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Les Perles du Ciel de Tarim - Découverte :

Maryam Szkudlarek est une de nos sœurs qui, après avoir accepté l’islam, a décidé de consacrer son temps à la quête de sagesse et des enseignements islamiques. Dans ce cadre, elle se rendit au Yémen à Tarim où elle passa deux ans et demi. Elle rédigea un livre fort touchant sur l’expérience qu’elle y a vécue dont la deuxième édition va être sous peu publiée.
Maryam Szkudlarek
Auteur

Pourquoi as-tu choisi le Yémen ?

J’étudiais l’arabe à Londres à mi-temps, car je travaillais l’autre moitié du temps et je n’étais pas satisfaite. Je désirais plus. Une de mes enseignantes me recommanda Tarim, après avoir demandé autour d’elle. Elle avait elle-même étudié en Syrie et en Égypte, mais la situation ne permettait pas que je m’y rende à ce moment-là. Le Yémen ne me faisait pas peur, cela fait bien longtemps que je n’ai plus confiance en les médias, mais c’est vrai que c’est étonnant de commencer par ce pays arabe si lointain et inconnu au lieu de tous les autres qui sont plus ouverts et proches de notre culture. Cependant, je ne dirai pas que j’ai « choisi » le Yémen entre d’autres. C’est, en fait, le seul choix qui m’avait été proposé et après avoir cherché un peu plus sur Tarim, j’ai été fascinée par l’endroit qui regorge de membres de la famille du Prophète Muhammad ﷺ, et je n’ai pas cherché plus loin. Puis, j’ai prié l’istikhara et tout s’est mis en place petit à petit.

Pourquoi « Les Perles du Ciel de Tarim » ?

Le ciel me fascinait au Yémen. Il est impressionnant, grand, étendu, dégagé il n’y a rien qui cache la vue ; seulement peuplé de milliers d’étoiles brillantes. Je me disais souvent que ces étoiles étaient hors du commun et qu’elles méritaient d’être connues tout comme les sagesses de Tarim et j’ai donc combiné les deux dans le titre.

Pourquoi as-tu choisi d’écrire un livre sur ta vie là-bas?

Au bout de quelques semaines d’émerveillement, je me suis dit que je ne devais pas perdre ces « Perles », que ma mission était de les partager. Il n’y a pas de coïncidence dans la vie, je n’étais pas là par hasard. Donc, j’ai commencé à écrire un journal intime quand j’en trouvais l’occasion. Une des enseignantes à Tarim m’avait offert un beau, volumineux cahier rose fleuri et c’est celui que je choisis pour écrire mon aventure.

À qui le livre est-il adressé ?

À tous ceux qui ont un intérêt pour la découverte d’autres cultures, de Tarim et aussi de l’islam. J’espère de tout cœur que mon récit pourra aider les étudiants des sciences islamiques qui vivent ou ont vécu la même situation que la mienne, à se retrouver et à s’identifier. Parfois certaines circonstances créent des doutes en nous en ce qui concerne notre foi, l’islam et notre véritable rôle à jouer dans ce monde, et en prenant connaissance des épreuves que d’autres ont traversées, on trouve la force de continuer et de se repositionner sur ce chemin unique et incroyable qui est la quête de Dieu. J’aimerais aussi que cette lecture accompagne les personnes désirant se convertir à l’islam et les motive à entrer dans notre grande famille.

Si tu pouvais prendre une chose que les habitants de Tarim possèdent, que serait-ce ?

L’adab ! Le beau comportement, sans hésitation. J’admire tant ces cultures qui ont du respect pour la religion, les parents, les enseignants, les personnes âgées et les endroits sacrés ! Je dis « ces cultures », car je n’ai pas seulement appris de la culture tarimienne, mais peut-être même plus des cultures malaisiennes et indonésiennes qui sont extrêmement polies et respectueuses. Cela m’a permis de constater ce qu’il nous manquait en Occident. Nous nous sommes beaucoup éloignés de la nature véritable de l’être humain qui est de s’émerveiller devant plus grand et plus érudit que soi. Nombreuses sont les activités des enfants et des adultes qui n’apportent aucune richesse spirituelle ; on devrait peut-être plutôt passer, tous ensembles, quelques semaines/mois à apprendre de ces peuples si souriants, innocents et généreux.

Qu’est-ce que tu as trouvé plus facile là-bas que dans d’autres cultures/pays et plus difficile ?

J’ai vécu dans quatre pays différents avant le Yémen, tous en Europe. Le Yémen est le premier pays du Moyen-Orient dans lequel j’ai vécu et bien-sûr le choc culturel a été dur. Néanmoins, Tarim n’est pas le Yémen non plus. C’est une ville particulière dans une région fortement attachée à la tradition locale. Le Nord du Yémen où Sana’a et ‘Aden se trouvent, ont certainement des cultures et des coutumes bien distinctes et peut-être plus souples. Pour en revenir donc à mon expérience plus technique, mon inscription à Dar az-Zahra n’a nécessité aucune formalité, ni conditions particulières, ni diplômes spécifiques. La motivation suffisait ce qui m’a énormément plu. Le contact avec les gens est très simple, même avec ceux qui ont une certaine position dans la société. On se sent à l’aise tout de suite. On peut retourner chez soi, pour des vacances, quand on veut, même en plein milieu du trimestre, l’administration ne va pas poser de questions. Pour certaines étudiantes, la difficulté était de ne pas pouvoir sortir de Dar az-Zahra excepté pour la sortie mensuelle chez la famille ou les amies. Ce règlement s’applique aux femmes non-mariées. À Dar al-Moustafa, les étudiants célibataires peuvent sortir. Les femmes et les hommes célibataires doivent vivre dans les instituts, seulement les familles peuvent vivre à l’extérieur et louer ou acheter leur maison. Les hommes sont extrêmement protecteurs envers les femmes, ce que j’ai beaucoup apprécié ; c’est une qualité essentielle que les hommes, pour beaucoup, ont gardé dans cette partie du monde.

Le peuple, d’une manière générale, n’a pas d’à priori sur les autres pays ou cultures. Personne n’a jamais relevé d’une manière négative que je sois du pays d’où je viens. Ils sont immensément ravis de rencontrer des frères et sœurs venus de loin. Il n’y a pas beaucoup de règles sociétales. Ce qui est bien et moins bien ! On peut attendre le taxi pendant des heures sans exagération. Il nous dit d’attendre, qu’il est sur la route… Des demi-journées sont gaspillées à attendre des gens, des papiers ; des rendez-vous sont annulés sans préavis… Il n’y a pas d’ordre et de système établi pour éviter ce genre de désagréments. Même s’ils sont parfois agacés, les locaux sont habitués, ils vivent comme cela.

La culture yéménite est éloignée de la culture française ou occidentale et c’est vrai que cela peut froisser. Notre culture influence invariablement la façon dont nous percevons la société, les rôles des hommes et des femmes, la famille… Il faut s’attendre à ne pas être toujours compris. Néanmoins, l’islam a plusieurs facettes et cela m’a pris du temps de comprendre ce point si essentiel.

Y a-t-il un aspect de ton séjour que tu aurais aimé améliorer ?

La nourriture. Je ne me suis jamais autant rendue compte de l’importance de bien manger que là-bas. Les repas sont – ou devrais-je dire « étaient » car il y a eu des améliorations de ce côté-là ainsi que sur d’autres éléments – très basiques à Dar az-Zahra, pas assez riches en nutriments. J’avais beaucoup de carences, qui provoquaient des trous de mémoire, je mémorisais et j’oubliais ; j’étais souvent malade et faible. Une bonne alimentation est essentielle à tout moment et surtout lorsque l’on étudie. Néanmoins, ce monde n’est jamais parfait. Lorsqu’Allah enlève un élément, Il enrichit une autre partie, et à Tarim, c’est la spiritualité et l’amour pour le Prophète ﷺ) – la nourriture pour le cœur – qui est présente en abondance.

Recommanderais-tu cet endroit aux musulmans de France pour de longues études comme tu l’as fait, ou pour une simple visite de quelques jours ou semaines ?

Tout dépend de ce que la personne recherche. Je ne recommanderais pas à un nouveau converti qui a très peu de connaissances de la religion (comme je l’étais quand je m’y suis rendue) d’y aller avec l’intention d’étudier à Dar az-Zahra ou à Dar al-Moustafa. La connaissance de l’arabe avant de s’y rendre est primordiale ainsi que celle de l’islam. La culture islamique de Tarim lui est propre et ce n’est pas celle que l’on retrouve ailleurs ; si l’on n’a pas de connaissances de fiqh et une certaine lucidité et souplesse quant à la pratique de la religion où que l’on se trouve, le séjour risque d’être difficile et déroutant. Tarim est un centre spirituel de haut niveau. La découverte de la religion doit se faire dans son environnement et sa culture ou dans une atmosphère proche de ceux-ci avec des enseignants qualifiés donneurs de bons conseils.

Quant à celui qui cherche à se perfectionner, il pourra trouver son bonheur dans une aventure comme celle-ci.

En revanche, la dowra en juillet est un stage extraordinaire pour tout le monde. Les cours sont dispensés par des érudits et traduits en plusieurs langues. L’emploi du temps est beaucoup plus agréable et relâché.

En ce qui concerne une simple visite, elle est bonne à faire tout au long de l’année, car Tarim a des secrets à dévoiler pour chacun à n’importe quel moment. Tous les mois pratiquement, il y a un événement à fêter. Mon conseil serait de la faire durant le mois de rabi’ al-awwal qui est un mois exceptionnel. Je n’ai pas revécu ce mois béni avec tant d’intensité, de lumière et d’amour depuis. Le mois du ramadan est aussi un mois magnifique à Tarim, surtout quand il coïncide avec la dowra.

Qu’est-ce qui t’as poussée à rester là-bas si longtemps malgré les difficultés ?

Je ne me voyais pas retourner en Europe avec si peu de bagages. Mon intention était de rester au moins cinq ans ! Je ne savais pas où aller pour continuer mes études et Tarim était toujours mieux que ce que j’avais auparavant. Je voulais également me dépasser. Si l’on baisse les bras à chaque difficulté, on risque de ne pas aller bien loin dans la vie. Lorsque la Jordanie m’a été proposée, j’ai pris les devants et une nouvelle porte s’est ouverte. Cette attente a été une bénédiction, car de nombreuses prières que j’avais faites à Tarim durant ces deux ans et demi se sont réalisées dans ce magnifique pays qu’est la Jordanie.

Que veux-tu transmettre par ce livre ? Qu’aimerais-tu que l’on retienne le plus ?

J’aimerais faire connaître un univers bien différent de ce que l’on peut s’imaginer, et aller à l’encontre du courant négatif et malveillant qui prône la haine et la peur. Le monde est en réalité bien plus beau que ce que l’on entend. Nous ne devons pas laisser les médias, la société, le système éducatif ou autre décider de la façon dont nous percevons les autres cultures, religions… L’islam est magnifique et engendre des êtres bons et désintéressés. Le Yémen n’est pas qu’un pays en guerre ! C’est une terre incroyable, dotée d’une histoire et d’un peuple hors du commun. Il y a tant à découvrir ! Les choses ne sont jamais comme elles paraissent et c’est une des leçons les plus importantes que l’islam nous apprend au quotidien. J’aimerais que les lecteurs soient transportés par ce monde inconnu et qu’ils réfléchissent. J’aimerais tant que notre vision « de l’autre », que l’on a où que l’on se trouve, change de manière positive !

Et en ce qui concerne les musulmans particulièrement, et encore plus spécifiquement ceux d’Occident, j’aimerais faire passer un message : la bonne compréhension et pratique de l’islam n’est pas réservée qu’à un seul groupe. D’après mon expérience, il est incroyable de constater que les musulmans les moins tolérants entre eux et avec les autres sont ceux d’Occident, alors que leur environnement est on ne peut plus libéral ! C’est un paradoxe qui me pousse à penser qu’étant dénués de culture islamique, les musulmans occidentaux se créent une identité islamique rigide – qui n’existe pas dans le monde musulman – et tous ceux qui ne s’y conforment pas sont rejetés en tant qu’amis ou connaissances et parfois même carrément en tant que musulmans ! Allah ne nous a pas tous créés de la même manière ; les personnalités et les besoins sont différents. Tant que l’on ne va pas à l’encontre des points qui ne peuvent être altérés dans la religion, chacun a le droit de vivre son islam de la manière qui lui correspond le mieux. Il n’y a aucune nouveauté de ce côté-là.

Pourquoi une deuxième édition ? Quelle est la différence avec la première ?

Le premier livre a été auto-édité, même si mes amies et moi avons passé beaucoup de temps à le peaufiner, il restait des coquilles et la mise en page n’était pas excellente. De plus, le prix du livre était cher, peut-être à cause des photos en couleur. Pour ces raisons, peu de temps après sa publication, je pensais déjà à une deuxième édition. Alhamdoulillah, quelques semaines plus tard, je m’entretenais avec la maison d’édition Halfa qui acceptait de le republier. Il n’y a pas de grands changements, mais seulement des petits ajouts et retraits. Le deuxième tirage n’a pas de photos – elles seront dorénavant disponibles sur le site de Halfa –, le prix est plus abordable ; il y a deux dates supplémentaires et la couverture est légèrement différente. La première édition a la particularité d’avoir été un travail de collaboration unique de frères et de sœurs non-professionnels dont la sincérité et les prières pour le succès du projet ont porté leurs fruits à travers la deuxième édition améliorée. Qu’Allah récompense les lecteurs pour leur enthousiasme et leur contribution quelle qu’elle soit, amen.

Une fois la nouvelle édition du livre disponible, nous vous enverrons le lien par email.
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La question Où est Allâh fait-elle partie de la ‘Aqida

 

 

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BismiLlâhi ar-Rahmani ar-Rahim [1],

La question « Où est Allâh » fait-elle partie de la ‘Aqida (Croyance Musulmane) ?

Il est important que cette question soit étudiée et abordée car il y existe aujourd’hui une confusion et une mauvaise compréhension et certains prétendent à tort que cette question concerne la Foi ou le Credo. Nous verrons dans cet article qu’il en est autrement.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais évoquer quelques points, en introduction.

Il y a consensus parmi les savants sur le fait qu’en matière de Croyance, seuls les récits dits « Mutawatir » peuvent être pris en compte. De quoi parle-t-on quand on emploie de terme Mutawatir ? Il s’agit en fait de Hadiths rapportés dans la période bénie du Salaf (par les Sahabas, les Tabi’ins et les Tab at-Tabi’ins), sans interruption et par un nombre de transmetteurs tellement large qu’il est impossible qu’ils aient pu faire une erreur ou mentir. Tous les savants sont d’accord sur le fait qu’en matière de Croyance, seuls les récits dits « Mutawatir » peuvent être pris en compte.

Il existe une légère divergence concernant les récits dits « Wahid ». De quoi parle-t-on quand on emploie de terme Wahid ? Il s’agit en fait de Hadiths rapportés dans la période bénie du Salaf (par les Sahabas, les Tabi’ins et les Tab at-Tabi’ins) sans interruption, mais rapportés par seulement un ou deux narrateurs. Ainsi, leur nombre ne suffit pas à atteindre le statut de Mutawatir. Il existe une légère divergence entre les savants quant à savoir si on peut prendre en compte les récits dits « Wahid » concernant les questions de Croyance.

Dans son commentaire du Sahih de Boukhari (al-Fath al-Bari) [2], l’Imam ibn Hajar al-‘Asqalani (rahimahouLlâh) mentionne qu’à chaque fois que l’Imam al-Boukhari (rahimahouLlâh) aborde, dans son Kitab at-Tawhid [3], la ‘Aqida (concernant les Attributs d’Allâh ou toute autre chose), il mentionne également un verset du Coran. En agissant ainsi, l’Imam al-Boukhari indique que son madhhab (école), c’est qu’en terme de ‘Aqida, il faut des récits dits « Mutawatir », car le Coran est Mutawatir.

J’aimerai maintenant que nous analysions un Hadith dans lequel il est rapporté que le Prophète Muhammad (salallahou ‘alayhi wassalam) demanda à une esclave/servante « Ou est Allâh », ce à quoi il est dit qu’elle répondit : « Dans le ciel (fi as-sama) », après quoi le Prophète répondit : « Libérez la, car c’est une croyante ».

Ce Hadith a été rapporté dans différentes versions et les savants en ont donné plusieurs interprétations. Dans le Muwatta du grand Imam du Hadith, l’Émir des Croyants dans le Hadith, l’Imam Malik ibn Anas (radhia Allâhou ‘anhou), il mentionne [4] que quand le Prophète questionna la servante sur « Ou est Allâh », elle répondit : « Dans le ciel (fi as-sama) », après quoi il demanda : « Qui suis-je ? » et elle dit : « Tu es le Messager d’Allâh » ; et il dit : « Libérez la, car c’est une croyante » [5]

L’Imam Malik mentionne ensuite le Hadith dans une version différente. Dans cette version, le Prophète ne pose pas à l’esclave la question « Où est Allâh », il lui demande : « Témoignes-tu qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allâh ? » et elle répondit que oui. Il lui demanda : « Témoignes-tu que je suis le messager d’Allah ? » et elle acquiesça une nouvelle fois. Il dit alors « Libérez-la ! » [6]

C’est donc une des variantes, rapportées ici par l’Imam Malik.

De la même manière, dans « Nayl al-Awtaar », l’Imam ash-Shawakani (rahimahuLlâh) [7] rapporte également différentes versions de ce Hadith dit « de la servante ». Dans une des narrations, rapportée par l’Imam Ahmab ibn Hanbal (radhia Allâhu ‘anhu) et l’Imam an-Nasa’ï (rahimahuLlâh), il est dit que le Prophète demanda : « Qui est ton Seigneur ? » à quoi elle répondit : « Allah », puis il reprit : « Et qui suis-je ? » ce à quoi elle répondit : « Tu es le Messager d’Allah », après quoi il déclara : « Libérez là, car c’est une croyante ». [8]

Toujours dans « Nayl al-Awtaar » [9], l’Imam ash-Shawakani (rahimahuLlâh) rapporte que le Prophète demanda à la servante « Ou est Allâh », suite à quoi elle pointa son doigt vers le ciel. A aucun moment elle ne dit « Dans le ciel (fi as-sama) », elle se contenta de pointer son doigt vers le ciel.

On observe donc que ce Hadith a été rapporté dans de nombreuses variantes. Dans certaines, le Prophète Muhammad demande « Ou est Allâh », dans d’autres il demande « Témoignes-tu qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allâh »… il y a donc plusieurs versions.

La version la plus authentique, celle dans laquelle il n’y a pas de changement de mots, celle qui doit donc être privilégiée, est celle qui est rapportée par l’Imam Muslim (rahimahuLlâh) dans son Sahih. Rappelons-nous néanmoins que ce hadith fait aussi partie des récits dits « Wahid » et non des récits dits « Mutawatir ».

Si on regarde dans le Sahih de Muslim [10], l’Imam mentionne cette narration dans laquelle le Prophète interrogea l’esclave.

Il est important de comprendre qu’aucun savant parmi les Muhaddithun n’a commenté ce hadith en disant qu’il se rapporte à la Croyance (‘Aqida) ou à la Foi (Imane). Strictement aucun !

Le grand savant du Hadith, l’Imam an-Nawawi (rahimahuLlâh), qui est l’auteur d’un des meilleurs commentaires du Sahih de Muslim, a écrit que :

«  Le but était de tester la jeune esclave : était-elle une monothéiste qui affirme que le Créateur, Celui qui Dispose, Celui qui Fait, est Allah seul et que c’est Lui qui est invoqué quand une personne adresse sa demande (du’a) en se tournant vers le ciel  – de la même façon que celui fait la prière (salat) se dirige vers la Kaaba, car le ciel est la qibla des suppliants comme la Kaaba est la qibla des prieurs – ou était-elle une adoratrice des idoles qu’ils plaçaient devant eux ? Ainsi, lorsqu’elle a dit « dans le ciel », il était clair qu’elle n’était pas une adoratrice des idoles. » [11]

Quant au grand savant Malikite, al-Qadi ‘Iyad (rahimahuLlâh), une autorité pour les Muhaddithun, il rapporte l’Ijma (le consensus) suivant :

«  Il n’existe pas désaccord parmi les musulmans, du premier jusqu’au dernier – leurs savants de la jurisprudence, leurs savants du hadith, leurs savants en théologie, à la fois ceux capables d’un effort de déduction scientifique et ceux qui suivent la doctrine d’un autre – que les preuves scripturaires qui mentionnent qu’Allah serait « dans le ciel », comme Ses mots : « Êtes-vous à l’abri que Celui qui est au ciel vous enfouisse en la terre » et d’autres, ne sont pas tels que leur sens littéral (dhahir) semble signifier, mais plutôt, tous les savants les interprètent autrement que dans leur sens apparent. » [12]

Dans un de ses ouvrages, l’Imam ‘Ali Qari (rahimahuLlâh) cite aussi l’imam al-Qadi ‘Iyad déclarant que lorsque le Prophète questionna la servante par « Où est Allâh », son intention n’était pas de définir un endroit pour Allâh, car Allâh n’est pas concerné par l’endroit, Il est le Créateur des endroits, Il n’a nul besoin de l’endroit, de la même manière qu’Allâh n’est pas concerné par le temps qui est aussi une de Ses créatures. Le Prophète Muhammad voulait savoir si cette femme était une croyante ou une associatrice (mécréante) car les mécréants avaient pour habitude d’adorer des idoles fabriquées et de les voir en face d’eux. Cette question permettait donc de savoir si oui ou non elle était croyante [13].

L’Imam Qourtoubi (rahimahuLlâh) et l’Imam Baydawi (rahimahuLlâh) ont également mentionné la même chose en commentaire de ce Hadith.

Dans le commentaire du Sahih de Muslim [14] de l’Imam Muhammad ibn Khalifa (rahimahuLlâh), on trouve exactement la même explication que celles données par les autres grands Imams.

Le Hadith dont nous discutons peut aussi être trouvé dans Abu Dawud (rahimahuLlâh) dans une version similaire à celui se trouvant dans le Sahih de Muslim. Lorsque l’on regarde dans le très bon commentaire (sharh) des Sunnans d’Abou Dawud [15], écrit par Muhammad al-Khatabi (rahimahuLlâh), on peut y lire l’explication qu’il donne concernant ce Hadith. Il dit que cette question posée par le Prophète Muhammad ne concernait pas l’Imane ou la ‘Aqida, mais plutôt qu’il cherchait un signe lui permettant de savoir si cette femme était ou non croyante. L’Imam al-Khatabi apporte ensuite des preuves. Il dit : « Si un non croyant vient vers nous et qu’il souhaite accepter l’Islam et qu’il dit simplement « Allâh est dans le ciel », il ne deviendra pas Musulman. Il ne deviendra pas Musulman car cette déclaration ne fait pas partie de la Foi Musulmane. S’il souhaite devenir Musulman il devra dire le Kalima, il devra prononcer la Shahada [16] et c’est uniquement à ce moment-là qu’il deviendra Musulman. » Ceci est un dalil (preuve) très fort prouvant que cette question ne concerne pas la ‘Aqida.

De même, lorsque le Prophète Muhammad fut questionné par sidna Jibril (‘alayhi salaam) à propos de la Foi (Imane), jamais il n’évoqua cette question. Il dit : « Al-Imane, c’est que tu aies foi en Allah, en Ses Anges, en Ses Livres, en Ses Messagers et en le Jour Dernier. Que tu aies foi aussi en la destinée, que cela concerne le bien ou le mal. »


Il apparaît donc clairement que :

1/ la question « Ou est Allâh » n’a strictement rien à voir avec la ‘Aqida (Croyance), ni avec la Foi (Imane) ou avec le Credo.

2/ le hadith de la servante a été étudié et interprété par de très grands et très nombreux Muhaddithun (an-Nawawi, al-Qourtoubi, al-Qadi ‘Iyad, Mula ‘Ali Qari, al-Baydawi, al-Khattabi, Badr Ad-Deen Al-Ayni…).

3/ ce hadith est « Wahid » et il est très difficile de prendre ce type de narrations concernant la ‘Aqida, comme stipulé par l’Imam al-Boukhari.

4/ au regard des interprétations qui ont été faites de ce Hadith, il est impossible d’arriver à la conclusion qu’il concerne la ‘Aqida et d’ailleurs aucun de ces Muhaddithun n’a dit qu’il concernait la ‘Aqida.

Certains frères utilisent un livre de l’Imam Ad-Dhahabi (rahimahuLlâh) [18] pour argumenter leur point de vue, mais même là, quand on regarde dans son livre, on voit qu’après avoir cité les différentes versions du Hadith, l’imam conclu en disant que : « la seule chose qu’on peut conclure à partir de ces narrations, c’est que poser la question « Ou est Allâh »  est permis (jai’z ou moubah) ».

Qu’est-ce qu’une chose permise ? Si vous l’accomplissez, vous ne récoltez aucune récompense et si vous ne la faites pas, vous ne récoltez aucun péché.

Pour donner un exemple : manger une pomme après salat ad-Dhur est permis.

Maintenant, imaginez qu’une personne vienne et affirme que manger une pomme après salat ad-Dhur est obligatoire (fard), que cela fait partie de la ‘Aqida, que cette personne fait le tour des gens pour leur dire qu’ils doivent manger une pomme après salat ad-Dhur, parce que c’est obligatoire. Il  insiste, puis ils leur posent la question : « pourquoi ne manges-tu pas une pomme après la salat » ? Il sera facile de conclure que cette personne est une fiteen (qui sème le désordre/la discorde).

Il est établi dans le Sahih de Muslim que le Prophète a posé cette question, mais il est également établi que cette question n’a vraiment rien à voir avec la Croyance mais qu’elle est juste une chose permise, rien de plus. De même, la réponse fournie par la servante dans une des versions ne constitue en rien un élément constitutif de la ‘Aqida.


Alors, pourquoi en faire une question si importante ? Ceci est une bida’a !

Certains objecterons : « Es-tu en train de dire que le Prophète Muhammad a fait une bida’a ? » Non, non et encore non ! Le Prophète Muhammad a posé cette question, mais il ne l’a pas fait avec une intention de ‘Aqida ou d’Imane.

Qu’est-ce que l’innovation (bida’a) ? Ce n’est pas juste le fait d’apporter quelque chose de nouveau dans la Religion. Les savants ont clairement stipulé que le fait d’élargir ou d’affaiblir quelque chose qui est déjà établi est aussi une bida’a. Ainsi, rabaisser le statut de quelque chose de Fard (obligatoire) vers un statut de Sunnah est une bida’a. De même, donner le statut d’obligatoire à quelque chose qui est Sunnah est aussi une bida’a.

Alors que dire de faire passer quelque chose du statut de « permis », qui est son statut maximum selon l’imam ad-Dhahabi, au statut d’élément fondamental de la ‘Aqida ? Ceci constitue une innovation blâmable.


Enfin, pour conclure, je voudrai poser la question suivante :

Si vraiment cette question « Où est Allâh » et sa réponse « Dans le ciel (fi as-sama) » faisait vraiment partie de la ‘Aqida, alors pourquoi l’Imam Muslim aurait-il placé ce Hadith dans le chapitre de la Salat (Kitab as-Salat) ? Pourquoi n’en a-t-il pas fait mention dans le chapitre de la Foi (Kitab al-Iman)? Quand on analyse ce chapitre de la Salat, on trouve que tous les Hadiths qui se situent avant et après celui dont il est question parlent effectivement de la Salat. Pourquoi l’Imam Muslim ne l’a-t-il pas placé dans le 1er chapitre, celui qui concerne la Foi ? Par ce choix délibéré, l’Imam Muslim confirme et informe lui-même le lecteur que ce Hadith et cette question n’ont aucun rapport avec la ‘Aqida ou la Foi, sinon il est évident qu’il aurait placé le Hadith dans ce chapitre.

Tous ces éléments sont suffisants pour que le croyant sincère comprenne que :

1/ cette question n’a rien à voir avec la Croyance,

2/ la réponse fournie par la servante dans l’une des versions (dans le ciel), n’est en rien un argument pouvant servir à localiser Allâh dans un endroit ou dans une direction (qu’Allâh nous préserve d’une telle croyance).

 

Al-HamduliLlâh !

Qu’Allâh nous donne la bonne compréhension de Sa Religion.


Notes :

[1] Article basé sur un travail de Sheykh Muhammad Yasir al-Hanafi
[2] Al-Fath al-Bari, volume 13, pg. 410
[3] Le livre de l’Unicité (concernant la Croyance)
[4] Malik ibn Anas, Muwatta, pg. 540
[5] Le même Hadith peut être trouvé dans le Sahih de Muslim, 5 vol. Le Caire, 1376/1956. Édition. Beyrouth : Dar al-Fikr, 1403/1983, 1.382: 538
[6] Ce Hadith peut également être trouvé dans Al-Musannaf, 11 vol. Beyrouth : al-Majlis al-Ilmi, 1390/1970, 9.175: 16814
[7] Imam ash-Shawakani, Nayl al-Awtaar, vol. 5 & 6
[8] Ce Hadith peut également être trouvé dans Al-Ihsan fi taqrib Sahih Ibn Hibban, 18 vols. Beyrouth : Muassasa al-Risala, 1408/1988, 1.419: 189 (avec une chaîne de transmission bien authentifiée (hasan).
[9] Imam ash-Shawakani, Nayl al-Awtaar, vol. 7 & 8
[10] Sahih de Muslim, pg. 372 et pg. 204
[11] Sahih de Muslim bi Sharh an-Nawawi. 18 vols. Le Caire 1349/1930. Édition (18 vols. en 9). Beyrouth : Dar al-Fikr, 1401/1981, 5.24
[12] Sahih de Muslim bi Sharh al-Nawawi, 5.24
[13] Dans Mirqat al-Mafatih Sharh Mishkat al-Masabih 11 vol par ‘Ali al-Qari
[14] Muhammad ibn Khalifa al-Washtani al-Ubbi, Ikmal Ikmal al-mu’allim, pg. 338, vol 2
[15] Ma’alim as-Sunan Sharh Kitab Sunan Abu Dawud, par Abu Suleyman Hamd ibn Muhammad al-Khatabi al-Busti
[16] C-à-d- : Ash-hadu An-Laa Ilaha Illa-Allaah wa Ash-hadu Anna Muhammadan Rasool-Allaah
[17] Kitab Sharh Musnad Abu Dawud par l’Al-Imam Badr Ad-Deen Al-Ayni Al-Hanafi
[18] Imam Dhahabi – Kitaab al-Arsh