Le Tawassoul en Islam

Le Tawassoul

Par le Mufti  ibn Adam al-Kawthari [1]

Invocation

 

 

Question :

Ma question porte sur le « Tawassul ». De toute évidence, les Salafis disent que la pratique de cet acte d’adoration constitue de l’association (shirk) et qu’il rompt la Croyance (‘Aqeedah) de l’Unicité (Tawheed). Même les gens d’Arabie saoudite ont cette pratique en aversion et cette ‘Aqeedah a été adoptée par les Imams et prêcheurs (Khateebs) du Harmain (les deux Harams Sacrés). Merci de nous éclairer par vos paroles de sagesse à propos de cette question controversée.

Réponse :

Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,

Le Tawassoul (utilisation d’intermédiaires dans la supplication à Allâh le Très-Haut) à travers le Messager d’Allâh (salallâhou ‘alayhi wassalaam), les Saints (Awliyas) et les Pieux croyants est autorisé, et même recommandé selon les quatre écoles (Madhhabs) Sunnites de Jurisprudence (Fiqh).

Cela a été la croyance dominante détenue par les savants de cette Ummah à travers toutes les époques. Les Salafs (prédécesseurs) dès les premières générations ont eu cette compréhension et cela est resté la voie des quatre Madhhabs Sunnites dans le Fiqh.

Le sens du Tawassoul est : Demander à Allâh Tout-Puissant, par l’intermédiaire et l’intercession d’une autre personne. Par exemple, on dit : « Ô Allâh! Je demande pardon pour mes péchés par la Wasila (intercession) du Messager d’Allâh ».

Le Tawassoul peut être effectué par les propres bonnes œuvres d’une personne, par le Prophète, par les Pieux qui nous ont quittés et ceux qui sont encore vivants. Tous ces types de Tawassoul sont permis et acceptables.

La licéité du Tawassul est prouvée à partir du Qour’an, de la Sunnah, et à toujours constituée une pratique de la Ummah, à juste titre.

Voici certains des arguments prouvant la validité de Tawassoul :

1) Allâh le Très-Haut dit :

« Ô vous qui croyez ! Craignez Allâh et efforcez-vous de trouver le moyen (wasila) de vous rapprocher de Lui ! » [2]

Le mot « Wasila » (un moyen pour se rapprocher) inclut dans son indication générale le Tawassul (l’intercession) à travers des personnes et des actions.

2) Allâh Tout-Puissant dit :

« Si, donc, ces gens-là qui se sont fait du tort à eux-mêmes s’étaient adressés à toi (Ô Muhammad SAW) pour implorer le pardon de Allâh, en sollicitant ton intercession, ils auraient sûrement trouvé auprès du Seigneur clémence et miséricorde. » [3]

Ces deux versets sont clairs sur la validité et la recommandation du Tawassoul. La distinction faite dans cette affaire par certains, entre les vivants et les morts ne vient que de celui qui croit que les âmes périssent après la mort, ce qui conduirait à nier la résurrection.

De surcroit, lorsque l’on utilise le Tawassoul dans la supplication (dou’a), on ne demande pas et on ne cherche par autre qu’Allâh Tout-Puissant. Seuls la position, le statut et le rang élevé de la personne par qui la Wasila est réalisée sont utilisés comme intercession. En d’autres termes, le serviteur dit : « Ô Allâh! Ce Prophète ou ce serviteur (parmi les tiens) est très proche de toi. Je ne possède pas de bonnes actions, mais j’ai l’amour pour les Pieux. Ô Allâh! Pardonne-moi et efface mes péchés à travers cet amour et ce lien que j’ai avec ce Pieux serviteur (parmi les tiens) ».

A partir de là, chaque personne ayant un esprit sain arrivera à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de distinguer et de différencier entre les vivants et les morts. C’est la raison pour laquelle des savants tels que l’imam as-Subki, al-Hafidh Ibn Kathir, al-Imam an-Nawawi (qu’Allah soit satisfait d’eux tous) et bien d’autres ont déclaré la licéité du Tawassul par les Pieux, qu’ils soient vivants ou décédés par la Miséricorde d’Allâh.

3) L’Imam at-Tirmidhi (rahimahou Allâh) et d’autres ont rapporté de Uthman ibn Hunaif (qu’Allâh soit satisfait de lui) :

« Un homme aveugle est venu au Messager d’Allâh et lui a dit : « J’ai été affecté dans ma vue, prie Allâh pour moi. » Le Prophète lui répondit : « Fais tes ablutions (Wudhu), effectue une Prière (Salat) de deux Rak’at puis dis : « Ô Allâh! Je te demande et m’adresse à toi à travers mon Prophète Muhammad, le Prophète de la miséricorde. Ô Muhammad! Je cherche ton intercession auprès de mon seigneur pour recouvrer ma vue, afin que mon besoin soit comblé. Ô Allâh! Fais-le intercéder en ma faveur. » Le Messager d’Allâh dit alors : « Et si tu as une autre demande, procède de la même façon ». (ndt : l’homme recouvra ensuite la vue) [4]

Le contenu précis de ce Hadith prouve la validité juridique du Tawassoul à travers une personne vivante. Cela prouve implicitement la validité du Tawassoul par une personne décédée, car le Tawassoul à travers une personne vivante ou décédée ne se fait pas à travers un corps physique ou à travers une personne vivante ou morte, mais plutôt à travers le bien d’une personne qu’elle soit vivante ou morte.

4) En outre, l’Imam at-Tabarani rapporte dans al-Mu’jam al-Kabir d’après le même Uthman ibn Hunaif (qu’Allâh soit satisfait de lui) qu’une personne est venue à plusieurs reprises concernant un besoin, mais Uthman ne fit pas attention à lui. L’homme a alors rencontré son fils et s’est plaint à lui à ce sujet – c’était après la mort du Messager d’Allâh et après les époques de Sayyiduna Abu Bakr et Sayyiduna Umar (qu’Allâh soit satisfait d’eux) – donc Uthman (qui recueillait les Hadiths et comptait parmi les savants) lui dit : « Va à l’endroit où l’on fait les ablutions (wudhu), puis vient à la Mosquée, effectue deux Rak’ats puis dis : « Ô Allâh, je te demande et me tourne vers toi à travers notre Prophète Muhammad, le Prophète de la Miséricorde. Ô Muhammad! Je me tourne à travers toi vers mon seigneur, afin qu’Il comble mon besoin » …… jusqu’à la fin du Hadith.

Il s’agit d’un texte clair et explicite provenant d’un Compagnon (Sahabi) prouvant la validité juridique du Tawassoul par les morts. Le Hadith a été classé comme authentique (Sahih) par al-Bayhaqi, Moundhiri, al-Haythami et bien d’autres. [5]

5) Dans le Hadith enregistré par l’Imam al-Bukhari et d’autres, le Compagnon Umar (qu’Allâh soit satisfait de lui) a fait le Tawassoul à travers l’oncle du Messager d’Allâh, Sayyiduna Abbas (qu’Allâh soit satisfait de lui), en demandant la pluie à Allâh Tout-Puissant lors d’une période de sécheresse. [6]

Ces Hadiths ainsi que beaucoup d’autres sont clairs sur la licéité et la validité du Tawassoul. C’est la raison pour laquelle les grands savants Sunnites traditionnels ont approuvé cette croyance à travers les âges. A l’époque actuelle, la plupart des Musulmans qui appartiennent à Ahl us-Sunna wa al-Jama’a, dans la plupart des régions du monde, ont aussi cette croyance.

Beaucoup de livres en Arabe et dans d’autres langues ont été écrits en réfutation de ceux qui considèrent le Tawassoul comme du Shirk. Des Savants de Syrie, de Jordanie, du Liban, du Koweït, des Emirats, d’Inde, du Pakistan et même d’Arabie saoudite ont rejeté la position tenue par la minorité de la secte dite Salafi.

En ce qui concerne certains des savants du Haramayn (Mecque), leurs opinions en matière de ‘Aqida découlent généralement du suivi aveugle de l’imam Ibn Taymiyya … Imam qui en dépit d’avoir une grande connaissance, dans de nombreuses questions, a choisi un chemin qui était différent de la trajectoire de la majorité de la Umma, et les Savants dans l’ensemble n’ont pas accepté ses avis.

Dans le même temps, il faut être précautionneux afin de ne pas avoir une croyance erronée dans la ‘Aqidah. Nous devons avoir la conviction que seul Allâh le Tout-Puissant a une influence sur toute chose, extérieurement et intérieurement. En outre, il ne faut pas avoir la croyance selon laquelle la supplication (ad-Dou’a) n’est pas acceptée sans le Tawassoul. C’est cela le vrai Tawhid.

Et Allâh est plus Savant.

[Mufti] Muhammad ibn Adam
Darul Iftaa
Leicester, Royaume-Uni

Notes :

[1] Lire ici sa biographie
[2] Qour’an : s5 / v35
[3] Qour’an : s4 / v64
[4] Enregistré par at-Tirmidhi, Abou Dawoud, an-Nasa’i, at-Tabarani et d’autres, avec une chaîne authentique de narrateurs.

[5] Rapporté par at-Tirmidhi dans « Al-da’awat » hadith bon (hassan) et authentique (sahih), An-Nasa-i dans « ‘Amal elyawm wa allayla », At-Tabarani, Al-Bayhaqi dans « Dala-il an-Nabouwa »,  Al-Boukhari, Ibn Maja dans le chapitre « La prière du besoin », Al-Hakim dans « al-moustadrak » chapitre de la prière  « L’invocation pour le retour de la vue » avec une chaîne de transmission authentique, ibn Khazima dans son sahih. Jalal As-Souyouti le cita dans « Al jami’ al kabir wa al saghir » avec une chaîne de transmission authentique tome 2 page 201. L’imam al Moundhiri le rapporta dans « Al tar’ib wa al tarhib » chapitre « Incitation à la prière du besoin et ces invocations » tome 1 page 201, l’imam An-Nawawi dans « Al adkar » (les invocations) chapitre « La prière du besoin », l’imam Al-Haythami dans « Majmou’ al zawa-id fi salat al haja » tome 2 page 329, Al Hafad Al Damyati dans « Al moutajar al raabah » chapitre les prières surérogatoires.

[6] Durant le califat de Umar, Médine fut frappée d’une sécheresse, Bilal ibn Al-Harith – qu’Allâh soit satisfait de lui – se rendit sur la tombe du Prophète Muhammed ﷺ et dit : « Ô  Envoyé d’Allâh ! Intercède pour ta communauté pour de la pluie ils sont exténués. Le Prophète ﷺ lui vint en rêve et lui annonça la tombée de la pluie. » Ce Hadith est rapporté par al Bayhaqi par une chaîne de transmission authentique (d’après Abou Nasr ibn Qatada et Abou Bakr al Farissi ceci ont dit : Ibrahim ibn ‘Ali al Dahli nous a dit, Yahya  ibn Yahya nous a dit, Abou Mou’awiya a dit d’après al A’mach d’après Abou Saalah d’après Malak) et ibn Abi Chayba (Abou Mou’awiya a dit d’après al A’mach d’après Abou Saalah al Samaan d’après Malik Addaar (qui était le gardien des biens lors du califat de Umar)). Ibn Hajar al ‘Asqalani a dit dans Sahih al Boukhari dans le chapitre de « al istisqa » Fath al-Barri tome 2 page 415  « Il s’agit d’une chaîne de transmission authentique ». Rapporté également par ibn Kathir dans « al bidaya » tome 1 page 91 chapitre « Les événements de l’année 18 ». Afin de dénigrer l’authenticité de ce hadith, certains rapportèrent le fait que Malik Addaar est inconnu tel que al Moundhiri et al Haythami. Mais d’autre ont rapporté le contraire, ceci sont ‘Umar ibn al-Khatab, Ibn Sa’d, ‘Ali ibn al Madini, ibn Haban, al Hafad ibn Hajar al ‘Asqalani, et al Hafad Ibn Kathir, lorsqu’il disent qu’il s’agit d’une chaîne de transmission authentique. Doit-on alors rapporter l’avis de ceux qui le connaissent ou de ceux qui l’ignorent ? Ibn Sa’d a dit dans « al Tabaquatte » tome 5 page 12 : « Malik Addaar était le servant de Omar ibn al Khatab, il rapporta les paroles de Abou Bakr, et de Omar », puis il ajouta : « Il était connu ». al Hafad ibn Hajar rapporte dans « al isaaba », dans la biographie n° 8356 : « Il est compté parmi les compagnons et ceci est suffisant à sa notoriété. » Puis il relata le fait que quatre personnes rapportèrent de lui : Abou Saalah al Samanou, ainsi que son fils ‘Awn, Abd Allah ibn Malik, et Abd Arrahman ibn Sa’id Yarbou’ al Makhzoumi. » Puis il dit : « ‘Ali al Madini a dit : « Malik Addaar était le trésorier de Umar ibn al Khatab. De ce fait nous apprécions toute la confiance que Umar lui accorda en lui déléguant la responsabilité de la trésorerie de l’état. Il y a en cela la plus haute notoriété qui puisse être accordée. » Al Hafad al Khalili, a rapporté dans son livre « Al ircha », le consensus fait sur la notoriété de Malik Addaar, en disant : « Nous sommes d’accord sur lui, la génération suivant les compagnons (At-tabi’oun) reconnurent sa notoriété et l’ont complimenté. » [cf : Source : Khoulassatou el kalam : fi bayane oumara al bilad al haram », de : Ahmed Dahlan moufti Shafi’i de Makka al moucharaffa, disponible en partie sur Aslama.com]