interprète le Qour’an selon son avis personnel, il commet une erreur même si ce qu’il a dit est correct ». [Rapporté par At-Tirmidhi]

Le Messager de Allâh a dit : « Celui pour qui Allâh veut le bien, Il lui facilite l’apprentissage de la religion, certes la science de la religion est par transmission orale ». [rapporté par Al-Boukhary]

Le Prophète a dit : « Ô gens, apprenez. Certes, la science vient par l’apprentissage et la science de la religion par transmission orale. Celui pour qui Allah veut du bien, Il lui fait apprendre la science de la religion ». [Rapporté par At-Tabarany]

Si les livres peuvent constituer un bon support d’apprentissage, il n’en demeure pas moins que la Science ne peut s’apprendre qu’auprès d’un Savant (Sheykh) ayant lui-même reçu cette Science d’un Savant, etc… Le Prophète Muhammad a reçu l’Islam de L’ange Jibril (‘Alayhi salam), puis Il l’a ensuite enseigné à ses Compagnons (Radhia Allâhou ‘anhoum) qui ensuite ont transmis à leurs successeurs, et ainsi de suite jusqu’à nos savants d’aujourd’hui. C’est grâce à cette transmission orale et à cette mémorisation que notre religion a été préservée des innovations, des hérésies et des falsifications,comme on peut en trouver dans les autres religions. Comme l’a dit le grand Savant Ibn al-Moubârak (118-181 AH) : « La chaîne de transmission fait partie de la religion et s’il n’y avait pas cette chaîne n’importe qui le voudrait pourrait dire n’importe quoi ».

A-t-on déjà vu un chirurgien autodidacte? Non, c’est impossible et quand bien même il aurait lu tous les livres qui existent sur la médecine et la chirurgie, ca ne fera de lui ni un médecin, ni un chirurgien. Il pourra se présenter dans n’importe quel établissement hospitalier, il est impossible qu’il trouve un poste et à coup sur il se fera claquer la porte au nez. Jamais personne ne confierait sa vie ou celle d’un de ses proches à une telle personne si pour des raisons médicales une opération chirurgicale s’avèrerait nécessaire. Quiconque possédant un esprit sain aura bien trop peur des résultats catastrophiques engendrés par une telle opération, et sur ce point on ne pourra que lui donner raison.

Alors pourquoi ne pas appliquer pour l’Islam ce que l’on applique pour sa santé ? La religion d’Allâh est-elle moins importante que notre santé pour que nous la mettions entre les mains de gens qui ne sont pas qualifiés ?

Nous espérons que les points évoqués ci-dessus sont suffisants pour convaincre et satisfaire toute personne qui a l’idée saugrenue de se suffire à l’étude exclusive des livres sans la supervision d’un professeur compétent (Ustadh).

Nous terminerons cette explication avec la traduction d’un célèbre poème qui est attribué à l’Imam ash-Shafi’i et qui est très célèbre dans la bouche des Oulémas :

« Oh, mon frère,
Tu ne pourras jamais acquérir la Science,
Sans ces six choses,
L’intelligence, le désir, la pauvreté,
le Séjour, la tutelle d’un Maître,
ainsi qu’une longue période régulière (d’étude sous sa direction) » [12]

Et Allâh Ta’ala est plus Savant.

 

Notes :

[1] Article réalisé par l’équipe de Sunnisme.com à partir d’une fatwa du Mufti Mohammed ibn Haroun Abassomer et d’autres articles de Fiqh. Le Sheykh Mohammed ibn Haroun Abassomer est né et a grandi en Afrique du Sud. Après avoir terminé huit années de rigoureuses études islamiques sur place, il a ensuite continué afin de se spécialiser dans le domaine du hadith sous la tutelle de l’un des savants les plus renommés dans les sciences du Hadith, Sheykh Fadl al-Rahman al-Azami (Qu’Allâh le préserve). Plus tard, il continua son voyage afin d’approfondir encore plus sa spécialisation dans le Hadith avec le savant renommé Sheykh Muhammad Awwama, à la Munawwarah de Médine.

[2] Ijaza : autorisations délivrées par les Savants à leurs élèves une fois qu’ils ont parfaitement maitrisés la matière qui leur a été enseignée.

[3] Isnad : Dans la transmission des Sciences Islamiques il s’agit des chaines de transmission reliant les élèves à leurs maitres. Cette chaîne permet d’authentifier si la personne qui enseigne telle ou telle science l’a bien reçue d’un maître (sheykh) authentique l’ayant lui-même reçue d’un maître, etc. Ce sont ces mêmes chaines qui ont permis de protéger les Hadiths de toute falsification et invention. En effet cette chaîne des rapporteurs et la fiabilité que l’on attribue à ceux-ci permettent d’évaluer le degré de recevabilité du Hadith.

[4] Tafsir al-Qurtubi

[5] Mouslim

[6] Ibid pages 61-62

[7] Voir Taqyidul ‘Ilm page 61et ses notes.

[8] Ibid page 64

[9] Cf : Adabul Ikhtilaf page145

[10] Ibid page144

[11] Dans Al-Fath Ar-Rabbani Wa l-Faydh Ar-Rahmani, page 348 (Enseignements Soufis, ed. al-Bouraq)

[12] Adabul Ikhtilaf pages 142 – 143