Le Prophète et les Compagnons forçaient-ils les gens à devenir Musulmans?

 

Sheykh Ilyas Patel

 

 

prophète_compagnons

 

 

Question :

Assalamou alaykoum. Il y a une question qui me tracasse, c’est pourquoi je me permets de vous envoyer ce courriel.

Un non-Musulman m’a envoyé un message en essayant de démontrer que le Prophète ﷺ et les Sahaba (RA) ont forcé des gens à devenir Musulmans.

Dans ce message, pour appuyer ses dires, le non-Musulman m’a fait lire cette citation particulière :

Abou Bakr a dit : « Vous me avez questionné sur le meilleur conseil que je pourrais vous donner, et je vais vous dire. Allâh a envoyé Muhammad avec cette religion et il a lutté pour elle jusqu’à ce que les hommes l’acceptent volontairement ou par force. » (Ibn Ishaq, Sirat Rasul Allah, pp. 668-669)

Cependant, je sais aussi que Allâh déclare dans la sourate Baqara qu’il n’y a pas de contrainte en Islam.

Ibn Ishaq a-t-il vraiment écrit cela et si ibn Ishaq a écrit cela, alors ce qu’il dit est-il vrai?

Réponse :

Wassalamu alaykum wa rahmatullahi wa barakatuhu,

J’espère que vous vous portez bien.

Oui, il aurait pu dire ce qui précède. Loin d’être apologétique ou polémique, le mot « force » n’est pas à prendre dans son sens littéral, mais la signification de celui-ci doit être prise dans son contexte et sa signification large. Voici ce que mentionne en commentaire de ce verset (ndt : le grand exégète) Ibn Kathir :

Abu Dawud et An-Nasa’i ont également rapportés ce Hadith. Quant au Hadith que l’Imam Ahmad a rapporté, dans lequel Anas a dit que le Messager d’Allah ﷺ a dit à un homme, « embrasse l’Islam. » L’homme a répondu, « Je n’aime pas. » Le Prophète a alors dit, « Même si tu n’aimes pas. »

Premièrement, c’est un hadith authentique, avec seulement trois narrateurs entre l’Imam Ahmad et le Prophète. Cependant, il n’est pas pertinent pour le sujet en discussion, car le Prophète n’a pas forcé cet homme à devenir Musulman. Le Prophète invitait simplement cet homme à devenir Musulman, et il a répondu qu’il n’en avait pas le désir. Le Prophète a répondu à l’homme que même s’il n’aimait pas embrasser l’Islam, il devrait l’embrasser, car Allah allait lui accorder la sincérité et la véritable intention.

Mufti Shaf’i a écrit que cette approche de l’Islam montre clairement que l’usage de la force n’est pas requit pour que les gens acceptent et entrent dans l’Islam, loin de là, il s’agit plutôt de supprimer l’oppression du monde. Lorsque saydinna ‘Umar (qu’Allah soit satisfait de lui) a invité une vieille femme Chrétienne à l’Islam, elle lui a dit : « je suis une vieille femme et très proche de la mort » ce à quoi ‘Umar répondit par le verset cité ci-dessus : « Point de contrainte en religion ».

La coercition et la force ne sont absolument pas envisageables car la foi n’est pas liée à l’extérieur, mais à l’intérieur, au cœur. La coercition et la contrainte n’affectent rien d’autre que le physique à l’extérieur et c’est tout ce qui est affecté par le Jihad et le qital (combats). Au final, il est tout simplement impossible que les gens puissent être forcés à accepter la foi selon ces mesures. Cela prouve que les versets du Jihad et du qital ne sont pas en contradiction avec le verset suivant : « Point de contrainte en religion ».

Une célèbre lettre envoyée par 36 savants Musulmans au pape Benoît XVI comportait ce verset :

« Ce verset est reconnu comme appartenant à la période de la révélation Coranique correspondant à l’ascension politique et militaire de la jeune Communauté Musulmane. « Point de contrainte en religion » n’ordonnaient pas aux Musulmans de rester fermes face à la volonté de leurs oppresseurs de les forcer à renoncer à leur foi, mais c’était un rappel aux Musulmans eux-mêmes, une fois qu’ils avaient atteint le pouvoir, pour qu’ils sachent qu’ils ne pouvaient pas forcer le cœur d’autrui à croire ».

« Point de contrainte en religion » s’adresse à ceux se trouvant dans une position de force et non de faiblesse. Les premiers commentaires du Coran (comme celui d’At-Tabari) montrent clairement que certains Musulmans de Médine voulaient forcer leurs enfants à se convertir du Judaïsme ou du Christianisme à l’Islam, et ce verset était précisément une réponse qui leur était adressée de ne pas essayer de forcer leurs enfants à se convertir à l’Islam.

Quant à la déclaration d’Abu Bakr mentionnée dans Ibn Ishaq, elle doit être fiable. Ibn Ishaq, est considéré par l’Imam ash-Shafi’i, Ahmad ibn Hanbal, Yahya b. Ma`in, al-Bukhari, Muslim et beaucoup d’autres comme fiable dans l’ensemble et en particulier en ce qui concerne la Sira.

Et Allâh seul donne le succès,

Wassalam,

Sheykh Ilyas Patel