La Science Sacrée peut-elle s’obtenir juste avec des livres?


La Science Sacrée peut-elle s’obtenir simplement à partir des livres?

 

Par  Sunnisme.com [1]

ilmsheykh

 

Question :

Certaines personnes ont déclaré que le système des ijazas [2] et les Isnads [3] d’un savants sont essentielles alors que d’autres disent qu’il n’est pas nécessaire de posséder des Isnads ou des ijazas pour être un savant et que la science peut être obtenue simplement à partir des livres (comme c’est le cas pour sheykh al-Albani). Quelle est l’opinion correcte et qu’elles en sont les preuves?

Réponse :

Afin d’acquérir la Science, il est absolument essentiel de se placer sous l’expertise d’un professeur qualifié (Sheykh). Ne pas le faire entraîne généralement un égarement absolu. En fait, cela [ndt : la transmission orale] a été l’usage des Prophètes (Anbiyâ) et de nos pieux prédécesseurs (as-Salafs as-Salih).

1. Le Saint Coran a été révélé par Allâh Ta’ala le Tout puissant pour que la Oummah puisse bénéficier de la connaissance et de la bonne Guidée. Mais, sans les explications de Rassoulullâh (salallahou ‘alayhi wassalaam) il y aurait certainement eu des incompréhensions sur les significations. Allâh Ta’ala s’adresse au Messager de Dieu dans le Coran : « Et Nous avons fait descendre sur toi le Coran, de sorte que tu expliques aux gens ce qui leur a été révélé ». Il s’agit là de la plus importante et plus évidente preuve de notre point de vue.

2. Allah Ta’ala mentionne dans le Coran : « Demandez aux gens de savoir si vous ne savez pas ».

3. Il est dit que Sayyidina Daoud (‘Alayhi salam) aurait énormément bénéficié de Luqmaan al-Hakim (‘Alayhi salam), avant que Daoud ne reçoive la prophétie. [4]

4. Le séjour de Sayyidina Moussa (‘Alayhi salam) chez Sayyidina Khidhr (‘Alayhi salam) est bien connu et inscrit dans le Saint Coran.

5. En outre, durant l’époque des Tabi’ine, chaque fois que quelqu’un prétendait avoir n’importe quelle connaissance, il était interrogé au sujet de la personne auprès de qui il l’avait apprise. [5]

6. Muhammad Ibn Sirine a dit : « Méfiez-vous des livres car ceux d’avant vous ont été induits en erreur par les livres »

7. Les Salaf avaient l’habitude de dire aux gens : « Et qui est votre Savant, ou bien où sont vos Savants et ils détestaient celui qui n’avait pas de Savant et qui prenait sa science directement dans les livres »

8. Il a été rapporté que les Salaf disaient aussi : « Celui qui entre seul dans la connaissance, en sortira seul »

9. Imam Adh-Dhahaabi a déclaré à propos de Ali Ibn Rizwan : « Il n’a pas eu d’enseignant (sheykh). Au lieu de cela, il a prit sa science uniquement à partir des livres. Il est l’auteur d’un livre sur l’acquisition d’une compétence ou d’un métier uniquement par la lecture de livres dans lequel il déclare que cela est plus approprié pour l’élève. Mais c’est faux. »

10. Ibn Butlan a dit : « Il est interdit et détesté par les Salaf de faire cela (prendre la science uniquement des livres), parce que ce qui peut se produire, pour une personne qui est un débutant dans la recherche de la Science, c’est qu’elle peut facilement confondre un mot avec un autre (en raison de l’arabe de l’époque dans lequel il n’y avait pas de symboles pour les voyelles). Le Savant qui est fermement ancré dans sa connaissance sera en mesure de prendre des livres (et de comprendre ce que l’élève ne peut pas) et l’étudiant lui permettra de lire le livre et de lui expliquer »

11. As-Safadeee à déclaré : « Pour cette raison, les Ulémas ont dit ne pas prendre de Science d’une personne qui l’a acquise à partir des livres »

12. Hafiz Khatib al-Baghdadi, le célèbre Muhaddith du 5ème siècle, affirme dans son livre  » Taqyidul ‘Ilm  » : « Beaucoup de savants de l’époque classique ont – à l’approche de la mort – soit eux-mêmes détruits leurs livres, soit ont ordonné qu’on le fasse. Cela était dû à la crainte que ces ouvrages puissent finir entre les mains d’ignorants qui ne comprendraient pas ses verdicts et ne feraient qu’en prendre le sens apparent ». Il a ensuite rapporté plusieurs épisodes, d’érudits classiques, l’ayant fait. Parmi eux : l’Imam Abeda al-Salmani, l’Imam Shu’bah ibn Hajjaj, l’Imam Abu Qilabah et l’Imam Eesa ibn Younous. [6]

13. Les Imams Muhammad ibn Sirine, Hakam ibn Atiyyah et Waki Ibnul Jarrah ont tous déclaré que la cause première de l’égarement des Banu Israël était les livres qu’ils avaient hérités de leurs ancêtres. [7]

14. L’Imam al-Awzaa’iee a déclaré : « La Science était sublime aussi longtemps qu’elle était obtenue de la bouche des savants. Mais quand elle s’est retrouvée dans les livres, son Noor (lumière divine) a disparu ». [8]

Note : Le but des 3 citations précédentes est de démontrer que la simple étude de livres constitue une erreur et que cette méthode est dénuée de l’assistance divine. L’idéal serait d’étudier les livres en question sous la tutelle d’un Savant. En aucun cas, notre intention n’est celle de rabaisser les ouvrages de Shari’ah.

15. On a questionné l’Imam Malik sur le fait que la connaissance puisse être acquise auprès d’un homme qui ne s’est pas assis en compagnie des Savants (et qui au contraire, s’est uniquement contenté de livres). Il a répondu par la négative et a dit : « La Science ne doit être acquise qu’auprès de celui qui a mémorisé [ndt : apprit], qui a accompagné les Savants, qui a pratiqué sa connaissance et qui possède en lui la piété ». [9]

16. Sheykh Muhammad Awamah (un Muhaddith contemporain inégalé) mentionne de manière admirable dans son livre  » Adabul Ikhtilaf  » : « Ils (les Ulémas) n’ont jamais eu pour habitude de prêter attention à celui qui n’a pas eu d’Ustadh (enseignant), ni ils n’auraient considéré une telle personne digne de s’exprimer en raison des erreurs qu’elle puisse commettre ». Il dit encore : « Le Qadi ‘Iyad et d’autres ont rapporté que quand l’Imam Ahmad Ibn Hanbal fut questionné par le dirigeant de son temps (al-Mu’tasim) pour discuter d’une certaine question avec Ibn Abi Du’ad, il (l’Imam Ahmad) détourna son visage et dit : « Comment puis-je discuter avec une telle personne alors que je ne l’ai jamais vu à la porte d’aucun Savant (‘Alim) ! ». [10]

17. Le grand Saint, Sayddi ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy (rahimahuLlâh) a déclaré : « La Science s’apprend de la bouche des hommes ». [11]

Par ailleurs, de nombreux Hadiths nous indiquent le fait que l’acquisition de la Science doit se faire par transmission orale :

Le Prophète a dit : « Ô Abou Dharr, si tu te déplaces et apprends une ‘ayah du Qour’an, tu seras plus récompensé que si tu pries cent rak’ah des prières surérogatoires ; et si tu te déplaces et apprends un chapitre de la connaissance, tu seras plus récompensé que si tu pries mille rak’ah des prières surérogatoires ». [Rapporté par Ibnou Majah]

Le Prophète a dit : « Celui qui est sorti pour acquérir la science de la religion, celui-là est en train d’agir pour rechercher l’agrément de Allah jusqu’à ce qu’il revienne ». [Rapporté par At-Tirmidhiyy]

Quel serait le sens de ces déplacements si ce n’était pour aller chercher la Science là où elle se trouve c’est-à-dire aux pieds des Savants ?

Puis il y a ces autres Hadiths très explicites :

Le Prophète a dit : « Est excellent parmi vous celui qui apprend le Qour’an et l’enseigne aux autres ». [rapporté par Al-Boukhariyy]

Le Prophète a dit : « Celui qui interprète le Qour’an selon son avis personnel, il commet une erreur même si ce qu’il a dit est correct ». [Rapporté par At-Tirmidhi]

Le Messager de Allâh a dit : « Celui pour qui Allâh veut le bien, Il lui facilite l’apprentissage de la religion, certes la science de la religion est par transmission orale ». [rapporté par Al-Boukhary]

Le Prophète a dit : « Ô gens, apprenez. Certes, la science vient par l’apprentissage et la science de la religion par transmission orale. Celui pour qui Allah veut du bien, Il lui fait apprendre la science de la religion ». [Rapporté par At-Tabarany]

Si les livres peuvent constituer un bon support d’apprentissage, il n’en demeure pas moins que la Science ne peut s’apprendre qu’auprès d’un Savant (Sheykh) ayant lui-même reçu cette Science d’un Savant, etc… Le Prophète Muhammad a reçu l’Islam de L’ange Jibril (‘Alayhi salam), puis Il l’a ensuite enseigné à ses Compagnons (Radhia Allâhou ‘anhoum) qui ensuite ont transmis à leurs successeurs, et ainsi de suite jusqu’à nos savants d’aujourd’hui. C’est grâce à cette transmission orale et à cette mémorisation que notre religion a été préservée des innovations, des hérésies et des falsifications,comme on peut en trouver dans les autres religions. Comme l’a dit le grand Savant Ibn al-Moubârak (118-181 AH) : « La chaîne de transmission fait partie de la religion et s’il n’y avait pas cette chaîne n’importe qui le voudrait pourrait dire n’importe quoi ».

A-t-on déjà vu un chirurgien autodidacte? Non, c’est impossible et quand bien même il aurait lu tous les livres qui existent sur la médecine et la chirurgie, ca ne fera de lui ni un médecin, ni un chirurgien. Il pourra se présenter dans n’importe quel établissement hospitalier, il est impossible qu’il trouve un poste et à coup sur il se fera claquer la porte au nez. Jamais personne ne confierait sa vie ou celle d’un de ses proches à une telle personne si pour des raisons médicales une opération chirurgicale s’avèrerait nécessaire. Quiconque possédant un esprit sain aura bien trop peur des résultats catastrophiques engendrés par une telle opération, et sur ce point on ne pourra que lui donner raison.

Alors pourquoi ne pas appliquer pour l’Islam ce que l’on applique pour sa santé ? La religion d’Allâh est-elle moins importante que notre santé pour que nous la mettions entre les mains de gens qui ne sont pas qualifiés ?

Nous espérons que les points évoqués ci-dessus sont suffisants pour convaincre et satisfaire toute personne qui a l’idée saugrenue de se suffire à l’étude exclusive des livres sans la supervision d’un professeur compétent (Ustadh).

Nous terminerons cette explication avec la traduction d’un célèbre poème qui est attribué à l’Imam ash-Shafi’i et qui est très célèbre dans la bouche des Oulémas :

« Oh, mon frère,
Tu ne pourras jamais acquérir la Science,
Sans ces six choses,
L’intelligence, le désir, la pauvreté,
le Séjour, la tutelle d’un Maître,
ainsi qu’une longue période régulière (d’étude sous sa direction) » [12]

Et Allâh Ta’ala est plus Savant.

 

Notes :

[1] Article réalisé par l’équipe de Sunnisme.com à partir d’une fatwa du Mufti Mohammed ibn Haroun Abassomer et d’autres articles de Fiqh. Le Sheykh Mohammed ibn Haroun Abassomer est né et a grandi en Afrique du Sud. Après avoir terminé huit années de rigoureuses études islamiques sur place, il a ensuite continué afin de se spécialiser dans le domaine du hadith sous la tutelle de l’un des savants les plus renommés dans les sciences du Hadith, Sheykh Fadl al-Rahman al-Azami (Qu’Allâh le préserve). Plus tard, il continua son voyage afin d’approfondir encore plus sa spécialisation dans le Hadith avec le savant renommé Sheykh Muhammad Awwama, à la Munawwarah de Médine.

[2] Ijaza : autorisations délivrées par les Savants à leurs élèves une fois qu’ils ont parfaitement maitrisés la matière qui leur a été enseignée.

[3] Isnad : Dans la transmission des Sciences Islamiques il s’agit des chaines de transmission reliant les élèves à leurs maitres. Cette chaîne permet d’authentifier si la personne qui enseigne telle ou telle science l’a bien reçue d’un maître (sheykh) authentique l’ayant lui-même reçue d’un maître, etc. Ce sont ces mêmes chaines qui ont permis de protéger les Hadiths de toute falsification et invention. En effet cette chaîne des rapporteurs et la fiabilité que l’on attribue à ceux-ci permettent d’évaluer le degré de recevabilité du Hadith.

[4] Tafsir al-Qurtubi

[5] Mouslim

[6] Ibid pages 61-62

[7] Voir Taqyidul ‘Ilm page 61et ses notes.

[8] Ibid page 64

[9] Cf : Adabul Ikhtilaf page145

[10] Ibid page144

[11] Dans Al-Fath Ar-Rabbani Wa l-Faydh Ar-Rahmani, page 348 (Enseignements Soufis, ed. al-Bouraq)

[12] Adabul Ikhtilaf pages 142 – 143