Le Dhikr en groupe est-il permis?

Réponse par  Sheykh Faraz Rabbani


 

Dhikr

 

Question :

Le dhikr en groupe contenant de la poésie et des balancements rythmiques est-il permis? Qu’en est-il du récit d’Ibn Mas’ud l’interdisant?


Réponse :

Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux et Compatissant.

Oui, cette forme de dhikr est en soi autorisée, comme le démontre clairement les avis des principales autorités Hanafi.

Parmi les grands savants de l’école Hanafi qui ont explicitement autorisé une telle pratique on trouve Sheykh al-Islam Ibn Kamal Basha, Imam Shurunbulali, Sayyidi Abd al-Ghani al-Nablusi, ‘Allama Abd al-Qadir ‘Isa (qui cite des preuves tirées des ouvrages référents Hanafi majeurs, dont ‘Ibn Abidin) et l’Imam Ashraf ‘Ali at-Tahanawi dans son Imdâd al-Fatawa [1].

Quant à la narration d’Ibn Mas’ud interdisant le dhikr en groupe, cela a été examiné par l’Imam `Abd al-Hayy al-Lakhnawi dans son livre sur la licéité du dhikr collectif à haute voix, Sibahat al-Fikr fi’l Jahri bi’l Dhikr, dans lequel il a déclaré :

« On peut y réponde de plusieurs façons :

Premièrement, alors que cette narration a été mentionnée par un groupe de juristes (fuqaha), on n’en trouve aucune trace dans les livres de Hadith. Plutôt, c’est le contraire qui est attribué de manière authentique à Ibn Mas’ud (RA). L’Imam as-Suyuti dit dans al-Fikr Natijat [son ouvrage sur la licéité du dhikr collectif à haute voix] que ce récit d’Ibn Mas’ud nécessite une analyse au point de vue de sa chaîne de narrations, et de qui, parmi les maîtres  du hadith, l’a transmis dans ses ouvrages, et j’ai vu des preuves qui réfutent qu’il soit imputable à ‘Ibn Mas’ud. Ahmad ibn Hanbal a transmis dans son Kitab al-Zuhd, que Husain ibn Muhammad le rapporte, avec sa chaîne, d’Abu Wa ‘il qui a dit : « Ceux qui pensent qu’Abdullâh [Ibn Mas’ud] interdisait le dhikr! Je ne me suis jamais assis dans une assemblée avec Abdullâh [Ibn Mas`ud] sans qu’il n’y fasse de dhikr. »

Deuxièmement, même si ce récit était fondé, il va à l’encontre de hadiths Prophétiques explicites rigoureusement authentifiés qui autorisent le dhikr à voix haute, tant qu’il n’est pas [ndt : pratiqué] excessivement fort. Ces hadiths ont la préséance [sur cette narration] lorsque leur contenu est en contradiction.

Troisièmement, ce qu’Al-Bazzazi a mentionné dans ses Fatawa » [2].

Dans ses Fatawa, al-Bazzazi a déclaré :

« S’il [Ibn Mas’ud] les a effectivement fait partir de la mosquée, il est possible que c’était parce qu’ils croyaient que c’était un acte de culte [spécifiquement enjoint], et ainsi enseigner aux gens qu’une telle croyance est une innovation blâmable. »

Il existe également un certain nombre de hadith qui permettent le dhikr en groupe, comme le récit d’Abu Huraryah dans al-Boukhari, Mouslim, at-Tirmidhi, an-Nasa’i, et Ibn Majah, dans lequel le Prophète a dit : « Allâh dit : « Je suis tel que Mon serviteur M’estime. Je suis avec lui chaque fois qu’Il Me mentionne (dhikr). S’il Me mentionne en son for intérieur, Je le mentionne en Mon for intérieur et s’il Me mentionne dans une assemblée, Je le mentionne dans une assemblée encore meilleure. »

Imam al-Jazari dit dans son Miftah al-Hisn al-Hasin : « Ces hadiths indiquent la licéité du dhikr en groupe ». L’Imam al-Suyuti a dit, « Le dhikr collectif ne peut être qu’à voix haute, par conséquent ces hadiths indiquent sa licéité ». Après ce hadith, l’Imam Lakhnawi cite trente-neuf autres hadiths du Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam) qui démontrent qu’il est permis d’effectuer le dhikr en groupe [3].

Puis il a cité de nombreuses autorités Hanafi, comme al-Bazzazi, Abd al-Haqq al-Dahlawi, Khayr al-Din al-Ramli, et d’autres, qui ont autorisés le dhikr en groupe. [Ceci est également la position adoptée par at-Tahtawi et Ibn Abidin, les deux références majeures pour la fatwa dans l’école Hanafite, et il n’y a pas de désaccord conséquent relatif à la licéité du dhikr collectif dans l’école Shaféite, c’est la position connue d’an-Nawawi, Ibn Hajar, as-Subki, Ibn Daqiq, Ibn Abd al-Salam, Al-Khalili, et de leurs autres imams].

Imam Lakhnawi conclut en déclarant :

« Quant au dhikr à haute voix, les hadiths le permettant sont nombreux, comme le sont les rapports [des Compagnons et des premiers Musulmans], et nous n’avons pas trouvé une seule preuve qui stipule clairement que le dhikr à haute voix soit interdit ou détesté. Les experts en Hadith, les juristes Shaféites et certains juristes Hanafi l’autorisent également. » [4].

Pour finir, il convient de noter que, quand il s’agit de la décision juridique d’un acte humain particulier, il est de notre devoir de regarder ce que les experts juridiques de l’Islam, à savoir les juristes des quatre écoles, ont dit à ce sujet [5]. Toute affaire qu’ils jugeaient autorisée ne devrait pas être critiquée ou considérée mauvaise par les gens ordinaires, car ils sont les héritiers du Prophète, et ils ont rempli le devoir d’opérationnalisation de la Sunnah du bien-aimé d’Allâh.

Wassalam

Faraz Rabbani

© Traduit avec l’autorisation de l’honorable sheykh Faraz Rabbani (qu’Allâh le récompense)

 

Pour prendre connaissances des différents Hadiths sur cette question, lire : Le Dhikr en groupe et à voix haute

 

Notes du traducteur :

[1] L’Imam Ashraf ‘Ali at-Tahanawi dans Imdâd al-Fatawa (5.151)

[2] Sibahat Al-Fikr, 42-43

[3] Sibahat al-Fikr 44-58

[4] On retrouve également cette permissivité chez de nombreux savants des écoles Malikite et Hanbalite comme Sheykh as-Safarini, Sheykh ‘Abd el-Qadir ‘Isa, Sheykh Abu Qanit ash-Shareef al-Hasani, , Sheykh Musa Furber, etc.

[5] Les écoles Malikite, Shaféite, Hanafite et Hanbalite