Comment retirer le couteau d’un cœur

 

Tazkiyyah an-Nafs

 

 

coeur blessé

 

 

Lorsqu’une personne nous a causé du tort, nous ne savons pas toujours comment nous devons réagir. Parfois on peut se sentir triste, blessé, souhaiter se venger ou faire payer d’une manière ou d’une autre la personne à l’origine de ce mal. Dans cet article, nous verrons quelques axes permettant à chacun de mieux comprendre comment l’Islam nous demande de réagir afin que le mal que nous avons subi (ou causé) ne se retourne pas contre nous au Jour du Jugement.

D’une manière générale, nous savons qu’Allâh nous enjoint à pardonner.

« Élancez-vous vers un pardon ineffable de votre Maître, hâtez-vous vers un Paradis immense, aménagé aux dimensions des cieux et de la terre, réservé à ceux qui craignent Allâh, à ceux qui dispensent leurs richesses en aumône, qu’ils soient dans la gène ou l’abondance, qui savent dominer leur colère et pardonner à leur prochain. Allâh aime les âmes généreuses ! » [Coran, 3.133]

« … ils oublieront et ils pardonnerons. N’aimez vous pas quand Allâh vous pardonne ? Allâh est Celui qui pardonne. Il est très miséricordieux » [Coran, 24.22]

« Pratique le pardon ; ordonne le bien ; écarte-toi des ignorants » [Coran, 7.199]

L’exemple Prophétique va également dans le même sens. Même lorsque le Prophète subit les pires injustices au point d’être rejeté, frappé, son invocation vers Allâh fut :

« Mon Dieu ! Pardonne à mon peuple car ils ne savent pas. » [Kitab ash-Shifa’ du Qadi ‘Iyyad]

Face à une injustice subie, il existe aussi bien entendu la réponse « légale », c’est-à-dire le recours à la justice, mais ce n’est pas sur ce point que nous nous attarderons dans cet article.

Si naturellement nous nous sentons mal à cause de ce mal dont nous avons été victimes, que nous avons des ressentiments négatifs, des envies de revanches, mais que nous ne les nourrissons pas, que ça vient sans que nous ne le souhaitions, que c’est donc inintentionnel, alors ça ne nous affectera négativement. D’un autre côté, lorsqu’une personne nous fait du tort, il arrive parfois que nous nourrissions cela par la médisance, la calomnie, le mensonge, en planifiant une revanche… et tout cela participe à entretenir ces mauvais sentiments à l’égard de la personne concernée. Celui qui n’entretient pas ces ressentiments ne sera pas affecté (dans sa progression spirituelle et sa relation avec Allâh), tandis que celui qui les entretient s’en trouvera affecté.

Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy (RA) a déclaré :

« Regardez au plus profond de votre cœur pourquoi vous ne progressez pas sur le Chemin vers Allâh ‘azawajal. »

Un jour, certains de ses élèves lui posèrent la question suivante : « Il y a une personne qui semble nous en vouloir mais on ne lui a rien fait du tout. Comment devons nous réagir par rapport à cette personne ? » C’est une situation que nous rencontrons nous aussi parfois. Peut-être avons-nous fait quelque chose sans nous en rendre compte, ou qui a pu être perçue autrement que ce que nous espérions ? Le grand Maître spirituel leur répondit : « Certains d’entre vous ont des secrets très sombres et profonds en eux, des choses obscures ». Il dit alors à ces murideens (disciples) : « J’ai regardé à l’intérieur de vos cœurs et il y a des blocages (obstructions) ». Nous connaissons ce type de situations physiquement lorsque nous avons par exemple du cholestérol et que notre cœur est obstrué. On ne s’en rend pas forcément compte car c’est caché, où alors parfois sur le tard lorsque nous avons des problèmes cardiaques, voire trop tard une fois morts.

S’en rendre compte avant et faire le nécessaire pour recouvrer la santé physique est alors indispensable et vital. Il en va de même pour le cœur (spirituel). Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy se rendit compte de cela chez ces disciples et il les informa qu’ils avaient en eux des blocages qui les empêchaient de se rapprocher davantage d’Allâh. Il leur dit que cela trouvait sa source il y a fort longtemps, peut-être lors de leur adolescence et qu’ils avaient alors du faire du mal à des gens. Ce type d’événements, nous les avons oubliés depuis longtemps, mais Allâh ne les a pas oublié, les anges non plus ne les ont pas oubliés, ils demeurent. C’est la raison pour laquelle une des conditions indispensable pour celui qui désire cheminer vers Allâh, c’est la Tawbah (le repentir) et cela implique de réparer les droits de ceux qui sont concernés (Allâh, le Prophète Muhammad, l’Islam, le Qour’an, les gens concernés…). Une personne peut porter la barbe, un voile, présenter tous les signes extérieurs de la piété mais garder en elle ces noirceurs. Extérieurement on voit un personne pieuse, mais en réalité elle est déconnectée d’Allâh ta’ala.

Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy continua en disant :

« Vous avez fait du mal à des gens, vous les avez poignardé (NDT : sens figuré) et vous avez laissé le couteau dans leur cœur. Allez donc les voir et rectifiez ce qui doit l’être et de cette manière,  vous trouverez ouvertes les portes de la proximité d’Allâh ».

Mais que faire si on ne trouve pas la personne à qui nous avons fait du tort ?  

Saydinna Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy a dit qu’on peut donner sadaka (aumône) en leur nom, qu’on peut prier pour eux (dou’as), faire des bonnes actions en leur nom (de manière à ce que les récompenses leur reviennent), répandre des bonnes nouvelles à propos de ces personnes (leurs qualités par ex.) de manière à ce que leur honorabilité augmente vis-à-vis des gens.

Mais que faire si nous n’avons rien fait à la personne qui a un ressentiment vis-à-vis de nous ?

Saydinna Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy a dit que si on craint vraiment Allâh et le Jour du Jugement et que nous ressentons qu’Allâh nous interrogera, alors on doit essayer de rectifier la relation que l’on a avec cette personne, lui donner quelque chose, faire quelque chose de bien pour elle, de manière à ce qu’elle n’ait pas matière à se plaindre de nous le Jour du Jugement. Si on ne se sent pas concerné par cela, alors c’est qu’on ne craint pas ce Jour terrible qui est censé nous effrayer à un tel point qu’on doit faire tout notre possible pour rectifier ce qui doit l’être.  Même si on n’a rien à se reprocher, on devrait craindre ce Jour à un tel point où on ne souhaite être questionné sur rien.

A titre d’exemple, le Jour du Jugement, les Chrétiens seront interrogés sur le fait qu’ils associaient ‘Issa (Jésus – ‘alayhi salaam) à Allâh et donc qu’ils l’adoraient en imaginant qu’il était le fils de Dieu. Ils diront pour se défendre que c’est Saydinna ‘Issa qui leur a enseigné cela. Alors, Allâh fera venir ‘Issa pour le questionner et afin qu’il démente devant eux ces fausses allégations. Bien entendu il réfutera cela. Malgré qu’Allâh le sache très bien qu’il n’a jamais prétendu être Dieu ou son fils, et malgré que ‘Issa sache qu’Allâh le sait, il est rapporté que Saydinna ‘Issa sera dans tel état de devoir répondre de cela devant Allâh que son sang sortira par les pores de sa peau. Si un Prophète d’Allâh peut se retrouver dans un état pareil pour devoir témoigner d’une chose dont il est innocent, alors imaginez donc dans quel état nous serons !

– Qu’Allâh nous pardonne et nous facilite ce Jour terrible –

Le précieux conseil de Sheykh ‘Abd al-Qadir al-Jilaniyy est : Faites en sortes que personne n’ait quelque chose à vous reprocher et si c’est le cas, tentez de rectifier le tir.

Wa Allâhou a’alam.