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L’exagération dans les éloges sur le Prophète

 

Sheykh Muhammad ibn ‘Alawi al-Mâlikî al-Hassanî [1] [2]

 

 

Eloges Prophète

 

 

Certains ont compris la parole du Prophète ﷺ : « Ne me prodiguez pas d’éloges excessifs comme l’ont fait les chrétiens pour Jésus », comme étant une interdiction de lui faire des éloges ﷺ et ont considéré que tout éloge est exagération exécrable faisant tomber dans le polythéisme. Ils estiment donc que toute personne lui faisant des éloges le distinguant des autres êtres humains et citant ses particularités, est hérétique et irrespectueuse de la Sunnah du Maître des Envoyés.

Cette approche est complètement fallacieuse et démontre un manque de lucidité chez celui qui la soutient, car le Prophète ﷺ a interdit de lui prodiguer des éloges comme ceux faits par Chrétiens pour Jésus lorsqu’ils ont affirmé qu’il était fils de Dieu.

Ce qui veut dire que celui qui décrit le Prophète ﷺ comme les chrétiens ont décrit leur Prophète, devient connue eux.

Par contre celui qui fait son éloge en lui attribuant des qualités qui ne le détachent pas de la vérité humaine et donc de son adamisme et qui est convaincu qu’il est le serviteur de Dieu et Son Messager, est à considérer comme un homme dont la conviction en l’Unicité de Dieu, est des plus parfaites.

Le poète dit à ce propos :

« Laisse ce que les Chrétiens ont prétendu à propos de leur Prophète et prodigue lui les éloges que tu veux. Car le mérite du Messager de Dieu n’a pas de limite. On ne peut l’exprimer par la parole. Le summum du savoir le concernant, c’est que c’est un être humain et qu’Il est la meilleure de toutes les créatures de Dieu. »

D’ailleurs Dieu lui même à fait l’éloge de Son Prophète l’Elu ﷺ en disant : « d’un caractère sublime ».

Dieu nous a également ordonné la politesse lorsque nous nous adressons au Prophète, ou nous lui répondons : « Ô vous qui avez cru, n’élevez pas vos voix au dessus de celle du Prophète ».

Dieu nous a aussi interdit de nous comporter avec lui de la même manière que nous nous comportons les uns envers les autres ou de l’appeler de la même façon que nous nous appelons les uns les autres. Il a même critiqué ceux le traitent sur un pied d’égalité avec les autres en disant : « Ceux qui t’appellent (à grands cris) de derrière tes appartements, sont pour la plupart des insensés ».

D’ailleurs, les nobles compagnons du Prophète ﷺ faisaient ses éloges en poésie et en prose.

Ainsi, le grand poète Hassâne ibn Thâbit (RAA) a fait l’éloge du Prophète dans plusieurs poèmes dont nous citons quelques passages :

« Dieu a joint à Son Nom, celui du Prophète, en appelant à la prière le ‘Muezzine’ [3] a attesté de cela. Ô appui de celui qui en a besoin et refuge de celui qui cherche asile, Secours et protecteur de celui qui cherche protection ».

Safia, la fille d’Abdalmouttalib, dans un éloge funèbre à la suite de la mort du Prophète ﷺ a dit :

« Ô Messager de Dieu ! Tu étais notre espoir, et tu étais clément vis-à-vis de nous et tu ne nous a jamais éloignés de toi, Tu étais miséricordieux, guide et enseignant, Que te pleure aujourd’hui tout pleureur ».

Ka’b ibn Zouhayr, faisant l’éloge du Prophète a dit :

« Le Messager est une lumière éclairante, C’est l’épée puissante de Dieu ».

Dans une version, le Prophète ayant entendu le dernier vers a enlevé sa cape et l’a mise sur les épaules du Poète.

Le Prophète ﷺ a même fait ses propres éloges en disant :

– Je suis le meilleur des gens de la droite (Paradis),
– Je suis le meilleur des Prédécesseurs,
– Je suis le plus vertueux des fils d’Adam et le plus noble d’entre eux auprès de Dieu, sans orgueil. [4]

Il a aussi dit :

« Aucun de mes ancêtres n’a connu de rapport sexuel illégal » [5]

L’ange Gabriel (sur lui le salut) a dit :

« J’ai parcouru la terre d’Est en Ouest et je n’ai pas vu un homme meilleur que Muhammad, ni de parents meilleurs que Banû Hachim » [6]

D’après Anas (RAA) :

« La nuit du voyage nocturne, le Prophète voulut monter sur le dos du ‘Bourâqa’ [7], ce dernier se refusa, Gabriel lui dit : Comment oses -tu faire cela avec Mouhammad? Tu n’as jamais porté sur ton dos plus noble que lui auprès de Dieu. Le Bourâq se mit alors à suer très fort ». [8]

Dans un hadith cité par Abou Sa’id, le Messager de Dieu ﷺ a dit:

« Je serai le seigneur des fils d’Adam le jour de la résurrection, je le dis sans orgueil, entre mes mains sera l’étendard de louange, je le dis sans orgueil. Tous les Prophètes, ce jour là, à commencer par Adam, seront sous mon étendard, je serai le premier qui sortira de sous la terre, je le dis sans orgueil » [9]

D’après Anas, le Messager de Dieu ﷺ a dit :

« Lors de la résurrection, je serai le premier des hommes à sortir, en résurrection je serai le chef des ressuscités dans leur marche, leur orateur lorsqu’ils écouteront, leur intercesseur lorsqu’ils seront emprisonnés et leur réconfort lorsqu’ils auront perdu espoir. Ce jour, la dignité et les clefs seront entre mes mains ainsi que l’étendard des louanges. Et je serai le plus noble des fils d’Adam auprès de Dieu, je serai entouré de mille serviteurs semblables à des perles éparpillées » [10]

Enfin, d’après Abou Hourayra, le Prophète ﷺ a dit :

« Je serai le premier à émerger de la terre, on me vêtira d’un habit du Paradis, puis je me tiendrai à la droite du Trône divin, personne d’autre que moi n’atteindra cette position » [11]

Et Allâh est plus Savant.

 

Notes :

[1] Lire la bibliographie du Sheykh Muhammad ibn ‘Alawi al-Mâlikî al-Hassanî
[2] Tiré de l’ouvrage « Acceptions à corriger »
[3] Celui qui appelle à la prière
[4] Cité par At-Thirmidhi et Ad-Darami
[5] Rapporté par ibn ‘Umar al ‘Yni dans son Musnad
[6] Rapporté par Al-Bayhaqi, Abu Nu’ayme, At-Tabarani d’après ‘Aïsha – Que Dieu l’agrée –
[7] Monture envoyée par Allâh pour porter le Prophète
[8] Rapporté par les deux Sheykh (Bukhari et Muslim)
[9] Rapporté par At-Thirmidhi qui a affirmé son authenticité
[10] Rapporté par At-Thirmidhi et Ad-Darami
[11] Rapporté par At-Thirmidhi qui l’a qualifié d’authentique


S
heykh Muhammad Sayyid al-‘Alawî al-Mâlikî

Par son élève Fakhruddin Owaisi al-Madani

 

AL-ALAWIMALIKI-copie-1

 

Introduction

 

Parmi les grands érudits de l’Islam traditionnel de l’époque contemporaine, As-Sayyid Muhammad Ibn Alawi al-Maliki fut, sans l’ombre d’un doute, le savant le plus respecté et aimé de la ville sainte de la Mecque. Il fut un descendant du Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam), chef des Ahl ul-Bayt, Imam du hadith de notre époque, une autorité dans les quatre Madhhabs, un guide spirituel de la plus haute station, appelant à Allâh et ayant une réputation sans précédent dans le monde de la science islamique traditionnelle.

 

Sa Famille

 

Descendant de la noble et célèbre famille Al-Maliki Al-Hasani de La Mecque, le Sayyid est directement relié au Prophète bien-aimé lui-même, par l’intermédiaire de son petit-fils, l’imam al-Hassan Ibn Ali, puisse Allâh être satisfait de lui. La famille Maliki, l’une des plus respectées de la Mecque, a vu plusieurs de ses membres se succéder depuis des siècles au poste d’enseignant à la Mosquée Sacrée dont cinq des ancêtres du Sayyid furent même imams d’obédience malikite dans cette dernière.Son grand-père, As-Sayyid Abbas al-Maliki fut le Mufti de la Mecque ainsi que Qadi (juge), Imam et Khatib [1] de la Mosquée Sacrée. Il occupa ce poste durant l’époque Ottomane puis hachémite, et continua à le tenir après que le royaume saoudien fut créé. Le défunt roi Abd al-Aziz ben Saoud avait beaucoup de respect pour lui. Pour en savoir plus sur lui, on peut consulter Nur al-Nibras Asanid fi as-Sayyid al-Jadd Abbas par son petit-fils as-Sayyid Muhammad al-Maliki.Son père, Alawi as-Sayyid al-Maliki fut, quant à lui, l’un des plus grands savants de la Mecque du siècle précédent. Il enseigna diverses sciences islamiques traditionnelles à la Mosquée Sacrée de la Mecque pendant près de 40 ans! Parmi les centaines d’étudiants venus du monde entier bénéficier de ses enseignements à la Mosquée Sacrée, nombreux occupent aujourd’hui des postes religieux. Le défunt roi Faysal ne prenait aucune décision sur Mekkah sans consulter préalablement as-Sayyid ‘Alawi. Il décéda en 1971 et ses funérailles furent les plus importantes à la Mecque en 100 ans! Pendant les trois jours qui ont suivi sa mort, les stations de radio locales saoudiennes diffusèrent uniquement des récitations du saint Coran. C’est un événement qui lui fut entièrement dédié. Pour en savoir plus sur Sayyid al-Alawi, il est possible de consultez sa biographie appelée Safhat Mushriqah min Hayat al-Imam as-Sayyid al-Sharif ‘Alawi bin Abbas al-Maliki écrite par son fils, le savant érudit as-Sayyid Abbas al-Maliki, qui est le jeune frère de Sayyid al-‘Alawi al-Maliki, beaucoup plus connu, en Arabie Saoudite, pour sa belle voix dans la récitation de Qassaid. Cette ouvrage contient des articles écrits sur Sayyid al-‘Alawi par des chercheurs à travers tout le monde islamique.

 

Sa Naissance et son éducation

 

As-Sayyid Muhammad al-Hasan Ibn ‘Alawi Ibn Abbas Ibn Abd al-Aziz naquit en 1946, dans la ville sainte de la Mecque. Issu de la célèbre famille de savants traditionnels et de Sayyid : al-Maliki al-Hasani, il eut le privilège d’avoir pour père et premier professeur le savant le plus reconnu de la Mecque. Il reçut son éducation au domicile familial et au sein de la Mosquée Sacrée (à la Mecque) où il mémorisa le Saint Coran à un jeune âge, et fut autorisé à enseigner les livres étudiés avec son père. Il étudia également les différentes sciences islamiques traditionnelles telles que la Aquida, le Tafsir, le Hadith, le Fiqh, le Usul, Mustalah, Nahw etc, auprès d’autres grands érudits de la Mecque et de Médine, qui lui accordèrent tous l’autorisation (ijaza) afin de transmettre ces sciences qu’il maîtrisait parfaitement. A l’âge de 15 ans il enseignait déjà les livres de Hadith et de Fiqh à la Mosquée Sacrée de la Mecque aux autres étudiants, et ce sur ordre de ses maîtres ! Après avoir terminé son éducation traditionnelle dans sa ville natale, son père l’envoya à al-Azhar, en Égypte, où il poursuivit ses études, et devint, à l’âge de 25 ans, le premier et le plus jeune saoudien à obtenir son doctorat au sein de cette université. Sa thèse sur le hadith fut excellente et très appréciée par les éminents ulémas d’al-Azhar de l’époque, dont l’imam Abu-Zahra.

 

Ses voyages en quête de la connaissance

 

Il est de la tradition de tous les grands ulémas de parcourir le monde pour s’enquérir de la science. Le Sayyid ne fit pas exception à la règle et, dès son plus jeune âge, voyagea à cette fin. Il parcourut ainsi l’Afrique du Nord, l’Égypte, la Syrie, la Turquie et le sous-continent Indo-Pakistanais afin d’apprendre auprès des grands savants, de rencontrer les Awliyas, de visiter des mosquées et sanctuaires, et de recueillir des manuscrits et des livres. Dans chacune de ces terres, il rencontra d’éminents savants et Awliyas dont il bénéficia immensément et qui furent en retour impressionnés par ce jeune étudiant de Makkah à qui ils donnèrent une attention particulière. Nombre d’entre eux tenaient déjà son père en grande estime et furent donc honorer de l’avoir pour étudiant.


Ses Ijazas

 

Le système traditionnel d’enseignement est fondé sur l’Ijaza ou la « permission de transmettre des connaissances ». Ainsi, seul celui qui obtient une Ijaza certifiée par des savants reconnus est autorisé à enseigner. Chaque branche de la connaissance et chaque livre de Hadith, Fiqh, Tafsir etc., possède une Sanad ou « chaîne de transmission » remontant à l’auteur de l’ouvrage lui-même en passant par ses élèves et étudiants. Beaucoup de Sanads, telles que celles relatives au Coran, Hadith, Tasawwuf remontent jusqu’au Prophète bien-aimé lui-même.Ainsi, si as-Sayyid Muhammad al-Maliki était honoré d’être le Sheykh qui, à son époque, possédait le plus grand nombre de Ijazahs, il avait également la plus courte « chaîne de transmission » remontant jusqu’à son ancêtre, le Prophète Muhammad. Cette faveur divine, ajouté au fait que le Sayyid avait, au cours de ses voyages et dans son pays d’origine, obtenu plus de 200 Ijazas des plus grands érudits de son temps, fit dès lors de sa propre Ijaza l’une des plus rares et prestigieuses au monde, reliant ses étudiants à de nombreux grands savants. Les Shouyoukhs qui lui délivrèrent leurs Ijazas étaient parmi les grands savants de tous les coins du monde islamique. Nous tenons à en mentionner quelques-uns ici :


De La Mecque :

– Son érudit père et premier enseignant, al-Sayyid Alawi bin Abbas al-Maliki
Sheykh Muhammad Yahya Aman al-Makki
– Sheykh al-Sayyid Muhammad al-Arabi al-Tabbani
– Sheykh Hasan Sa‘id al-Yamani
– Sheykh Hasan bin Muhammad al-Mashshat
– Sheykh Muhammad Nur Sayf
– Sheykh Muhammad Yasin al-Fadani
– As-Sayyid Muhammad Amin Kutbi
– As-Sayyid Ishaq bin Hashim ‘Azuz
– Habib Hasan bin Muhammad Fad‘aq
– Habib Abd-al-Qadir bin ‘Aydarus al-Bar
– Sheykh Khalil Abd-al-Qadir Taybah
– Sheykh Abd-Allah al-Lahji

De Médine :

– Sheykh Hasan al-Sha‘ir, Sheykh al-Qurra of Madinah
– Sheykh Diya-al-Din Ahmad al-Qadiri
– As-Sayyid Ahmad Yasin al-Khiyari
– Sheykh Muhammad al-Mustafa al-Alawi al-Shinqiti
– Sheykh Ibrahim al-Khatani al-Bukhari
– Sheykh Abd-al-Ghafur al-Abbasi al-Naqshbandi

De la région de Hadramawt, au Yémen :

– Al-Habib Umar bin Ahmad bin Sumayt, Grand Imam de Hadramawt.
– Sheykh al-Sayyid Muhammad Zabarah, Mufti duYemen
– Sheykh al-Sayyid Ibrahim bin Aqeel al-Ba-Alawi, Mufti de Ta‘iz
– Imam al-Sayyid Ali bin Abd-al-Rahman al-Hibshi
– Al-Habib Alawi ibn Abd-Allah bin Shihab
– As-Sayyid Hasan bin Abd-al-Bari al-Ahdal
– Sheykh Fadhl bin Muhammad Ba-Fadhal
– Al-Habib Abd-Allah bin Alawi al-Attas
– Al-Habib Muhammad bin Salim bin Hafeez
– Al-Habib Ahmad Mashhur al-Haddad
– Al-Habib Abd-al-Qadir al-Saqqaf

De Syrie :

– Sheykh Abu-al-Yasar ibn Abidin, Mufti de Syria
– Sheykh al-Sayyid al-Sharif Muhammad al-Makki al-Kattani, Mufti de l’école Malikite
– Sheykh Muhammad As‘ad al-Abaji, Mufti de l’école Shafi‘ite
– Sheykh al-Sayyid Muhammad Salih al-Farfur
– Sheykh Hasan Habannakah al-Maydani
– Sheykh Abd-al-Aziz ‘Uyun al-Sud al-Himsi
– Sheykh Muhammad Sa‘id al-Idlabi al-Rifa‘i

D’Egypte :

– Sheykh al-Sayyid Muhammad al-Hafiz al-Tijani, Imam et savant du Hadith en Egypt
– Sheykh Hasanayn Muhammad Makhluf, Mufti d’Egypte
– Sheykh Salih al-Ja‘fari, Imam d’al-Azhar
– Sheykh Amin Mahmud Khattab al-Subki
– Sheykh Muhammad al-‘Aquri
– Sheykh Hasan al-‘Adawi
– Sheykh al-Sayyid Muhammad Abu-al-‘Uyun al-Khalwati
– Sheykh Dr.Abd-al-Halim Mahmud, Recteur d’al-Azhar

D’Afrique du Nord ( Maroc, Algérie, Libye, Tunisie) :

– Sheykh al-Sayyid al-Sharif Abd-al-Kabir al-Saqali al-Mahi
– Sheykh al-Sayyid Abd-Allah bin al-Siddiq al-Ghimari, Imam et savant du Hadith
– Sheykh al-Sayyid Abd-al-Aziz bin al-Siddiq al-Ghimari
– As-Sharif Idris al-Sanusi, Roi de Libye
– Sheykh Muhammad al-Tahir ibn ‘Ashur, Imam de Zaytunah, Tunisie
– Sheykh al-Tayyib al-Muhaji al-Jaza’iri
– Sheykh al-Faruqi al-Rahhali al-Marrakashi
– Sheykh al-Sayyid al-Sharif Muhammad al-Muntasir al-Kattani

Du Soudan :

– Sheykh Yusuf Hamad al-Nil
– Sheykh Muddassir Ibrahim
– Sheykh Ibrahim Abu-al-Nur
– Sheykh al-Tayyib Abu-Qinayah

Du sud-continent Indo-Pakistanais :

– Sheykh Abu-al-Wafa al-Afghani al-Hanafi,
– Sheykh Abd-al-Mu‘id Khan Hyderabadi
– Imam al’Arif Billah Mustafa Rida Khan al-Barelawi, Mufti d’Inde
– Mufti Muhammad Shafi’ al-Deobandi, Mufti du Pakistan
– Mawlana Muhammad Zakariyyah al-Kandahlawi, Imam et savant du Hadith
– Mawlana Zafar Ahmad Thanawi
– Sheykh al-Muhaddith Habib-al-Rahman al-‘Azami
– Sayyid Abu-al-Hasan Ali al-Nadawi

 

Les savants cités ici ne sont que les plus célèbres ayant accordé leur Ijaza à notre Sheykh, mais il y en a encore beaucoup d’autres. En Sayyid Muhammad al-‘Alawi, on pouvait trouver ce qu’il y avait de meilleur dans tous ces Shouyoukhs de divers horizons.

 

Sa carrière d’enseignant

 

A l’instar de tous les shouyoukhs traditionnels et de ses ancêtres avant lui, le Sayyid était, dans ses activités, exclusivement animé par l’Amour d’Allâh, et n’enseignait que pour Lui. La notion de « carrière » ne se trouve donc pas adapter à son cas, cette dernière étant étroitement lié à des gains matériels. Il hébergeait un grand nombre d’étudiants dans sa propre résidence, leur assurant nourriture, boissons, abris, vêtements, livres, etc., en contrepartie de quoi ceux-ci étaient tenus de suivre les règles et l’éthique dont doit faire preuve tout étudiant en Science Sacrée. Ses élèves restaient avec lui pendant de nombreuses années, apprenant les différentes branches de la connaissance islamique, avant de retourner dans leurs pays d’origine. Ainsi, nombre d’étudiants reçurent son enseignement, devenant à leur tour savants de l’Islam et de l’Ihsan dans leur propre pays, en particulier en Indonésie, en Malaisie, en Egypte, au Yémen et à Dubaï.A son retour d’al-Azhar, il fut nommé professeur d’études islamiques à l’université Umm al-Qura de La Mecque, où il enseigna à partir de 1970 et en 1971, il fut, suite au décès de son père, désigné pour lui succéder dans l’enseignement à la Mosquée Sacrée. Il hérita ainsi du poste occupé par sa famille depuis plus d’un siècle.Il lui arrivait également d’enseigner dans le Haram de Médine, et ses cours étaient les plus fréquentés dans les deux Harams. Toutefois il dut, au début des années quatre-vingt, quitter son poste d’enseignant à l’université Umm al-Qura ainsi que sa présidence à l’enseignement au sein du Haram en raison des fatwas de certains savants fanatiques de la secte wahhabite, qui considérèrent sa présence comme une menace à leur idéologie extrémiste et à leur autorité. Il enseigna dès lors les grands livres de Hadith, Fiqh, Tafsir Tasawwuf à son domicile et à la mosquée de la rue al-Maliki dans le quartier de Rusayfah à Makkah où il recevait, lors de ses cours publiques entre le Maghreb et la ‘Isha, pas moins de 500 personnes par jour, dont beaucoup d’étudiants de l’Université. Le cours durant la nuit précédant son décès fut également très rempli.Très respecté par le gouvernement saoudien Sayyid Muhammad ‘Alawi al-Maliki fut souvent consulté par le considéré Roi lui-même sur d’importantes affaires. Il fut également, durant trois années consécutives, désigné comme chef du jury à la compétition internationale de Qira’at (lecture du Coran) à La Mecque.

 

Ses écrits

 

Ecrivain prolifique, le Sayyid a rédigé près d’une centaine d’ouvrages traitant de sujets religieux, juridiques, sociaux et historiques. Nombre de ses livres sont considérés comme des chefs-d’œuvres et sont prescrits en tant que manuels dans les instituts islamiques du monde entier.


Mentionnons ici quelques œuvres sélectionnées sur divers sujets :

Aquida :

– Mafahim Yajib ‘an Tusahhah
– Manhaj al-Salaf fi Fahm al-Nusus
– Al-Tahzir min al-Takfir
– Huwa Allah
– Qul Hazihi Sabeeli
– Sharh ‘Aqidat al-‘Awam

Tafsir :

– Zubdat al-Itqan fi ‘Ulum al-Qur’an
– Wa Huwa bi al-Ufuq al-‘A’la
– Al-Qawa‘id al-Asasiyyah fi ‘Ulum al-Quran
– Hawl Khasa’is al-Quran

Hadith :

– Al-Manhal al-Latif fi Usul al-Hadith al-Sharif
– Al-Qawa‘id al-Asasiyyah fi ‘Ilm Mustalah al-Hadith
– Fadl al-Muwatta wa Inayat al-Ummah al-Islamiyyah bihi
– Anwar al-Masalik fi al-Muqaranah bayn Riwayat al-Muwatta lil-Imam Malik

Sirah :

– Muhammad al-Insan al-Kamil
– Tarikh al-Hawadith wa al-Ahwal al-Nabawiyyah
– ‘Urf al-T ‘arif bi al-Mawlid al-Sharif
– Al-Anwar al-Bahiyyah fi Isra wa M’iraj Khayr al-Bariyyah
– Al-Zakha’ir al-Muhammadiyyah
– Zikriyat wa Munasabat
– Al-Bushra fi Manaqib al-Sayyidah Khadijah al-Kubra

Usul :

– Al-Qawa‘id al-Asasiyyah fi Usul al-Fiqh
– Sharh Manzumat al-Waraqat fi Usul al-Fiqh
– Mafhum al-Tatawwur wa al-Tajdid fi al-Shari‘ah al-Islamiyyah

Fiqh :

– Al-Risalah al-Islamiyyah Kamaluha wa Khuluduha wa ‘Alamiyyatuha
– Labbayk Allahumma Labbayk
– Al-Ziyarah al-Nabawiyyah bayn al-Shar‘iyyah wa al-Bid‘iyyah
– Shifa’ al-Fu’ad bi Ziyarat Khayr al-‘Ibad
– Hawl al-Ihtifal bi Zikra al-Mawlid al-Nabawi al-Sharif
– Al-Madh al-Nabawi bayn al-Ghuluww wa al-Ijhaf

Tasawwuf :

– Shawariq al-Anwar min Ad‘iyat al-Sadah al-Akhyar
– Abwab al-Faraj
– Al-Mukhtar min Kalam al-Akhyar
– Al-Husun al-Mani‘ah
– Mukhtasar Shawariq al-Anwar

Divers :

– Fi Rihab al-Bayt al-Haram (Histoire de Makkah)
– Al-Mustashriqun Bayn al-Insaf wa al-‘Asabiyyah (Etude de l’orientalisme)
– Nazrat al-Islam ila al-Riyadah (Le sport en islam)
– Al-Qudwah al-Hasanah fi Manhaj al-Da‘wah ila Allah (Méthode de Dawah)
– Ma La ‘Aynun Ra’at (Description du Paradis)
– Nizam al-Usrah fi al-Islam (L’islam et la famille)
– Al-Muslimun Bayn al-Waqi‘ wa al-Tajribah (Le monde musulman contemporain)
– Kashf al-Ghumma (Les vertus dans l’aide des concitoyens musulmans)
– Al-Dawah al-Islahiyyah (Appel pour la réforme)
– Fi Sabil al-Huda wa al-Rashad (Ensemble de discours)
– Sharaf al-Ummah al-Islamiyyah (La supériorité de la Oumma musulmane)
– Usul al-Tarbiyah al-Nabawiyyah (La méthode prophétique dans l’éducation)
– Nur al-Nibras fi Asanid al-Jadd al-Sayyid Abbas
– Al-‘Uqud al-Lu’luiyyah fi al-Asanid al-Alawiyyah (Ensemble des Ijazahs de son grand-père)
– Al-Tali‘ al-Sa‘id al-Muntakhab min al-Musalsalat wa al-Asanid (Ensemble de Ijazahs)
– Al-‘Iqd al-Farid al-Mukhtasar min al-Athbah wa al-Asanid (Ensemble de Ijazah)

 

Il s’agit d’une liste sélective des travaux que le Sayyid a écrit et publié. Il existe de nombreuses autres publications qui ne sont pas mentionnées ici et de nombreux travaux qui doivent encore être publiés. Ne sont pas non plus mentionnées les nombreuses et importantes œuvres classiques que le Sayyid a repérées, étudiées et publiées avec des notes et commentaires. Considérée dans sa totalité, la contribution du Sayyid dans ce domaine a été gigantesque. Bon nombre de ses œuvres ont été traduites en langues étrangères. [2]

 

Ses autres activités

 

Le Sayyid fut également un ardent propagateur de la véritable orientation islamique et de la spiritualité et voyagea dans toute l’Asie, l’Afrique, l’Europe et l’Amérique en appelant les gens à accepter la Parole d’Allâh et de Son dernier Messager Muhammad.Afin de faire face aux activités des missionnaires chrétiens, il fonda plus de 70 écoles islamiques en Asie du Sud-Est, qu’il géra personnellement. A la simple vision de la lumière Muhammadienne sur son visage, de nombreux chrétiens et bouddhistes embrassèrent l’Islam. Partout où il se rendait, savants et habitants le recevaient avec jubilation et il s’adressait souvent à des foules de centaines de milliers de personnes.Il fut, non seulement du fait de son affiliation généalogique au Prophète mais aussi pour son immense savoir, sa sagesse, ses nobles manières et son charisme spirituel, tendrement aimé et chérit à travers le monde musulman. Il était connu pour être très généreux de ses connaissances, de ses richesses et de son temps.

 

L’approche du Sayyid

 

Le Sayyid suivait et préconisait de suivre l’importante majorité traditionnelle de l’islam : la voie des Ahl al-Sunna wa al-Jama’ah, la marque de ce qu’est la tolérance et la modération, la connaissance et la spiritualité, et l’unité dans la diversité. Il croyait en l’adhésion sans fanatisme aux quatre Madhhabs (écoles) reconnus et enseignait le respect des grands ulémas et awliyas du passé.Il désapprouvait la pratique de certaines sectes contemporaines consistant à jeter l’anathème (déclarer mécréant) de manière hâtive ou d’accuser d’associationnistes (mushriks) ses coreligionnaires. Il était également très critique à l’égard des soi-disant réformateurs du 20ème siècle qui, d’après lui, veulent tout simplement, au nom de « l’islam pur » effacer l’islam des générations précédentes.Il considérait la condamnation de tous les Ash’aris, ou de tous les Hanafis, Shaffi’is et Malikis ou de tous les soufis, comme certaines sectes le font de nos jours, comme une condamnation de l’ensemble de la Oumma islamique des dix derniers siècles et comme l’attitude d’un ennemi de l’islam, et non celle d’un ami.

Le Sayyid était fermement convaincu que les éminents savants Sunni-Soufi s’inscrivant dans le suivi d’un madhhab des cent dernières années, sont notre lien au Qour’an et à la Sunnah, et non une barrière comme certains voudraient le faire croire. La juste compréhension du Qur’an et de la Sunnah se trouve en effet dans l’interprétation de nos grands savants de l’Islam et non dans les caprices et fantaisies de ces extrémistes modernes qui n’hésitent pas à condamner la majorité des Musulmans du monde entier. Il considérait la majorité de cette Ummah comme étant bonne, et soutenait que c’était aux groupes fanatiques minoritaires qu’il appartenait de vérifier leurs idéologies extrémistes.

Le Sayyid fut également un partisan du soufisme authentique basé sur la Shari’a, le soufisme des grands awliyas et Saints de cette Oumma, et était lui-même un maître spirituel de la plus haute qualité, lié à la plupart des grands ordres spirituels de l’Islam, par l’intermédiaire des Shouyoukhs de la Tariqah. Il considérait que la récitation du Dhikr, seul et en assemblée, fait partie intégrante du bien-être spirituel du musulman, et tous ses étudiants étaient tenus de prier salat at-Tahajjud et de lire, matin et soir, leurs Awrads. [3]

Le Sayyid estimait enfin que les musulmans doivent fournir les efforts nécessaires et utiliser leurs ressources pour l’essor de la Oumma tant d’un point de vue spirituel que social et matériel et ne pas gaspiller leurs temps précieux à se battre pour des questions sans importance. Aussi, les musulmans ne doivent pas se condamner les uns les autres sur des questions qui ont été source de divergence entre les ulémas mais plutôt se donner la main dans la lutte contre le mal et le péché.

Les opinions du Sayyid sont illustrées dans son ouvrage le plus célèbre Mafahim Yajib un Tusahhah (concepts qui doivent être corrigés), un livre qui fut accepté dans le monde islamique, et très apprécié dans les cercles de science.

 

Dernières remarques

 

Sayyid Muhammad al-‘Alawi fut et reste une bénédiction pour cette Oumma. Cet héritier biologique et spirituel du bien-aimé Prophète, était tendrement aimé par les habitants de la Mecque et de Médine, comme l’a prouvé son enterrement, et par toute personne qui venait à le rencontrer. Sa maison dans la ville sainte de La Mecque était ouverte durant toute l’année aux savants, étudiants, et milliers de personnes venant le visiter. Généreux avec ses hôtes, il était également connu pour son franc-parler et ne craignait pas de dire la vérité, ce qui lui valut de vivre de très durs moments. Le soutien d’Allâh semblait, néanmoins, toujours etre avec lui. Radiy Allâhu wa anhou ardaah. Ameen.Pour en savoir plus sur la vie et les réalisations du Sheykh al-Imam Dr as-Sayyid Muhammad Ibn ‘Alawi al-Maliki, vous pouvez consulter son excellente biographie intitulée : Al-Maliki ‘Alim al-Hijaz écrite par le célèbre écrivain et historien de la Mecque, le Dr Zuhayr Kutbi.

 

Sa mort

 

Il est décédé le vendredi 15 du mois de Ramadan (et il avait toujours souhaité rendre l’âme au mois de Ramadan) en état de jeûne, dans sa maison à La Mecque. Sa mort fut soudaine. Voici quelque chose que j’ai écrit à un ami après sa Janazah (pour laquelle j’ai du venir de Médine précipitamment) :Oui ! … c’est une perte énorme …… les condoléances sont venues de l’ensemble du monde musulman, et les prières de Janaza ont été réalisés partout. Il est décédé durant le mois de Ramadan, un vendredi !J’ai été à sa Janaza (dans la Chambre d’abord grâce à son frère Sayyid Abbas .. puis au Haram par l’Imam Subayl )…… des milliers et des milliers de personnes ont participé à ses funérailles … tout le monde pleurait et était ému … il s’agit d’une scène inoubliable … Allâhu Akbar ….

Quel homme … Quelle perte … Quelle immense Janaza … Je sais que mes yeux n’ont jamais vu quelqu’un comme lui …. jamais vu quelqu’un tant aimé par les gens que lui… jamais vu un savant de son niveau et de sa connaissance et de sa sagesse …

Il y avait au moins 500 soldats déployés par le gouvernement saoudien au cimetière Ma’ala afin de contrôler les milliers de personnes sous le coup de l’émotion ….. même la famille royale était présente.

Les gens étaient en train de crier haut et fort la Kalima tout au long de la procession qui remplissait les rues de La Mosquée sacrée jusqu’au cimetière. Le Sayyid a été enterré à côté de son père, près de la tombe de son ancêtre Sayyida Khadijah.

Avant son décès, il avait téléphoné à un ancien étudiant de l’Indonésie et lui a demandé s’il pourrait venir à La Mecque pendant le Ramadan? Quand il a dit non … le Sayyid a dit : « ne participeras-tu pas à mes funérailles?! » En effet, il est décédé pendant le Ramadan, un vendredi matin … de quel signe de plus de l’acceptation d’Allâh a-t-on besoin?

Makkah le pleure, l’Arabie le pleure … le monde islamique tout entier le pleure.

Puisse Allâh lui accorder la place la plus élevée dans al-Jannah à côté de son ancêtre bien-aimé, Sayyidina Rasulillah. Ameen.

 

 


Notes :

[1] Khatib, celui qui fait la khoutba (le prèche qui a lieu lors de la prière du vendredi)

[2] Nous pouvons malheureusement remarquer qu’aucun des livres du noble Sheykh n’ont été traduit en langue française.

[3] Pluriel du mot wird, signifiant litanie de Dhikr ( Récitation de Coran, invocations, supplications, …)

 

Traduit par le frère Bilal. G (Qu’Allâh le bénisse et le récompense)
Le texte original en Anglais, écrit par son élève sheykh Fakhruddin Owaisi al-Madani : http://qa.sunnipath.com/is sue_view.asp?HD=7&ID=4342& CATE=22

Lettre ouverte aux musulmans qui promettent l’enfer à d’autres musulmans

 

Par le Sheikh Ahmed Al-‘Alawî 


enveloppe

 

 

Répondant un jour a un  » Sheikh  » salafi-wahhabite qui faisait des Soufis l’un des groupes qui iront en enfer selon la parole du Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam) : « Ma communauté se divisera en soixante-dix et quelques groupes. Tous sont voués à l’enfer sauf un : c’est le groupe de ceux qui auront suivi cette voie qui est la mienne et celle de mes Compagnons. », le Cheikh Al Alawi eut la réponse suivante :

« Mais pourquoi donc ne cites tu pas le hadith qu’a rapporté l’Imam Al-Ghazali dans son Fasl al-tafriqât ? Le Prophète a dit : « Ma communauté se séparera en soixante-dix et quelques groupes. Ils iront tous au paradis, excepté le groupe des hérétiques. » Bien sûr, ton regard n’est pas tombé sur ce hadith ! Il s’est arrêté à ce qui t’arrangeait pour promettre le feu au reste des Musulmans et vous réserver exclusivement le paradis, à tes semblables et à toi même.

Dis : « Si la demeure dernière auprès de Dieu vous est réservée, à l’exclusion de tout autre, souhaitez donc la mort si vous êtes sincères ! » Mais ils ne la désireront jamais à cause des œuvres qu’ils ont accomplies. Dieu connaît bien les injustes. (Coran 2,94).

J’imagine que tu dois te demander comment l’on peut concilier ces deux paroles du Prophète. Tu ne trouveras qu’un soufi pour résoudre cette difficulté ou d’autres du même ordre. Malheureusement tu ne pourras t’abaisser à le questionner, car la jalousie a clos en toi la porte de l’objectivité et t’empêche de reconnaître tes carences. Quoi qu’il en soit, je dirai ce que Dieu a révélé [à ce soufi] ; a supposer que tu n’en aies pas besoin, cela pourra toujours servir aux autres.

Ces deux paroles sont aisément conciliables. Il suffit pour cela de considérer que le terme « communauté » désigne l’ensemble de ceux auxquels le message est prêché dans le premier hadith, et l’ensemble de ceux qui répondent à cet appel dans le second. Le sens s’éclaircit dès lors que l’on exploite la forme complète du hadith, qui est le suivante. Le Prophète a dit : « Les Juifs se sont séparés en 71 groupes et les Chrétiens en 72. Quant à ma communauté, elle se séparera en 73 groupes ; tous sont voués à l’enfer sauf un : c’est le groupe de ceux qui suivent cette voie qui est la mienne et celle de mes Compagnons. »

La succession mentionnée met en évidence qu’il existait 70 religions avant la venue de Moïse – sur lui la paix -, la sienne constituant la 71ème. Ces groupes sont voués à l’enfer, en dehors de ceux qui ont suivi cette voie qui était la sienne – sur lui la paix – et celle de ses Compagnons. L’ensemble des 71 groupes peut être appelé sa « communauté » parce qu’il était l’Envoyé de Dieu pour cette époque, et que sa prédication d’adressait donc à eux. Après la venue de Jésus – sur lui la paix -, qui complète le chiffre de 72, tous les groupes autre que ceux qui suivaient sa voie et celle de ses disciples sont destinés au feu. Ahmad – sur lui la grâce et la paix – fut par la suite envoyé avec la religion ahmadienne [1] qui correpond au 73ème des groupes mentionnés ; tous sont voués à l’enfer sauf un : c’est le groupe de ceux qui suivent cette voie qui est la sienne et celle de ses Compagnons.

Et là encore, le mot « communauté » désigne l’ensemble des gens auxquels sa prédication s’adresse ; il disait en effet : « Je suis l’Envoyé de Dieu pour tout homme vivant à mon époque ou né après moi ». Après lui, la religion ahmadienne s’est divisée, selon le deuxième hadith, en soixante-dix et quelques groupes ; ils représentent les différentes écoles et les approches divergentes, dont les partisans iront tous au paradis, à l’exclusion des hérétiques.

Voila ce qu’exigent la bonté Muhammadienne et la miséricorde divine ! S’il n’en était ainsi, c’est la presque totalité de la communauté qui serait perdue, puisque seule une partie sur soixante-dix et quelques serait sauvée ; d’ailleurs, en l’occurence, rien ne permet d’identifier clairement cette partie, et ce qui le prouve, c’est que chaque groupe prétend être l’heureux élu [2]. Quant à moi, j’affirme que Dieu – gloire à Lui – est conforme à la [bonne] opinion qu’ont de Sa Personne ceux qui croient en Lui, à Son Prophète et au Jour dernier, lorsqu’ils font un effort pour se rapprocher de Lui. S’ils tombent juste, deux récompenses leur échoient [3], dans l’hypothèse inverse, ils en obtiennent au moins une.

Il sont donc récompensés quoi qu’il arrive, que tu le veuilles ou non, car les créatures ne sont pas dans l’obligation d’être infaillibles ; elles sont simplement tenues d’essayer d’être dans le vrai, et cela s’explique par la « largesse » de la voie ahmadienne, à laquelle fait allusion ce verset : Il ne vous a imposé aucune gène dans la religion (Coran 22,78). En témoigne également le hadith marfû [4] rapporté par Tabarânî, selon lequel le Prophète a dit : « 300 chemins (tarîqa) différentes mènent à ma loi (sharî’a). Il suffit de suivre l’un d’entre eux pour être sauvé. » Mais ce qui corrobore plus encore cette idée, c’est le hadith rapporté par As-Suyûtî dans son Jâmi’ al-saghîr, selon lequel le Prophète a dit : « Dans toute communauté, une partie des gens va au paradis tandis qu’une autre se retrouve dans le feu, sauf dans le cas de ma communauté qui, toute entière, ira au paradis. », et – s’il plaît à Dieu – il en sera bien ainsi !

Notes :

[1] Allusion au hadith : « J’ai été envoyé avec la hanîfiyya samha » (la hanîfiyya désigne le monothéisme abrahamique pur), de ce fait l’Islam est une religion facile (samha), c’est à dire simple, conformément au verset coranique (22,78) : Il ne vous a imposé aucune gène dans la religion ; la religion de votre père Abraham. Ahmad est le nom « céleste » du Prophète.

[2] Référence au hadith suivant rapporté par Bukhâri et Muslim. Le Prophète a dit : « Dieu – exalté soit-il – a dit : « Je suis conforme à l’opinion que Mon Serviteur se fait de Moi… » ». Dans d’autres variantes de ce hadith, le discours divin continue ainsi : « Alors qu’il pense de Moi ce qu’il veut », ou encore : « Alors qu’il ait une bonne opinion de Moi ».

[3] C’est à dire l’une pour la sincérité de l’intention et l’autre pour le bon résultat : ce sont les termes d’un hadith rapporté par Muslim (n°4261) à propos de la fonction de juge (savant).

[4] Un hadith marfu’ est un hadith qui remonte jusqu’au prophète Muhammad.

Pour plus d’informations voir le dossier complet : Le Groupe Sauvé

Le silence est une sauvegarde

!

Extrait de Sagesse Céleste
par le
Sheikh Ahmad Al-‘Alawî

 

silence

  
 

On a vu précédemment que parler peut nuire et s’avérer une source de malheurs; il est donc évident que le silence constitue une sauvegarde, et que seul doit abondamment parler celui à qui le Miséricordieux le permet et qui prononce une parole juste [Coran 78, 38]. Les paroles sont en effet rarement dénuées de toute influence de l’âme passionnelle, mais celui à qui le Miséricordieux le permet [Coran 78, 38] ne parle pas sous l’effet de la passion [Coran 53, 3] : il parle par Dieu, entend Ses Paroles et transmet Son message, et c’est pourquoi il est préférable dans son cas de parler; mais sans un tel degré, il vaut mieux se taire, afin de se protéger. Un compagnon dit un jour à l’envoyé de Dieu :  « Renseigne-moi sur l’islam, et puissé-je être dispensé d’interroger qui que ce soit après toi. »
– Dis : « Je crois en Dieu », puis fais preuve de rectitude, répondit le Prophète .
– Que faut-il craindre? demanda le compagnon.
Le Prophète désigna sa langue de sa main [1].’Uqba a également raconté qu’il l’avait ainsi questionné: « Comment assurer sa sauvegarde? »
– En retenant ta langue, en restant chez toi et en pleurant sur tes fautes, avait répondu le Prophète [2].Il a également dit : « Toute parole que profère le fils d’Adam est à sa charge et ne joue pas en sa faveur, sauf dans trois cas: lorsqu’il commande un bien, interdit un mal ou invoque Dieu [3]. »Mais on pourrait se limiter à citer la Parole divine : « La plupart de leurs conversations privées ne contiennent rien de bon, sauf lorsque l’un d’eux recommande l’aumône, le bien ou la réconciliation entre les gens » [Coran 4, 114].On demanda à un sage pourquoi il parlait si peu, ce à quoi il répondit : « Dieu nous a donné deux oreilles et une seule langue, afin que écoutions deux fois plus que nous ne parlons, et non l’inverse! »

Comme on l’a joliment dit :

Ecoute les Paroles de l’intime Ami,
Et ne parle pas précipitamment avant d’avoir compris.
N’as-tu pas deux oreilles pour entendre et une seule langue pour parler?
N’est-ce pas là le signe qu’il te faut écouter deux fois plus que parler?

En résumé, le disciple se doit d’écouter plus qu’il ne parle, et surtout lorsqu’il est en présence d’un connaissant, auquel cas il lui faut se taire. Comment pourrait-il en effet parler en présence d’hommes dont les paroles proviennent directement de l’effusion (al-fayd) divine? Quel propos celui qui n’a pas atteint leur degré pourrait-il leur opposer? Il lui faut pour commencer bien les comprendre. Ainsi, celui qui veut assurer sa sauvegarde ne doit pas, quand il se trouve en compagnie des gens de Dieu, les contredire par des paroles dénuées de lumière et inopérantes, ni exhiber son savoir devant eux. Sîdî Abû Madyan disait à ce sujet :

Garde le silence, à moins qu’on ne te pose une question,
Et si c’est le cas réponds : « Je n’en sais rien » .
Utilise l’ignorance comme voile de protection.

L’homme voilé de Dieu se trompe bien plus souvent qu’il ne tombe juste lorsqu’il parle [4] avec les connaissants, parce qu’il ignore leurs stations spirituelles et ne comprend pas leur lexique, qui n’a pas cours parmi le commun des croyants. Quoi qu’il en soit, le silence est louable et représente une sauvegarde pour les disciples ou n’importe qui dans la plupart des situations, et l’on sait bien ce que la tradition rapporte à ce sujet. Qu’ils sont justes ces vers :

Si le silence t’étonne, sache que ce fut avant toi
Le cas pour des gens meilleurs que toi.
Et s’il t’arrive parfois, ayant gardé le silence, de le regretter,
II t’arrive bien plus souvent de regretter d’avoir parlé.
Le silence est une protection tandis que parler
N’apporte parfois que problèmes et inimitiés.

On rapporte que Ja’far al-Sâdiq a dit : « Être en sûreté (religieusement parlant) est devenu quelque chose de si rare que la recherche même de cette sûreté est devenue invisible. Si tu dois faire quelque chose, alors garde autant que possible le silence, et si tu n’y arrives pas alors agis autant que possible comme les pieux anciens : l’homme heureux est celui qui trouve un lieu de retraite en lui-même. »

Notes :

[1] Ibn Hanbal, Musnad, III, musnad Jâbir Ibn ‘Abdallâh.
[2] Tirmidhî, Sunan, IV, bâb mâ jâ’a fî hifdh al-lisân, n° 2517.
[3] Tirmidhî, Sunan, IV, bâb mâjâ’a.fî hifdh al-Iisân, n° 2525.
[4] Parler signifie ici aborder des sujets à caractère spirituel ou religieux.

Âme ! Cette exhortation t’est destinée: es-tu prête à l’écouter?
 
 
Extrait de
Sagesse Céleste par le Sheikh Ahmad Al-‘Alawî

 

 

ame

 

 

Il est caractéristique des connaissants qu’ils fassent abstraction d’eux-mêmes lorsqu’ils donnent des conseils ou des recommandations de telle façon qu’ils s’adressent à leur âme tout autant qu’aux auditeurs. S’il n’en était ainsi, ils ne sauraient faire preuve de cette rectitude qui leur permet de tenir des propos utiles et de nature à éviter tout préjudice.

Tu peux constater que les propos du Peuple [1] ont pour conséquence de vivifier les cœurs et d’effacer les âmes, en raison du parfum de vérité qui en émane. Il est inévitable qu’ils vivifient les cœurs, car « ce qui vient du coeur touche les cœurs », dans la mesure où tout élément passionnel en est nécessairement exclu. Les propos des connaissants ne sont pas influencés par les passions individuelles car ils ont pour modèle celui dont Dieu a dit : « Il ne parle pas sous l’effet de la passion »  (53, 3), et possèdent cette qualité par héritage [2]. Ils sont d’abord sans concession avec eux-mêmes, ce qui leur permet de tenir sans ambages [3] le langage de la vérité aux autres.

On peut constater, lorsque vient le moment d’exhorter les gens, qu’ils font parfois preuve d’une telle sévérité avec eux-mêmes que leur propre âme, de même que toute autre considération, semble totalement disparaître sous le poids de l’état. En effet, le connaissant est pour son milieu ce qu’est le prophète pour la communauté des croyants. Or, la mission du prophète le concerne lui-même autant que les autres : « Le Prophète a cru à ce que son Seigneur lui a révélé [4] » (2, 285).

Le connaissant est donc tenu de s’appliquer à lui-même ce qu’il recommande aux autres, traitant ainsi son âme comme une étrangère. Voilà pourquoi certains racontent que leur âme leur suggère telle ou telle transgression, parlant d’elle comme s’il s’agissait d’une tierce personne et la déshonorant impitoyablement. Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî est l’un de ceux qui s’y sont le plus employés; il réunissait ses disciples et leur disait que son âme lui avait suggéré de faire ceci ou cela, tenant des propos qui en arrivaient à faire croire à certains qu’il n’avait rien obtenu spirituellement: on peut en trouver des exemples dans ses lettres. Il disait également: « Les gens comme nous ne peuvent servir de bénédiction; à chaque fois que nous entrons dans une maison, elle finit par brûler ou être cambriolée. »

Notre maître, le cheikh Sîdi Muhammad al-Buzîdî, disait: « Mon âme est restée une enfant; j’ai 80 ans, et pourtant elle continue à me suggérer toutes sortes de transgressions comme au temps de ma jeunesse », faisant son autocritique devant les gens. Il disait également : « Quelle sorte de chose et quelle espèce de chien suis-je donc! » La façon dont il se dévalorisait, surtout en présence des étrangers et des oulémas, en arrivait à produire en nous, ses disciples, un état de crispation intérieure. Il disait encore par exemple: « j’ai rendu visite à telle disciple malade, et à peine arrivé, elle a rendu l’âme », répétant fréquemment les histoires dans lesquelles son intervention avait eu l’effet inverse de ce qui était escompté.

Des gens dirent un jour à Sahl Ibn ‘Abdallâh : « Nous avons entendu  dire que tu marches sur l’eau. »
– Demandez donc au muezzin du quartier qui me connaît bien, répondit ce dernier.
Ils s’en furent voir le muezzin, pensant qu’il avait été témoin de quelque prodige de Sahl, mais voici ce qu’il leur dit :
– Je ne l’ai pas vu marcher sur l’eau; tout ce que je sais, c’est qu’il est tombé une fois dans le fleuve, et que si je n’avais pas été là pour le secourir, il serait mort noyé.
Ils retournèrent donc voir Sahl qui leur dit :
– Adorez Dieu! Nul n’est plus impuissant que nous.
Qui d’autre que les gens de la voie peut avoir une telle attitude?
L’un de ceux qui nous aiment nous a une fois posé cette question :
Grâce à la pratique de la voie, as-tu eu des visions spirituelles? »
– Oui, ai-je répondu, j’ai obtenu un grand bien.
– As-tu consigné cela par écrit? m’a-t-il demandé.
Je lui ai alors dit ceci : « J’ai d’abord décidé de le faire de temps en temps, mais il m’est ensuite apparu que l’équité voulait que je décrive autant les fautes que les vertus; ainsi, de même que les songes que j’avais témoignaient d’une bonne santé spirituelle, ce que je savais de moi-rnêrne, à l’état de veille, m’apparaissait comme une faiblesse de ce point de vue. Je proposai donc à mon âme de tout écrire, si j’écrivais, et sinon, de ne rien écrire. Elle me dit alors :
– N’écris rien, jusqu’à ce que vienne le moment précis où « rien de petit ou de grand ne sera négligé et tout sera décompté »  (18, 49) : « c’est un jour où les gens  seront réunis »  (11, 103).

J’espère que Dieu cachera le tout, Lui qui détient la grâce immense.


Ô pure source de lait
En toi disparaît ma noirceur,
Comme le grain de sable disparaît
Dans le fleuve en fureur.

 

Notes :

[1] Le peuple, la tribu, c’est-à-dire les soufis.
[2] Du fait que « les savants sont les héritiers des prophètes. »
[3] Ambages : Parler franchement, sans détour.
[4] S’agissant de la Révélation divine, le connaissant ou le prophète, en tant qu’êtres humains, sont concernés au même titre que les autres.

Celui qui se connaît lui-même ne peut être leurré par l’éloge que les gens font de lui


Extrait de Sagesse Céleste
par le Sheikh
Ahmad Al-‘Alawî

 

 

échec

 

 

Qui connaît les vices de son âme ne peut être leurré par l’éloge que les gens font de lui ; il ne saurait en effet renoncer à sa propre certitude pour adopter la simple opinion d’autrui : « Mais l’homme dispose d’une certaine clairvoyance, s’agissant de lui-même » (75, 14). Ibn ‘Atâ’ Allâh dit dans ses Aphorismes : « Le plus ignorant des hommes est celui qui renonce à ce qu’il sait de lui-même pour adopter l’opinion d’autrui. » Un disciple entreprit une fois de faire l’éloge de son maître; ce dernier se mit à pleurer et lui dit : « Je me connais moi-même mieux que toi. » Voilà comment sont les maîtres de l’équité: ils ne se laissent pas leurrer par l’éloge que les gens font d’eux car ils se connaissent mieux que personne. Quant à l’ignorant leurré, il aime le plus souvent que l’on fasse son éloge, et ce – incroyable! -, malgré le nombre de transgressions dont il s’est rendu coupable et qu’il est seul à connaître.Selon Hârith al-Muhâsibi, celui qui apprécie l’éloge d’autrui ressemble à quelqu’un qui apprécierait la plaisanterie qu’on lui ferait en disant: « Tes excréments ont le parfum du musc! », et s’en réjouirait.Ibn ‘Abbâd [1] dit ceci : « Sans nul doute, ses propres fautes et ses propres vices, dont tout serviteur a connaissance, sentent plus mauvais et sont plus impurs que ses propres excréments: tout cela est du même ordre. » Sauf que dans ce dernier cas, le serviteur dont on fait l’éloge sait que son panégyriste [2] ignore ses fautes et ses vices (contrairement au cas précédent où le plaisantin connaissait fort bien la victime de sa blague). Seul quelqu’un qui n’a aucune valeur pour Dieu peut avoir une telle attitude; s’il réfléchissait un peu, il renoncerait à de telles illusions et se rendrait compte de son erreur. Comment ne serait-il pas dans l’erreur, alors que, se voyant lui-même plongé dans les transgressions, il prend au sérieux les propos de quelqu’un qui ne le connaît absolument pas ? Si ce dernier le connaissait réellement, il ne le fréquenterait pas et ferait encore moins son éloge, sauf éventuellement pour se moquer de lui !

Sache que la connaissance de Dieu dépend de la connaissance de l’âme, au début de la voie comme à son terme. Au début, on la connaît au travers de ses défauts et on lui attribue donc ce qui lui revient de droit, de même qu’on reconnaît à la Divinité les perfections qui Lui reviennent de droit; voilà pourquoi le Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam) a dit : « Qui connaît son âme connaît son Seigneur [3] Il a également dit : « C’est celui d’entre vous qui connaît le mieux son âme qui connaît le mieux son Seigneur [4]. » En effet, plus l’homme connaît son âme, mieux il connaît son Seigneur, du fait que toutes les formes de qualité ou d’altérité se trouvent en elle. On a dit en ce sens :


La maladie est en toi,  et tu ne vois rien.
Le remède ne peut venir que de toi, et tu n’en sais rien.
Tu crois que tu n’es rien de plus qu’un corps minuscule,
Alors qu’en toi se trouve le Macrocosme avec une majuscule.


Lorsque l’âme s’est purifiée de ses vices, adoptant les qualités parfaites, le connaissant ne doit plus se limiter à la connaissance de son âme, et doit au contraire rechercher sans arrêt le sens intérieur de sa parole : « Qui connaît son âme connaît son Seigneur », car elle contient un secret caché. Le connaissant doit le rechercher en se concentrant sur la proximité de Dieu à son égard, jusqu’à ce qu’il Le trouve plus proche de lui qu’il ne l’est lui-même. L’âme est en effet semblable au mécréant : « L’assoiffé prend [le mirage} pour de l’eau jusqu’à ce qu’il l’atteigne ; là il ne trouve rien sauf Dieu, qui lui règle son compte » (24, 39). S’il s’était intéressé à ce qui se passe à l’extérieur de lui-même, il aurait dévié de la voie et aurait confondu le jour avec la nuit. Mais les hommes de Dieu s’en tiennent à leur propre âme et y cherchent la proximité de Dieu ; ils la trouvent dès qu’ils disparaissent eux-mêmes [5].Moulay l-‘Arabî al-Darqâwî a dit à l’un de ses disciples qui voulait connaître Dieu : « Jette ton livre et creuse dans la terre de ton âme jusqu’à ce que l’eau en jaillisse, et sinon va-t’en ! » C’est la seule manière de connaître vraiment Dieu. Toute personne intelligente sait que Dieu est plus proche d’elle qu’elle-même : comment pourrait-il donc y avoir à l’intérieur du Trône plus de proximité qu’il n’yen a chez l’homme ? Impossible, car « Il est plus proche de lui que sa veine jugulaire » (50,16). À Dieu ne plaise qu’Il puisse Se rapprocher d’une chose ou au contraire S’en éloigner, car Il est proche de toute chose, et rien n’est exclu de cette proximité ! Alors, ne t’intéresse à rien de ce qui se passe au dehors, voyageur! N’as-tu pas entendu Sa Parole (41, 53) : « Nous leur montrerons Nos Signes dans les horizons et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils voient clairement que c’est la Vérité ? » Alors, reviens à toi-même et cherche là, car cela te suffira. J’ai dit à un homme mu par l’amour :


Comprends la nature de tes attributs et circule à l’intérieur de toi-même.
Ton esprit t’appelle; Il y a là un secret incroyable.
La signification subtile, le vin primordial.
La réalité spirituelle elle-même se manifestera à toi du plus profond de toi-même.
Tu atteindras ta propre essence par toi-même.
Elle n’est autre que toi-même, tu ne dois pas en douter.
Quelle est cette chose qui te masque un secret te cernant de tous côtés ?
Alors comprends ta signification, rien ne te voile de toi-même.


On a dit également :

 

Eh toi que les soucis distraient de ton secret !
Regarde, et tu trouveras l’existence tout entière en toi.
Tu es l’homme parfait, du point de vue de la réalité spirituelle et de la voie,
Toi qui réunis l’ensemble du divin secret.


Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils sont!

 

Eh toi qui cherches la Vérité,
Écoute ce que te dit ma voix!
C’est de toi que part la voie,
Et c’est à toi qu’il s’agit d’arriver.


Notre maître, Sîdî Muhammad al-Bûzîdî, a dit à l’un de ses disciples :

Le secret te cerne intégralement,
Si seulement tu réalisais tous les bienfaits qui sont en toi!
Des secrets de ton Seigneur, tu es le récipient;
Tu es une forme embellie par les dépôts qui sont en toi.
Tout ce qui existe dans le Trône et sur la terre est en toi;
En toi également résident le futur et le passé.
C’est ton esprit qui est l’objectif, ce que tu désires est en toi;
Et c’est ton apparence extérieure qui te voile du secret.


Les allusions du Peuple [6] sont diverses, mais toutes se ramènent à la connaissance de l’âme, conformément à la parole du Prophète : « Qui connaît son âme connaît son Seigneur. »Si les vices de l’âme sont si nombreux, c’est parce qu’elle est le support des secrets de Dieu : « Celui que Nous emplissons, nous le faisons chuter dans la condition de créature » (36, 68). Aspirant, il ne s’agit pas de délaisser ton âme ni de la traiter en ennemi, mais de l’accompagner et de s’isoler avec elle, pour qu’elle te fasse découvrir ce qu’elle contient [7].Al-Majdhûbl, le maître des maîtres de cette communauté, a dit en ce sens :


Quant à ton âme, essaye de la diriger;
Occupe-toi d’elle matin et soir.
Elle tombera peut-être en ton pouvoir,
Et tu finiras par l’utiliser pour chasser.


Ô mon Dieu, fais-nous connaître notre âme et épargne-nous son mal, Toi qui entends nos prières!

Notes :

 

[1] Ibn ‘Abbâd al-Rundî, soufi du XlVe siècle né à Ronda en Andalousie et enterré à Fès, est l’auteur d’un commentaire très connu des Aphorismes d’Ibn ‘Atâ’ Allâh.
[2] Celui qui fait l’éloge de quelqu’un.
[3] Suyûtî, Kitâb al-durar al-muntathira, harf al-mîm ; ‘Ajlûnî, Kashf al-khafâ’, n° 2532. Selon Ibn ‘Arabî, ce hadith, s’il n’est pas authentifié par sa chaîne de transmission, l’est par le dévoilement spirituel.
[4] Dans son commentaire du précédent hadith, ‘Ajlûni cite une version très légèrement différente de cette tradition en se référant au Adab al-dîn wa l-dunyâ de Mâwardî.
[5] C’est-à-dire que la raison d’être de l’âme est la même que celle de la mécréance : un chemin vers la Vérité. Lorsqu’on comprend sa réalité la plus profonde, l’illusion qu’elle puisse avoir une activité autonome disparaît, et c’est alors que la Vérité apparaît : « Nous n’avons pas créé les cieux, la terre et tout ce qui se trouve entre eux par jeu. Nous les avons créés par la Vérité (44,38).
[6] Al-qawn: : le peuple, la tribu, c’est-à-dire les soufis.
[7] Dans les commentaires précédents, l’auteur déniait toute qualité positive à l’âme. La contradiction apparente est due au fait que l’âme correspond à l’affirmation du moi individuel, d’une part, et au secret de la Présence divine, d’autre part. Ainsi, lorsqu’on affirme la nécessité de son extinction, c’est parce que l’on considère que sa prétention à être quelqu’un est ce qui la voile le plus de la seigneurie divine. Toutefois, l’existence même de cette prétention prouve sa nature et son origine spirituelles. Par conséquent, connaître son aspect négatif d’affirmation du moi individuel, c’est reconnaître ipso facto la vérité qu’elle dissimule en elle, étant entendu qu’il ne s’agit pas là d’une reconnaissance théorique ou purement mentale mais d’une réalisation par le biais d’une extinction réelle
[8] Sidi ‘Abd al-Rahmân al-Majdhûb, maître shâdhili (m. 976/1569) enterré à Meknès, est l’un des maillons de la silsila de la tarîqa ‘Alawiyya. Ses poèmes transmis oralement sont très connus au Maghreb. Cf. A.L. de Prémare, Sîdî ‘Abd al-Rahmân al-Majdhûb, Mysticisme populaire, société et pouvoir au Maroc au 16è siècle,Rabat, 1985.